La Chine et l’Arctique
Pour compléter la conférence de Thierry Garcin, voici le lien vers un article publié le 7 septembre 2024 sur ce sujet sur le site de geoweb
https://www.geopoweb.fr/?LA–CHINE-ET-L-ARCTIQUE-Thierry-GARCIN
Pour compléter la conférence de Thierry Garcin, voici le lien vers un article publié le 7 septembre 2024 sur ce sujet sur le site de geoweb
https://www.geopoweb.fr/?LA–CHINE-ET-L-ARCTIQUE-Thierry-GARCIN
Quelques repères chronologiques
Période coloniale
Les Européens ont toujours eu besoin des épices (poivre, girofle, muscade) pour la conservation des aliments. Les routes terrestres traditionnelles depuis l’antiquité ont été coupées par les invasions arabes. D’où le recours aux expéditions maritimes, difficiles et coûteuses. S’y ajoute la rivalité entre les Anglais et les Hollandais. Les Français arrivent plus tard, après la création par Colbert de la Compagnie royale des Indes orientales en 1664. Mais les Français sont plus intéressés par les rives indiennes, puis par l’Indochine.
Les îles qui formeront l’Indonésie actuelle, sont « colonisées » par les Hollandais. Sans employer le terme, c’est en fait, une colonisation très dure qui est menée par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (créée en 1602), réduisant les populations, notamment dans les plantations, à une forme d’ « esclavage »[1] ou de « servage ». On estime à 3 millions de morts les victimes de la colonisation sur une population de 20 millions. C’est une colonie qui rapportait beaucoup. Cette colonisation a été dénoncée par un Néerlandais, Eduard Douwes Dekker, alias Multatuli, qui a publié en1860 le roman « Max Havelaar » (ce nom a été repris par une ONG qui promeut actuellement le commerce équitable).
L’occupation japonaise a duré de 1942 à 1945 et a entrainé des famines épouvantables, avec un nombre de morts à peu près identique à ceux de la période coloniale. Les troupes autochtones ont été formées par les Japonais contre les Hollandais. Emerge alors un leader charismatique, Soekarno qui proclame l’indépendance le 17 août 1945 (bien que l’indépendance réelle ne soit acquise qu’en décembre 1949).
L’Indonésie actuelle (appelée « Indes orientales néerlandaises » jusqu’en 1949) a été créée par les Hollandais, mais elle s’est aussi créée contre eux.
Un Etat pluriethnique avec 5 religions officielles
Sur une superficie à peu près identique à celle de l’Europe, on compte 15 000 îles, des centaines de langues. La langue la plus parlée est le javanais, mais elle est aussi la plus difficile. La langue nationale choisie a été celle que parlaient les commerçants malais : le Bahasa indonésia. Ce fut un élément d’unification de la République moderne.
Ce pays dispose de multiples ressources (hydrocarbures, minerais divers -notamment nickel, manganèse, tungstène-, huile de palme, bois exporté en quantités croissantes vers la Chine), mais Sukarno n’a pas été capable d’en faire une grande puissance économique. Il s’est surtout intéressé à la politique, et a essayé de faire vivre ensemble les trois grands partis : nationalistes (PNI), communistes (PKI) et musulmans (NU). Mais ce fut un échec, et, à la suited’une tentative de coup d’Etat par les communistes (GESTAPU) le 30 septembre 1965, la réaction des militaires menés par Suharto, a entraîné une guerre civile qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts. Au plan international, cela a entraîné, pour quelques vingt-cinq ans, la rupture des relations diplomatiques avec la Chine, accusée d’avoir soutenu le PKI.
Avec Suharto, l’Indonésie s’est dotée d’une économie prospère, mais ce n’était pas un modèle de démocratie. La crise économique asiatique de 1998 a entraîné son remplacement par son ancien Ministre d’Etat, Habibie, un ancien ingénieur en aéronautique (qui a travaillé notamment pour Messerschmitt), lui-même remplacé après un an et demi, par Abdurrahman Wahid, alias Gus Dur (atteint de cécité). Un système démocratique se met en place et les élections présidentielles suivantes sont validées internationalement : Megawati (fille de Soekarno) est présidente de 2001 à 2004, puis le Général Yudhoyono de 2004 à 2014.
