Nouvel examen de la posture américaine de Défense en fonction de la Chine

Source : https://www.nytimes.com/2020/07/05/us/politics/joe-biden-foreign-policy.html – Joseph R. Biden Jr., then vice president, with President Xi Jinping of China in 2013.Credit…Lintao Zhang/Getty Images

Alors que la précédente revue « Military and Security Developments Involving the People’s Republic of China 2020 Annual Report to Congress »[1] ne date que de quelques mois, le président Biden a annoncé mercredi 10 février sa décision d’instituer une nouvelle revue de la posture militaire américaine par rapport à la Chine, afin de « tracer un itinéraire robuste sur les sujets qui intéressent la Chine ». Il veut y impliquer « tous les efforts du gouvernement, une participation bipartisane au Congrès et de fortes alliances et partenariats » afin « d’être au rendez-vous du défi chinois et d’assurer au peuple américain de gagner la compétition dans l’avenir »[2].

Source : https://www.challenges.fr/monde/biden-choisit-lloyd-austin-un-ex-general-noir-pour-diriger-le-pentagone_740956 – Lloyd Austin lors d’un briefing au Pentagone le 17 octobre 2014 AFP/ARCHIVES – PAUL J. RICHARDS

Cet effort, décrit comme une course contre la montre doit permettre de livrer les conclusions de l’étude au ministre de la Défense Lloyd Austin d’ici quatre mois. Le comité de travail, 15 membres civils et militaires, sera dirigé par Ely Ratner, précédemment conseiller adjoint à la Sécurité auprès de Biden[3]. Les résultats ne feront pas forcément l’objet d’une publication.

Cette annonce marque la volonté du nouveau président américain – mais vétéran de la diplomatie en tant que membre puis président du comité des Affaires étrangères du Sénat – de ne pas relâcher la pression sur la Chine. Quelques heures après l’annonce de la création du comité, le président s’est d’ailleurs entretenu fermement avec son homologue Xi Jinping[4], exprimant la position occidentale quasi unanime face à deux situations, Hong-Kong et Xinjiang. Il a exprimé ses « profondes inquiétudes » face à la répression des démocrates du territoire – qui était censé conserver un statut spécial jusqu’en 2047 – et aux méthodes de « rééducation » des Ouïghours dans des camps dignes du Goulag. Alors qu’il était vice-président de Barack Obama entre 2009 et 2017, Joe Biden avait déjà discuté avec Xi Jinping, dont il avait pu, sans illusions, mesurer la dureté.

Un haut responsable de l’administration, s’exprimant sous couvert de l’anonymat, a souligné que la nouvelle équipe partageait avec la précédente la volonté de tenir tête à Pékin dans la « compétition stratégique » entre les deux grandes puissances. Les éventuels changements attendront certainement les conclusions de la revue commandée

Source : https://fl24.net/2021/01/30/des-bombardiers-chinois-ont-ils-simule-une-attaque-contre-un-porte-avions-americain/ – USS Theodore Roosevelt / Photo: US Navy

L’heure reste donc à la fermeté et, si le président exclut la montée aux extrêmes, il ne diminue pas les « gesticulations » militaires rendues nécessaires par les provocations chinoises sur les deux théâtres de la Mer de Chine méridionale et de la Mer de Chine orientale. Alors que, sous la présidence de Trump, en juillet dernier, deux groupes navals (« carrier strike groups ») autour des porte-avions nucléaires Ronald Reagan et Nimitz avaient opéré une démonstration de leurs forces dans la zone, ce sont cette fois deux groupes autour des porte-avions nucléaires Théodore Roosevelt et Nimitz, chacun accompagné d’un croiseur et de deux ou trois frégates de défense aérienne, entre autres, qui mènent des exercices dans les eaux de la Mer de Chine du Sud que la Chine prétend annexer[5], [6]. La frégate lourde John McCain avait d’ailleurs traversé le détroit de Taïwan le 4 février, en dehors des eaux territoriales chinoises, pour réaffirmer la liberté de navigation[7], avant de naviguer au large de l’archipel des Paracels[8] dont la Chine revendique la possession. Un communiqué de la 7ème flotte a été publié le 6 pour réfuter la revendication chinoise de 1996 sur ce domaine maritime.

La présence permanente d’au moins deux groupes aéronavals sur porte-avions dans le Pacifique est la conséquence du « pivot » décidé par Obama, donc pendant la vice-présidence de Jo Biden. Chacun comporte jusqu’à neuf escadrons (chasse, attaque au sol, contrôle des espaces aérien, naval et sous-marin) et dispose d’un arsenal impressionnant. Le but reste toutefois bien de montrer sa force pour éviter d’avoir à l’utiliser.

Denis LAMBERT


[1]    https://media.defense.gov/2020/Sep/01/2002488689/-1/-1/1/2020-DOD-CHINA-MILITARY-POWER-REPORT-FINAL.PDF   Ce document annuel est une obligation prévue par la   « Public law » 106-65 de la session de l’année fiscale 2000 (FY-00), amendée par la loi 116-92 de l’année 2020. Celui de cette année a fait l’objet d’une étude « La vision américaine de l’outil militaire chinois » du même auteur, publiée sur ce site le 13 septembre 2020.

[2]    https://www.youtube.com/watch?v=4s5lT5yI1O8  du 10 février 2021.

[3]    Aron MEHTA, « Biden announces new Pentagon China task force », Defense News, 10 février 2021, https://www.defensenews.com/pentagon/2021/02/10/biden-announces-new-pentagon-china-task-force/

[4]    La Dépêche, 11 février 2021, https://www.ladepeche.fr/2021/02/11/premier-echange-muscle-entre-joe-biden-et-le-president-chinois-xi-jinping-sur-les-sujets-qui-fachent-9366699.php

[5]    Christen MCCURDY, 9 février 2021, https://www.spacewar.com/reports/Roosevelt_Nimitz_strike_groups_conduct_operations_in_South_China_Sea_999.html

[6]    Diana Stancy CORRELL, 10 février 2021, https://www.navytimes.com/news/your-navy/2021/02/09/roosevelt-nimitz-carrier-strike-groups-conduct-dual-carrier-operations-in-south-china-sea/

[7] Opération de type FONOP : Freedom of navigation opération.

[8]    David LARTER, 11 février 2021, https://www.defensenews.com/naval/2021/02/11/in-the-south-china-sea-its-meet-the-new-boss-same-as-the-old-boss/