Actualité de mars 2023

Le 1er mars, les 27 membres de l’UE doivent adopter une première liste de projets qui bénéficieront de l’initiative européenne « Global Gateway » (présentée le 1er décembre 2021par la Commission européenne pour mobiliser 300 milliards d’euros d’ici 2027 pour des projets d’infrastructures hors de l’UE, des Balkans occidentaux à l’Afrique du sud ou à l’Asie). Les difficultés ne sont pas encore toutes surmontées…. Et l’Inde, le Japon et les Etats-Unis ont aussi de projets concurrents aux « routes de la soie ».

Vo Van Thuong , seul candidat à l’élection présidentielle, est élu le 2 mars, par 487 voix sur 488 que compte l’Assemblée nationale, comme nouveau président du Vietnam, succédant à Nguyen Xuan Phuc. Celui-ci a démissionné en janvier dernier suite à une campagne visant la corruption et les pratiques malsaines et à l’origine d’une purge anticorruption. Celle-ci a entraîné le départ de nombre de hauts responsables. Si Vo n’a que 52 ans, son rôle reste moins important que celui du puissant secrétaire général du PCV, Nguyen Phu Trong, à qui il pourrait succéder.

La 8e conférence internationale de Panama sur « Notre Océan » du 2 au 4 mars  s’est terminée  sur un accord préfigurant un traité (au bout de 15 ans de négociations) relatif entre autres à de protection de la haute mer qui représente 60% de la surface des océans. Une fois ratifié par un nombre suffisant de pays, ce traité va permettre la création d’aires marines protégées appelées à jouer un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité et le renforcement de la résilience face aux effets du changement climatique. Espérons que les états n’attendront pas trop longtemps !

Le 3 mars, après 3 ans de procès avec 66 audiences, Kem Sokha a été condamné à 27 ans de réclusion pour « trahison » et collusion avec des pays étrangers. Le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC) créé avec Sam Rainsy (en exil en France depuis 2015) a été dissout en 2017. Arrêté en septembre 2017, Kem Sokha a été privé de de tous ses droits civiques et assigné à résidence à son domicile et placé sous contrôle judiciaire. Il ne peut communiquer qu’avec quelques membres de sa famille. Le PSBC rassemblait 44,7% des sièges de l’Assemblée nationale avant les législatives de 2018. Mais le parti du peuple cambodgien de Hun Sen est de facto le parti unique. Soutenu par la Chine et utilisant les mêmes méthodes de traque des opposants, le régime est resté sourd aux critiques unanimes des chancelleries occidentales. Ce procès est qualifié par un de ses avocats comme « ni juste, ni équitable ».  Alors que la plupart des opposants politiques ont été contraints à l’exil, les libertés civiles, d’information notamment, sont de plus en plus restreintes à 4 mois des prochaines élections législatives en juillet. Hun Sen, ancien Khmer rouge proche de Pol Pot et installé au pouvoir en 1985 par l’armée Vietnamienne qui a chassé les Khmers rouges en 1979, a développé un autoritarisme sans limite, envisageant de rester au pouvoir jusqu’en 2028 et ensuite d’y installer son fils hun Manet qui est déjà chef des armées.

Du 3 au 5 mars, Gérard Darmanin, Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer est en Nouvelle Calédonie pour tenter de nouer des négociations sur le futur du territoire entre l’Etat et les deux entités locales, loyalistes et indépendantistes avant les élections provinciales de 2024. Un report de ces élections à une date ultérieure permettrait-il de trouver une solution satisfaisante pour tous sur le futur statut, alors que les accords de Matignon en 1988 et de Nouméa en 1998 ne semblent plus répondre aux besoins actuels. Ainsi après trois jours de visite en Nouvelle Calédonie, Gérard Darmanin, a annoncé l’invitation à Paris pour une dizaine de jours vers la mi-avril des mouvements indépendantistes (dont le FLNKS) et non-indépendantistes pour une réunion dans un format officiel afin d’examiner les sujets de « compromis nécessaires » pour définir l’avenir institutionnel du territoire.