Le gouvernement actuel
Jokowi, actuel Président élu après Yudhoyono en 2014, réélu en 2019, a été populaire dans un premier temps. Le pays a connu un développement appréciable. En 2022 : croissance de 5,3%, PIB à 1,3 milliards d’Euros, diminution du chômage (inférieur à 5%). Mais une certaine « folie des grandeurs » s’est notamment traduite par le projet de nouvelle capitale.
Jakarta a été créée par les Hollandais avec 300 000 habitants. Aujourd’hui avec 13 millions, elle est devenue « invivable ». D’où la décision de déménager la capitale dans un point plus central, à Nusantara (le nom signifie « archipel ») à l’est de Bornéo, ce qui a entraîné une vaste déforestation. Ce choix sera-t-il remis en cause par le nouveau Président qui serait hostile au projet [2]?
Le Président nouvellement élu, Prabowo Subianto, ancien ministre de la Défense, gendre de Suharto, a été accusé par plusieurs ONG de massacres à Timor, en Papouasie et même à Jakarta, lors de la répression de manifestations. Il a fait alliance avec Jokowi dont le fils aîné a été élu Vice-Président de la République. Quant au fils cadet, le projet d’en faire le futur gouverneur de Jakarta se heurte à des fortes oppositions. Cette tentative de créer une dynastie a déçu beaucoup de partisans de Jokowi.
Le nouveau Président, s’il est un accusé d’être un criminel par certaines ONG, est aussi un des hommes les plus riches d’Asie (propriétaire de vastes plantations de palmier à huile)[3]. Sur le plan politique, les relations avec la Chine sont compliquées (l’Indonésie est très proche des Etats-Unis), mais se poursuivent et se développent sur le plan économique (Nouvelles routes de la soie).
Aujourd’hui, c’est la 4ème puissance démographique après l’Inde, la Chine et les Etats-Unis. C’est le plus grand Etat musulman du monde (85% de la population). Il y a 5 religions officielles : Islam, christianisme/protestant, christianisme/catholique, Hindouisme, Bouddhisme (principalement Chinois).
Gérard Chesnel, ancien ambassadeur de France dans des Etats du Pacifique, Président de la Commission nationale pour l’élimination des mines anti-personnel
Conférence à l’Institut du Pacifique – 3 octobre 2024
Points évoqués lors des questions-réponses
-Chou En Lai était présent à la conférence de Bandung (mouvement des Non-alignés en 1955). Mais le coup d’Etat de Suharto a entrainé une rupture des relations diplomatiques avec la Chine.
-Des mouvements autonomistes et des révoltes ont eu lieu dès le lendemain de l’Indépendance : au sud des Moluques (mouvements pro-hollandais) ; tensions interethniques, inter-religieuses (face à l’islam radical) ; à Aceh (nord de Sumatra dernier à être soumis aux Hollandais après de longs mouvements indépendantistes).
-Le pali et le sanskrit sont encore enseignés à l’école.
[1] Cf le dossier « La grande aventure de la Compagnie des Indes (des marchands plus forts que des Etats) » in la Revue L’Histoire, n° 524, octobre 2024.
[2] Cf les problèmes liés aux transferts de capitales, par exemple Naypyidaw en Birmanie.
[3] La position officielle de la France serait moins sévère.
Le 4 avril dernier, Ivo Paparella a prononcé devant l’Institut du Pacifique une conférence sur « Les effets des sanctionsanti-russes en Asie -Pacifique » , qui avait été préparée conjointement avec Francis Baudu, Vice-Président de l’Institut du Pacifique.
Ce travail a encore été complété et enrichi par leurs auteurs dans le cadre d’une publication parue dans la Revue de Défense nationale, le 23 mai 2024, sous le titre « Les sanctions à l’encontre de la Russie ». Les deux auteurs avec Alain Oudot de Dainville, tous membres de l’Académie de marine, proposent un article très complet d’une trentaine de pages assorti d’une bibliographie détaillée. Ils y présentent les sanctions économiques devenues aujourd’hui un moyen de pression sur l’adversaire, même en l’absence de confrontation militaire directe. Ce travail complète leurs travaux qui ont déjà donné lieu à une publication dans la même revue en mars 2023 sur « La flotte commerciale russe ».
