HONG KONG : nouvelle étape sur la voie de la « normalisation »

Source : https://www.la-croix.com/Monde/Hong-Kong-partisans-rupture-avec-Pekin-elus-Parlement-2016-09-05-1300786652

Au Conseil législatif (LegCo, Parlement de Hong Kong), seuls trente-cinq députés (sur soixante-dix) sont actuellement élus au suffrage universel, les autres étant désignés par des groupes socioprofessionnels acquis aux autorités de Pékin, contrairement à la promesse qui avait été faite lors de la rétrocession à la Chine.

Ce sujet était un des thèmes de contestation des mouvements protestataires depuis un an. Mais les élections prévues pour le 6 septembre, pour lesquelles les « pro-démocratie » avaient une chance d’obtenir les 35 sièges à pourvoir, ont été reportées d’un an pour cause de pandémie.

Source : https://internewscast.com/china-removes-hong-kong-pro-democracy-politicians-from-power/

Le 10 novembre 2020, Alvin Yeung, Dennis Kwock, Kwok Ka-Ki et Kenneth Leung, quatre députés pro-démocratie (sur dix-neuf) ont été démis de leur mandat par les autorités locales, à la suite d’une résolution du Parlement chinois[1], et sans passer devant un tribunal. Le 12 novembre, comme l’avait annoncé en début de semaine. Wu Chi-Wai, leur porte-parole, les quinze élus restants ont démissionné collectivement pour protester contre ce qui est une violation du droit local sur l’autonomie des pouvoirs, en signe de solidarité.« Nous, membres du camp pro-démocratie, nous tiendrons aux côtés de nos collègues qui sont exclus. Nous démissionnerons en masse. »

Les quatre députés démis faisaient partie des douze qui avaient été invalidés en juillet, mais étaient restés en fonction, en attendant de nouvelles élections. Ils ont été révoqués pour « opposition à la nouvelle loi sur la sécurité nationale[2] et collusion avec des forces étrangères ». Mais le chef de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, a déclaré ces exclusions « constitutionnelles, légales, raisonnables et nécessaires ».

Les conseils de districts, qui étaient détenus à 80% par l’opposition depuis novembre 2019, voient à leur tour leur influence réduite par les autorités. L’hymne national chinois est désormais diffusé tous les jours à la radio publique de Hong Kong, un journaliste de la télévision RTHK a été démis de ses fonctions pour une enquête sur les manifestations, deux universitaires continentaux viennent d’être nommés vice-présidents de l’université de Hong Kong (HKU).

Source : https://en.wikipedia.org/wiki/Liberate_Hong_Kong,_revolution_of_our_times

Il n’y a donc plus d’opposition aujourd’hui au Parlement de Hong Kong. M. Wu Chi-Wai a déclaré « la mort officielle » du système ‘Un pays-deux systèmes’ ; mais il a aussi indiqué qu’avec ses collègues, ils n’abandonnaient pas le combat et poursuivraient la lutte pour la démocratie et la liberté à Hong Kong. De nombreux militants pro-démocratie ont été arrêtés ou contraints à l’exil depuis juin dernier. Ainsi le 18 novembre, trois ex-députés pro-démocratie ont été arrêtés pour «outrage» et pour avoir «administré une substance nocive dans le but de blesser, nuire ou énerver» en juin dernier. Bravant la répression, plusieurs dizaines d’étudiants ont manifesté le 19 novembre en entonnant notamment« Gloire à Hong Kong » chanson bannie par le régime, et en exposant les slogans « Liberate Hong Kong. Revolution of our times » et « Hong Kong independent, the only way out »[3]. Ce mot d’indépendance est un chiffon rouge à la face de Beijing qui ne le supporte pas plus qu’à Taïwan .Même sans opposition parlementaire, les Hongkongais ne sont donc pas (encore ?) muselés. Une autre preuve en est la condamnation par la Haute Cour de Hong-Kong du fait que les répresseurs des émeutes n’aient pas visiblement porté leurs numéros d’identification (ce que l’article 3 du Hong Kong Bill of Rights prescrit absolument)[4], et le refus d’inculper un citoyen suisse accusé d’avoir protégé un émeutier de la police. La Cour se trouve cependant, pour son courage et son indépendance, menacée d’une « réforme », autant dire d’une mise au pas[5].

Les Etats européens ont réagi immédiatement contre cette violation de l’autonomie promise à l’ex-colonie britannique, appelant Pékin à revenir sur la révocation des quatre députés. Les Etats-Unis ont menacé de nouvelles sanctions et inscrit quatre personnalités supplémentaires sur la liste des interdits d’entrée aux Etats-Unis, donc Madame Edwina Lau, le chef de la police de Hong Kong, chargée de la sécurité nationale. Amnesty International a dénoncé de nouveaux moyens pour « museler les dissidents ».

Le chef de la diplomatie chinoise, M. Wang Wenbin, a rejeté « les accusations gratuites de quelques pays » et déclaré que « les pays étrangers n’ont aucun droit de s’ingérer dans les affaires de Hong Kong ».

Le principe de l’accord pour le retour de Hong-Kong en 1997, « un pays, deux systèmes », est considéré en Occident comme l’acceptation par la Chine que Hong-Kong conserve pendant 50 ans le mode de vie démocratique qui était le sien. Pour Beijing, il s’agit d’« un pays avec un seul système sous l’autorité du PCC et une tolérance provisoire qui doit diminuer et disparaître ». Cette disparition de leur liberté est insupportable pour la majorité des Hongkongais. Mais il semble que la majorité des continentaux, et même des étudiants, considère comme injuste que ces Hongkongais bénéficient d’un traitement favorable. D’autre part, l’utilisation des arbalètes et des cocktails Molotov par des « étudiants » (ou des agents continentaux infiltrés) a bénéficié d’une large publicité pour déconsidérer les « rebelles ».  Il n’est donc pas possible de compter sur une indignation nationale pour fléchir Beijing, au contraire ! Or la légitime indignation internationale, ou du moins occidentale, est considérée par Beijing comme une ingérence, et tout retour en arrière serait vécu comme une humiliation. La solution pourrait venir d’une révolution de palais au PCC, mais Xi Jinping utilisera au contraire l’exemple de Hong-Kong pour se maintenir au pouvoir.

Hélène Mazeran avec la contribution de Michèle Biétrix et Denis Lambert

Sources :       La Croix, 12 et 13 novembre 2020, Dorian Malovic

                        Le Figaro, 11,12 et 16 novembre 2020, Sébastien Falletti

                       Le Figaro 18 et 19 novembre

                        French.peopledaily.com.cn avec Xinhua, 12 et 13 novembre 2020.

                        Malaymail/AFP, 9, 11 et 12 novembre 2020

                        Voanews, 11 novembre 2020, Tommy Walker


[1]Lors de la 23ème session du Comité permanent de la 13ème Assemblée populaire nationale (organe législatif suprême de la Chine).

[2]Cf Hélène Mazeran : « Anniversaires à Hong Kong : suite et fin ? »  et « Hong Kong : le non-respect des engagements internationaux (visions croisées !) », juin et juillet 2020 sur le site de l’Institut du Pacifique.

[3]https://www.sinodaily.com/afp/201119133824.fmiwsvvs.htmldu 19 novembre 2020

[4]https://www.sinodaily.com/afp/201119090256.n0kt6quu.htmldu 19 novembre 2020.

[5]https://www.sinodaily.com/reports/Chinese_official_backs_Hong_Kong_judicial_reform_calls_999.htmldu 17 novembre 2020.