Du 4 au 13 mars se déroule à Pékin la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire qui réunit ses 3000 membres. Le 10 mars, le mandat de 5 ans de Xi Jinping y sera renouvelé pour la 3ème fois, et entraînera un grand remaniement gouvernemental. La pérennité et le pouvoir incontesté de Xi Jinping semblent ainsi assurés après sa prolongation pour 5 ans à la tête du PC et de l’armée lors du Congrès du PC qui s’est tenu en octobre. Li Keqiang termine son mandat et annonce un objectif de 5% de croissance pour 2023. Il sera remplacé par Li Qiang, un fidèle de Xi Jinping. Par ailleurs, le budget militaire progresse de 7,2%.

A la suite  des élections législatives des Etats fédérés de Micronésie le 7 mars, le président sortant David Panuelo n’a pas été réélu. Ce qui n’est pas le cas de Xi Jinping, réélu à l’unanimité( ?) pour un 3e mandat le 10 mars ! Mais ce grand jour est « entaché » par les accusations de David Panuelo à l’encontre de la Chine qu’il accuse de menaces directes à son encontre et à l’encontre de la Fédération risquant d’être vassalisée, de tentatives de corruption, ce que bien évidemment dénonce la RPC avec sa vigueur habituelle. Si petites soient-elles, les îles océaniennes sont le centre d’enjeux en raison de leur emplacement stratégique.

Xi Jinping désormais plus puissant que Mao : réélu le 10 mars au poste de chef de l’Etat pour un 3ème mandat de cinq ans, alors que en octobre dernier, lors du XXème congrès du PC, il a été réélu à la tête du PC et à la tête de la Commission centrale militaire. En octobre une modification législative a levé les limites de temps à ses différents mandats, ce qui avait suscité un « rappel à l’ordre » de Hu Jintao, suivi d’ailleurs immédiatement par sa mise à l’écart (vue sur toutes les télévisions du monde). Mao n’avait pas été chef de l’Etat pendant plus de 10 ans…. La plupart des réformes administratives et politiques mises en place par  Deng Xiaoping (pour empêcher la mise sous tutelle de l’ensemble politique chinois par un seul individu) ont peu à peu été effacées pour concentrer tous les pouvoirs entre ses mains pour une durée illimitée. « On est passé d’un modèle de décision par consensus à un modèle où Xi décide seul de tout » (professeur Suisheng Zhao, université de Denver). Désormais rien  ne peut arrêter XI dans son projet de « renaissance de la Chine … en effaçant les humiliations du passé, lorsque la Chine était bafouée par des forces extérieures». Centralisation et étatisation seront encore accentuées pour mener la Chine vers une autosuffisance alimentaire, technologique et militaire si … les défis économiques et démographiques sont surmontés…. Les nouveaux membres du Gouvernement sont des hommes de confiance, choisis pour leur loyauté à XI et à son idéologie, et non pour leurs mérites, après une mise à l’écart de ceux dont il ne serait pas sûr. Parmi eux le ministre de la Défense, le Général Li Shangfu (sanctionné par le gouvernement américain en 2018 pour des achats d’armes russes) ; et également le gouverneur de la Banque centrale Yi Gang et le Ministre des finances Liu Kun, bien qu’ils soient atteints par la limite d’âge….

Le 10 mars a été annoncée à Pékin la reprise des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite par une déclaration tripartite, aboutissement des efforts de Xi Jinping entamés dès 2016.

Principales étapes :

  • 2026 : visite officielle de Xi Jinping en Arabie saoudite, Egypte et Iran
  • Mars 2021 : signature d’un « accord de coopération stratégique » pour 25 ans entre la Chine et l’Iran
  • Décembre 2022 : Xi Jinping reçu à Riyad
  • Février 2023 : Président iranien Raïssi reçu à Pékin.

L’objectif chinois est de développer les relations économiques avec les monarchies du Golfe et de les inclure dans l’ensemble du projet des Routes de la soie. De son côté, l’Arable saoudite y voit le moyen de se distancer un peu des Etats-Unis. L’Iran et l’Arabie saoudite espère par cette politique intégrer les BRICS (Brésil, Inde, Russie, Chine, Afrique du sud). Un élargissement de l’OCS pourrait aussi être étendu à l’Arabie saoudite après l’Iran ???