Article du 23 mai 2024
Article du 23 mars 2024
Hélène Mazeran
Une présentation originale à deux voix d’un pays lointain à tous points de vue, d’un pays que les conférenciers connaissent depuis longtemps, en profondeur, et où ils se rendent régulièrement depuis … 1964 pour Catherine Cadou et 1971 pour Christian Sautter.
Intervention de Christian Sautter
Référence aux 2 lutteurs de sumo. Le Japon essaie de faire respecter les règles d’un combat loyal entre la Chine et les Etats-Unis. L’archipel vit dans un isolement relatif, est-il calme pour autant ?
Si la croissance est considérée comme l’alpha et l’oméga du bonheur, le dynamisme démographique est un élément nécessaire, il n’en reste pas moins que la croissance est médiocre depuis 40 ans, que le déclin, s’il est calme, n’en est pas moins réel.
Mais les Japonais savent faire face en puisant dans leur aptitude à la sérénité, dans leurs ressorts culturels et leurs structures familiales et sociétales qui constituent l’âme japonaise.
Le rapport à l’Etat est paisible, l’institution étatique n’est pas considérée par les Japonais comme un fardeau, un handicap.
Au Japon, une chose peut n’être ni vraie, ni fausse.
Le Japon sera présenté dans une « valse à 3 temps » :
Temps 1 – un Etat « développeur »
De 1945 à 1985, le Japon est une nation riche, dotée d’une armée puissante. Depuis l’ère Meiji, l’Etat doit jouer le rôle moteur.
Le pays se développe ainsi en s’appuyant sur une coopération continue entre les 3 éléments du triangle de fer que constituent le gouvernement, le parti conservateur et le monde des affaires.
Pour nous, Occidentaux, compétition et coopération sont 2 termes antinomiques, le Japon lui sait construire le compromis.
Si comme en Asie orientale, le Japon a une image de société très « inégalitaire », l’harmonie y reste de mise. On en trouve des exemples dans nombre de domaines, non régulés mais « encouragés ».
Mais 1985 marque la fin de la période « Japan as N° 1 » : Éclatement de la bulle spéculative, obligation de réévaluer le yen, de libéraliser les finances.
Temps 2 – un Etat « résilient »
Le Japon doit faire face en 1995 au tremblement de terre de Kobé, en 2011 à la catastrophe nucléaire de Fukushima. Il faut y ajouter 2 éléments « aggravants » : le vieillissement de sa population et la croissance chinoise.
Mais grâce à l’Etat, la cohésion sociale est préservée, la croissance est ralentie, mais le Japon est devenu un pays « mûr », un pays rentier. Le travail est « robotisé » pour faire face à la diminution de la main d’œuvre. Mais, contrairement à ce qui se manifeste dans certains pays occidentaux, le travail manuel n’est pas méprisé.
Le Japon est exportateur de soft power.
Temps 3 – un Etat « conciliant »
En 2016, l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine impacte le Japon dans sa politique extérieure et peut rendre sa sécurité plus aléatoire (Corée du nord par exemple); le Japon est amené à augmenter ses dépenses militaires jusqu’à 2% du budget national et à acheter des armements aux USA.
Mais dans le même temps, il observe et écoute la Chine, la Corée du sud … Il sait jouer la carte du « go between » sans faire jouer les tambours. Le Japon est le royaume des diplomates, « ils agissent en parlant peu ».
Sur le plan intérieur, le Japon a un Etat « bizarre ». Le gouvernement ne cherche pas à faire le bonheur des gens malgré eux. Les Japonais sont habitués à « se débrouiller » seuls, s’organisant sur les fondements d’une très forte solidarité de proximité. L’Etat est peu interventionniste, il y a peu de lois. Il fait confiance aux entreprises. Pour autant les budgets sont déséquilibrés et la dette est abyssale. Mais l’épargne interne est très forte.
Dans le domaine climatique, il y a peu de déclaration, l’Etat est conciliant et cherche là encore à préserver l’harmonie entre économie, nature et bonheur, tout en revitalisant la ruralité.
L’utopie est pour après-demain !!!!!
Intervention de Catherine Cadou
Cinéaste et productrice, interprète et traductrice des œuvres cinématographiques de Akira Kurosawa (1910-1998) dont elle fut l’assistante pendant près de 17 ans. Spécialiste du cinéma japonais, elle a traduit et sous titrés près de 200 films japonais. Elle a participé en tant que traductrice et assistante de A. Kurosawa à tous les grands festivals de cinéma du continent européen (Cannes, Berlin, Venise, Deauville etc. …)
La culture et le mental japonais sont marqués par des concepts mythiques : cf histoire de la déesse de la montagne. Il s’agit de se situer par rapport à l’autre, par respect pour la nature, s’adapter à la diversité du monde. Les Japonais sont des humanistes.
Les signifiants du contraste « baguettes et fourchettes » : idée de réactivité nécessaire à l’incorporation, à l’appropriation du monde, importance de l’adaptation. Les Japonais savent s’adapter sans renoncer à être eux-mêmes.
La place des femmes au Japon est importante. Elle est inscrite dans la Constitution. Les femmes « déesses » toutes puissantes sont très admirées et référentes. Contrairement à la lecture dominante qu’en font les critiques de cinéma, le rôle des femmes dans les films japonais est très subtilement valorisé.
Le roman « Dit du Genji » écrit par une femme (cf exposition au musée Guimet, « A la Cour du Prince de Genji », novembre 2023-mars 2024, note dans l’espace Cultures de notre site) présente des femmes libres et autonomes au contraire des garçons au IXème siècle.
Le lien avec la nature est lui aussi essentiel. Il est présent dans toutes les facettes de la vie quotidienne et de la culture japonaise. Cela se traduit en tout premier lieu par l’habitat qui se doit d’être ouvert sur l’extérieur. On retrouve également cette attache forte avec la nature dans le respect des rites saisonniers dans les fêtes de quartier notamment.
Architecture et nature sont également des données essentielles dans l’agencement des villes et quartiers. La gare de St Denis Pleyel en bois et verre a été conçue par l’architecte japonais Kenzo Kuma, inaugurée en juin 2024. Symbole de l’architecture naturelle.
Conférence du 20 juin 2024 de Christian Sautter et Catherine Cadou
Quelques ouvrages de référence :
Pierre-François Souyiri, historien du Japon à l’INALCO : « Moderne sans être occidental : aux origines du Japon d’aujourd’hui ». 2016.
Ruth Benedict : « Le Chrysanthème et le Sabre », sur une commande du Pentagone en 1944 pour essayer de mieux comprendre les mentalités japonaises.
Le terme de « cérémonie » fait référence à des rituels et des pratiques codifiées, à un art traditionnel inspiré en partie du bouddhisme zen qui nécessite un long apprentissage[1].Elle correspond à une discipline esthétique de la civilisation japonaise.
La préparation du thé vert en poudre (« thé matcha ») est réalisée par un praticien expérimenté et servie à un petit groupe d’invités dans le cadre calme d’un lieu festif. Le cérémonial a été transmis au XIIème siècle par des moines japonais à leur retour de Chine. A l’époque féodale, le thé est un signe de culture ; au-delà d’un symbole de la cérémonie religieuse, c’est aussi un stimulant pour méditer ou une substance à usage médical. En 1522, le Grand Maître Sen Rikyu a perfectionné la Voie du Thé (Chado), et a créé 3 écoles. Ses descendants perpétuent son héritage et contribuent à son enrichissement dans le pavillon de thé le plus ancien dans la demeure de la famille Sen à Kyoto. Aujourd’hui, il y a environ 500 écoles.
L’école Urasenke est la plus active et la plus suivie des deux écoles principales l’autre est l’école Omotesenke également représentée à la MCJP. Elles ont de nombreux points communs.
Le pavillon de thé au 5ème étage de la MCJP a été offert par le Grand maître de l’Ecole Urasenke. Après des salutations, l’hôte et l’(ou les) invité(s) apprécient la décoration, en général dépouillée, la ou les fleurs (de saison) dans l’alcôve de la chambre de thé, le foyer (isolé symboliquement par un mini paravent autour du foyer) et le récipient d’eau. Un deuxième temps est consacré aux ustensiles et au tissu rouge en soie (plié) qui servira à la purification des ustensiles.