A l’issue de la 14ème Assemblée populaire nationale (APN) qui s’est terminée à Pékin le 10 mars, Xi Jinping, déjà réélu à la tête du PC lors du XXème Congrès en octobre dernier, a été réélu Président de la République pour 5 ans pour la 3ème fois. Le 12 mars, les membres du gouvernement ont ensuite été nommés. On notera en particulier :

  • Li Qiang qui a été promu n°2 du PC en octobre, est désigné comme Premier Ministre par le Parlement(en remplacement de Li Keqiang en poste depuis 2013 et poussé à la retraite), malgré une absence d’expérience de gouvernement central et une gestion contestée des confinements en tant que Gouverneur de Shanghai. Seul candidat à ce poste, c’est un proche de Xi Jinping (il fut son chef de cabinet dans le Zhejiang de 2004 à 2007).
  • Wang Yi, ex-ministre des Affaires étrangères, est promu Directeur du bureau de la commission des Affaires étrangères du Comité central du PCC, poste d’un rang supérieur à celui de Ministre des Affaires étrangères.
  • Qin Gang est le nouveau Ministre des Affaires étrangères.
  • Le gouverneur de la Banque centrale, le Ministre des Finances et le Ministre du Commerce sont reconduits à leur poste, ainsi que les ministres de l’agriculture et de la technologie.

On remarquera que d’une manière générale les rivaux possibles de Xi Jinping ont été envoyés en retraite, alors que ses fidèles ont bénéficié de dérogations éventuelles si nécessaire. Mais le souci de ne pas effrayer les marchés financiers a sans doute justifié le maintien des responsables majeurs du secteur économique.

Le Sommet de San Diego (Californie) du 13 mars rassemble Joe Biden, Rishi Sunak et Anthony Albanese. En dépit d’un réchauffement diplomatique franco-australien et franco-britannique, cette réunion est « héritage » du pacte AUKUS signé en septembre 2021 et conçu comme « une arme de dissuasion antichinoise ». C’est aussi le symbole d’une alliance régionale sous parrainage américain d’où la France est absente (pour l’instant du moins ???)

Le 14 mars, le Honduras annonce vouloir nouer des relations diplomatiques avec la Chine continentale au détriment de son allié taiwanais de longue date. Ce dernier a en effet refusé d’accéder à la demande hondurienne d’un versement (annuel ?) de 100 millions d’USD alors que la dette publique de ce petit état est de 20 milliards d’USD. Le 16 mars, Eduardo Reina, le ministre des Affaires étrangères, a justifié l’allégeance (?) de son pays à la Chine en raison de ce refus taiwanais. Cela pourrait-il avoir des répercussions sur ses relations avec son grand voisin du nord ?

Objet le 17 mars d’un mandat d’arrêt e la Cour Pénale Internationale pour sa responsabilité dans des crimes de guerre perpétrés en Ukraine depuis l’invasion russe – c’est-à-dire de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie – , mais paradant le 18 mars en Crimée pour en marquer le 9e anniversaire de son annexion, Vladimir Poutine s’apprête le 20 mars à recevoir son ami Xi Jinping. Celui-ci non plus (tout comme les USA) ne reconnait pas la CPI, mais a fait un plan en 12 points en faveur de la paix parmi lesquels figure le respect de la souveraineté territoriale. Mais quelle souveraineté : celle des frontières de 1991 avec la Crimée dans l’Ukraine ou celle de 2014 revue par V. Poutine ? Il convient d’être clair.

Des données nouvelles ont été publiées le 20 mars au sujet de l’origine de l’épidémie de Covid par une équipe internationale. Deux scenarii opposés s’affrontent toujours : celui d’une origine animale et celui d’un accident de laboratoire, mais le marché de Wuhan semble dans les deux cas jouer un rôle propagateur. Cependant les multiples freins imposés par la Chine (qui défend toujours l’idée d’un virus importé des Etats-Unis) empêchent les progrès d’enquêtes scientifiques internationales.

Le Premier ministre thaïlandais dissout le 20 mars l’Assemblée nationale permettant ainsi la tenue des élections législatives le 14 mai prochain. Trois partis sont d’ores et déjà en lice, celui de l’actuel Premier ministre Prayut Chan-O-Cha, le Pheu Thai sous la conduite de Paetongtarn Shinawatra, fille de Thaksin et nièce de Yingluck, et Move Forward qui avait lors du dernier scrutin attiré massivement les jeunes. Mais la constitution de 2017 rend particulièrement difficile un changement car le Premier ministre est à la fois nommé par les députés mais aussi par 250 sénateurs nommés par le pouvoir en place. Reste à obtenir un raz de marée électoral par les partis d’opposition ?