Quatre principes fondamentaux, toujours respectés, régissent traditionnellement la cérémonie et ses différentes étapes : l’harmonie (de la relation humaine, des ustensiles, avec la saison) ; le respect (de tous) ; la pureté (l’honnêteté de cœur) ; la tranquillité (la sérénité de l’esprit).
Les échanges entre l’hôte et l’invité portent sur les « ustensiles » : la boite de thé (sa forme, la qualité de la laque noire), le bol à thé la cuiller, le fouet (chasen) … La dégustation obéit aussi à un rituel : d’abord l’eau chaude réchauffe le bol, puis la dégustation du gâteau (légèrement sucré) est suivie par la dégustation du thé qui été fouetté avec un ustensile particulier destiné à l’aérer, et le faire mousser.
L’invité salue avant de déguster, admire le bol sous toutes ses faces, puis boit le thé.
Les invitations sont en général envoyées par l’hôte un mois avant la cérémonie. Le processus se termine à l’initiative de l’invité.
Hélène Mazeran
[1]Cf Noriko Morishita : La cérémonie du thé. Marabout. 2019.
Cf aussi « Dans un jardin qu’on dirait éternel », film de Tatsushi Omori, sorti en France en 2020. Article dans l’espace culture de notre site.
Présentation de l’Académie de Marine par Francis Baudu, président de la section Marine Marchande, Pêche et Plaisance et vice-président de l’Institut du Pacifique :
Pour approfondir le sujet, vous pouvez lire : « Un siècle maritime, Renaissance de l’Académie de marine 1921-2021 » sous la direction d’Hélène Richard de l’Académie de marins, éditions SPM
Rappel historique
En 1905, à la fin de la guerre russo-japonaise (à l’avantage du Japon), le Président américain Théodore Roosevelt joue les intermédiaires lors de la négociation du Traité de Portsmouth.
Il poursuit l’application de la doctrine Monroe, et la fait évoluer en « Big Stick ». Préoccupé par l’avance des nations européennes en Asie, il suggère à des diplomates japonais de faire de leur pays le dépositaire de la doctrine Monroe pour l’Asie.
Mais la lecture diffère :
– pour les Américains, il s’agit de faire barrage à l’expansion européenne en Asie,
– pour les Japonais en manque de ressources en matières premières, il s’agit de légitimer des conquêtes territoriales permettant des approvisionnements.
Le Japon envahit la Mandchourie en 1931. Et en fait l’Etat fantoche du Mandchoukouo. A la fin des années 30, des contacts avec des chefs sionistes (dont Ben Gourion) avait donné lieu au projet FUGU d’installation du peuple juif en Mandchourie, au lieu d’Israël pour créer une zone tampon avec la Russie devenus soviétique.
Le Japon envahit la Chine, puis l’Indochine française en 1940. Les Japonais pratiquent ici le 2A/AD (Anti-Access/ Access Denial) de la doctrine Monroe, mais ils s’installent. C’est là qu’ils se heurtent aux USA qui soutiennent les nationalistes de Tchang Kai Check. D’où la confrontation inévitable entre Japon et USA.
La pratique des sanctions est dans les gênes des Américains. En 1941, la Hollande et le USA sanctionnent le Japon en le coupant de ses importations d’acier et de pétrole d’Indonésie. D’où l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941.
Après l’invasion de l’Ukraine en février 2022
a) est un désert démographique,
b) ses infrastructures physiques (ports, aéroports, routes, chemin de fer) dans cette région sont insuffisantes pour satisfaire les ambitions relatives au développement socio-économique proclamées par Moscou.
c) la Russie est donc obligée d’engager des dépenses afin de réduire ses handicaps en Asie qui viennent de s’ajouter aux problèmes que le pays connaît dans sa partie européenne.
d)Le but des sanctions antirusses (anti-coréennes et anti-iraniennes ; voir la législation américaine à ce sujet et notamment CAATSA) est précisément de rendre impossible le décollage économique de son économie dans son ensemble en général et notamment celui de la partie asiatique /arctique.
e) Sur le plan international, la confrontation avec les États-Unis est dans la logique des relations entre les Américains soutenus volens nolens par leurs « foederes » euro-asiatiques, d’une part, et par les Chinois, Russes et d’autres pays du « Global South ». En effet, (et c’est Congressional Research Service qui le dit) l ‘Amérique ne veut pas permettre l’apparition d’une hégémonie régionale dans l’espace euro- asiatique.
Francis Baudu et Ivo Paparella
Conférence du 4 avril 2024
Quelques ouvrages récents, un certain nombre d’articles mettent en évidence les différences de stratégies entre la Chine et les démocraties occidentales ; ils interrogent quant aux perspectives d’avenir.
Quelques références :
Les pratiques d’influence et d’intimidation chinoises au Canada sont tout particulièrement évoquées dans les textes indiqués ci-dessus. Elles sont le reflet de l’aveuglement occidental qui voulait croire que la liberté de commerce et l’ouverture économique se traduiraient par des pratiques démocratiques et plus de liberté en Chine. Ainsi pendant de longues années, l’Occident, dans un mélange de naïveté, de cupidité et d’aveuglement, s’est laissé duper par la Chine communiste. Consentement ou ignorance ?
Au Canada, la fascination pour la Chine avait été amenée par les missionnaires vers les années 1880. Autour des années 1960, les universitaires ont pris le relai, avec notamment la création du Centre d’études est-asiatique de l’Université Mac Gill à Montréal, lequel va faciliter les premiers pourparlers diplomatiques, puis la création du Conseil d’Affaires Canada-Chine (CCBC) en 1978. Le rôle des grandes entreprises canadiennes fondatrices du CCBC a ensuite été déterminant pour développer les échanges avec la Chine aux dépens de toute interrogation morale ou géopolitique.
Après le « siècle des humiliations », leitmotiv du discours chinois, la puissance chinoise s’est reconstruite avec un parti communiste « aux caractéristiques chinoises », version moderne du pouvoir impérial chinois. Mais cela suppose de s’imposer aux Etats voisins « vassaux » (Birmanie, Laos, Cambodge, Vietnam ?), de dominer ses abords maritimes (la fameuse langue de bœuf en mer de Chine et au-delà dans le Pacifique) et de contrôler …les verrous potentiels au loin (projet des routes de la soie à travers l’Eurasie jusqu’en Afrique et en Europe, voire en Amérique latine)[1].
Les tensions entre le Canada et la Chine se sont aggravées en 2018 avec l’arrestation de Meng Wanzhou, héritière de Hua Wei et par réciprocité l’incarcération de deux Canadiens en Chine. Cependant les échanges et partenariats économiques ne ralentissent pas, ils restent intenses, avec des niveaux record en 2022. Les importations chinoises en provenance du Canada sont alors supérieures à 100 milliards de US$ pour la première fois. Les échanges sino-canadiens sont passés de 70 milliards en 2012 à 129 milliards en 2022, mais la balance commerciale reste toujours déficitaire pour le Canada. La Chine est ainsi le deuxième partenaire commercial du Canada, même si elle reste loin derrière les Etats-Unis (la France est au 13ème rang).
Si les échanges ont connu une croissance spectaculaire depuis 20 ans, les tensions politiques (notamment suite à l’emprisonnement de plusieurs citoyens canadiens en Chine , certains libérés depuis Meng Wanzhou est rentrée en Chine) sont sans effet sur les flux économiques. Il faut sans doute voir là les conséquences des efforts du PC chinois depuis les années 50 pour peser sur la vie politique canadienne et notamment les milieux parlementaires, via les commerçants et les étudiants. Ces opérations d’influence, voire de corruption ont bénéficié de la naïveté des Canadiens. Cependant aujourd’hui les opérations de déstabilisation chinoises se multiplient. Les dissidents chinois ou de Hong Kong résidant au Canada, sont « suivis » par Pékin, les intrusions dans la vie politique canadienne et les tentatives d’ingérence dans les opérations électorales[2] se multiplient de manière à favoriser l’élection de candidats favorables à Pékin …
Comment gérer des relations qui sont certes inévitables aujourd’hui, mais qui représentent en même temps une menace pour la démocratie canadienne ? Abandonner « l’esprit missionnaire » du XIXème siècle ne suffira sans doute pas … En effet environ 2 millions de Canadiens sont d’origine chinoise et peuvent être des cibles potentielles pour Pékin. Toronto et Vancouver (Hongcouver) sont de facto devenues des villes « chinoises ». Les étudiants chinois au Canada sont par ailleurs un autre vecteur d’influence, procurant environ un quart des ressources des universités canadiennes (droits universitaires + dépenses courantes induites).