Le déplacement de Xi Jinping à Moscou du 21 au 23 mars n’a pas donné lieu à des annonces officielles particulières de contrat de ventes d’armes ou à des déclarations de soutien à la guerre en Ukraine. Mais il ne faudrait pas pour autant en déduire une quelconque « réserve » de Pékin vis-à-vis des positions russes…. Et se poser des questions sur le nucléaire.

La victoire le 25 mars des Travaillistes aux élections en Nouvelle Galles du sud assure désormais une majorité absolue aux Travaillistes, aux commandes de chaque Etat et territoire de l’Australie continentale, ainsi qu’au niveau fédéral. Seule exception : la Tasmanie reste dirigée par le parti libéral jusqu’en 2024. Mais la politique centriste menée du gouvernement devrait avoir pour objectif de ne pas s’aliéner ses opposants politiques.

L’ancien président de Taiwan, Ma Ying-jeou (de 2002 à 2006), représentant du Parti Kuomintang est en Chine continentale à partir du 27 mars pour une visite personnelle de 12 jours pour « rendre hommage à ses ancêtres », mais aussi pour des rencontres officielles avec le Bureau des Affaires Taïwanaises à l’occasion de la fête du Qing Ming le 5 avril.

Le Forum de Boao (Hainan) a été créé à l’initiative de la Chine en 2006 soutenue par une vingtaine de pays asiatiques et l’Australie. Cette année il porte du 28 au 31 mars sur « les défis économiques post-pandémie » et réunit notamment le Premier Ministre chinois, le Premier Ministre ivoirien, le Premier ministre espagnol, la directrice général du FMI Kristina Georgieva, l’ex-Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon.

La Présidente de Taïwan, Tsai Ing Wen, a entamé le 29 mars un voyage en Amérique centrale, à Belize et au Guatemala, deux des 13 Etats qui entretiennent encore des relations diplomatiques avec Taïwan et non Pékin alors que le Honduras a rompu le 26 mars dernier ses relations  avec Taïwan au profit de Pékin, de même que le Costa Rica en 2017, le Salvador en 2018 et le Nicaragua en 2021. Ce déplacement suppose des « transits privés » aux Etats-Unis : à l’aller pour une escale à New York (29 et 30 mars pour recevoir un prix du Think tank Hudson Institute), et au retour en Californie (4 et 5 avril pour une possible rencontre avec Kevin Mac Carthy, Président de la Chambre des représentants).

Le chef du gouvernement espagnol (qui présidera l’Union européenne au 2ème semestre 2023) est à Pékin le 30 mars pour une visite de deux jours à l’occasion du 50ème anniversaire des relations commerciales bilatérales. Il est le premier des chefs de gouvernement européens à rencontrer Xi Jinping depuis sa proposition de « plan de paix en Ukraine ». P. Sanchez a clairement rappelé qui étaient « l’agresseur et l’agressé » et que les 1ers concernés par les conditions de dialogue pour la paix étaient les Ukrainiens. Il participera en outre au « Davos chinois », le Forum de Boao pour l’Asie (BFA) avec des entreprises espagnoles et es investisseurs chinois dans la perspective d’ un développement du tourisme chinois en Espagne après le COVID.

Après les Pays-Bas et les Etats-Unis, le Japon vient le 31 mars de limiter les exportations des équipements nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs, réduisant ainsi les capacités chinoises de production des puces nécessaires aux calculateurs  notamment pour l’Intelligence artificielle, et prévenir les détournements de la technologie à des fins militaires.

Après 21 mois de négociations, le Royaume-Uni a signé le 31 mars son adhésion au Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP) qui regroupait 11 Etats d’Asie et d’Amérique depuis sa finalisation en 2008 (après le retrait des Etats-Unis sous Donald Trump de la 1ère version du traité, TPP, en 2017) : Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Vietnam. A l’occasion de la signature du Royaume-Uni, il a été indiqué qu’il serait « souhaitable » que les Etats-Unis rejoignent ce pacte que la Chine et Taïwan voudraient aussi intégrer. L’Europe (et la France) resteront-elles à la marge ????

Les îles océaniennes deviendraient-elles un point d’ancrage obligé face à l’appétit chinois ? Ainsi, les Etats-Unis après avoir rouvert en début d’année leur ambassade aux îles Salomon, envisage le 31 mars d’en ouvrir une prochainement au Vanuatu et éventuellement aux îles Kiribati et aux îles Tonga.