En 2017, le projet Trudeau d’accord de libre-échange a été rejeté par la Chine en raison des références aux principes démocratiques occidentaux et au respect de normes environnementales. Le projet a été abandonné en 2020… pour l’instant.
En mai 2018, lors de la préparation de la 9ème conférence à Vancouver du« World Guangdong Community Federation »[3], le Canada a refusé environ 200 visas à des participants venus de Chine, dont une vingtaine de personnalités officielles. Si le message était clair, il n’exclut pas de rester vigilant pour l’avenir.
La nouvelle vision indopacifique lancée en 2022 vise à libérer le Canada de cette emprise chinoise dans la région : c’est la première stratégie (canadienne) englobant l’ensemble de la région indopacifique, visant à diversifier les échanges et les partenariats en vue d’une coalition de pays fiables. Mais cela suppose au Canada une vision incluant une perte d’influence des instances ayant bénéficié d’un quasi-monopole des échanges avec la Chine, telles le CCBC qui est le « principal canal d’influence du PCC au Canada ».La réussite de cette stratégie indopacifique induira nécessairement une perte de pouvoir et de prestige pour la CCBC ; ceux-là même dont elle bénéficie depuis plus de 40 ans.
Le cas canadien est particulièrement « disséqué » dans « les griffes du Panda »de Jonathan Manthorpe qui retrace les relations bilatérales depuis 150 ans. Les deux autres ouvrages mentionnés multiplient aussi des exemples d’actions menées par le ministère de la Sécurité d’Etat[4] auprès du Congrès américain, à l’Assemblée nationale française et dans les thinks tanks occidentaux. « La Chine a berné l’Europe et l’Amérique pour nourrir sa machine de guerre économique, et éviter toute libéralisation politique, dans le but de la confrontation à venir … avec les « somnambules occidentaux » pointe fort justement Ali Laïdi.
Les somnambules voudront-ils, et pourront-ils, sortir de cet état que favorise le sommeil paradoxal ?
Hélène Mazeran
[1]Voir les articles publiés sur ce site.
[2]Lors des élections de 2029, onze candidats aux élections législatives appartenant au Parti Libéral de Justin Trudeau, auraient reçu des fonds de Pékin. La Fondation Trudeau qui aurait reçu des fonds de Pékin, fait l’objet d’une commission d’enquête.
[3] La 1ère conférence de cette « Fédération » s’est tenue à Singapour en 2000, la 11ème à Guangzhou en 2023.
[4]Construit sur le modèle du KGB et aujourd’hui peut-être le plus grand service de renseignements au monde.
J’arrive à la Maison des Associations pour une conférence de l’Institut du Pacifique par l’impasse Marie de Régnier qui est l’une des deux héroïnes d’un roman que je viens de lire :« J’ai péché, péché dans le plaisir » de Abnousse Shalmani[1] : elle y mêle la vie de la poétesse française Marie de Régnier qui a mené un combat féministe pour sa liberté et celle de Forough Farokhzad, poétesse et cinéaste iranienne.
Mettons fin à ces rêveries et revenons à la conférence du jour à l’Institut du Pacifique sur « Le modèle économique sud-coréen ».
Le conférencier, Monsieur Li, juriste et économiste, avocat d’affaires travaillant aussi bien en France et en Corée, pour des entreprises françaises et coréennes, est un une des très rares personnes à posséder la double nationalité française et coréenne. Du fait de sa double culture, il nous parle avec talent de l’économie coréenne, paradoxalement développée et modernisée par les deux dictateurs Park Chung-hee et Chun Doo–hwan.
Un rappel historique montre l’évolution d’un pays ruiné et misérable après la Deuxième Guerre mondiale, qui connait 26 ans de dictature militaire, mais où l’influence du confucianisme et les efforts en matière d’alphabétisation et de développement industriel ont permis de devenir l’une des premières économies mondiales :
La Corée est le pays de la technologie et de la modernité. « La technologie et la modernité ne font pas peur en Corée ; ils sont considérés comme des facteurs de progrès et de développement ». On a ici le souci constant de faire » plus et mieux ».
Le pays est très rapidement passé à l’ère numérique alors qu’en 1945 il se trouvait dans la misère absolue ! Les 7 plans quinquennaux de 1961 à 1996 ont donné une feuille de route permettant le passage de l’économie à l’industrie, d’abord textile dans les années 60, puis à l’industrie lourde, chimique et aux chantiers navals (dont la Corée devient leader mondial).
A partir des années 80, on assiste à un saut technologique avec la création d’Instituts de recherche et de programmes de R & D. En 1983, Samsung investit des millions de dollars dans les semi-conducteurs. Dès les années 90, c’est l’envolée de la technologie où les sous-traitants deviennent les constructeurs affirmant ainsi la souveraineté économique au risque de se fâcher avec leurs prescripteurs. La rapidité est un facteur essentiel de ce développement avec par exemple un délai de 18 mois entre la conception, l’industrialisation et le lancement de Smartphones ! Il y a aussi le parti pris de ne pas s’ouvrir aux IDE, mais de recourir à des prêts coréens afin de protéger le tissu économique et de préserver la souveraineté du pays. L’ouverture aux capitaux étrangers n’intervient qu’après la crise financière de 1997, traumatisme brusque et inattendu malgré une bonne croissance et une économie solide, mais résultant de la propagation de la crise du Sud-est asiatique. L’approche patriotique de la prospérité se résume un peu dans l’adage : « ce qui est bon pour le pays est bon pour l’entreprise et vice-versa ».
L’économie est donc un sujet majeur, facteur de compétitivité, celle-ci étant une obsession.
Les années 2010 voient la 4e révolution industrielle avec l’émergence de l’IA, de la robotique, des blockchains, du cloud, de la cybersécurité…
Le Coréen est toujours animé d’un sentiment de précarité quel que soit son niveau de richesse. Il n’est jamais dans le confort, dans les situations acquises et il est donc extrêmement réactif. Ainsi le Covid-19 n’a pas été vécu comme une crise sonnant la fin du monde, mais comme un passage.
Le soft power coréen se répand aujourd’hui dans le monde entier, et tout particulièrement en France. Le think tank KEY (Korea, Europe and You) dont M. Li est le fondateur, a tenu le 1er février son premier forum à Paris, dédié au soft power coréen. Ce forum se reproduira dans l’année à Berlin et à Londres.
Des questions en fin de conférence amènent Monsieur Li à nous parler de la culture séculaire[2] de son pays, qui a reçu une influence japonaise, et s’illustre aujourd’hui dans la gastronomie, la musique (K-pop), les séries (Skycastle), les BD et le cinéma qui, selon M. Li, vit un « âge d’or » et reçoit de nombreux prix internationaux. Il est vrai que les écrans parisiens présentent régulièrement des films coréens, parmi lesquels on peut citer, dans leur diversité :
« The President’s Last Bank » (Im Sang Soo 2005) : assassiné par les services secrets coréens.
« Ivre de femmes et de peinture » (Im KwonTaëk 2002) histoire de la vie d’un peintre à la fin du 19ème.
« Le chant de la fidèle Chunhyang » (Im KwonTaëk 2000) les amours d’une courtisane sous la forme d’un « Opera coréen » appelé pansouri, passionnant même si la musique nous entraîne loin de Haendel Verdi et Wagner.
« Printemps, été, automne, hiver… et printemps » (Kim Ki Duk 2003). Un maître zen élève son jeune disciple.
« Parasite » ( BongJoon Ho 2019 Palme d’Or à Cannes) : une famille pauvre multiplie les ruses pour exploiter une famille richissime.
« Les Bonnes Etoiles » (KoreEda 2022) : histoire policière d’un trafic d’enfants. KoreEda est japonais mais le film est tourné en Corée avec des acteurs coréens. Ses films sont souvent centrés sur des problèmes familiaux.
« In Another Country » (Hong Sang Soo 2012) Une « même » histoire, celle d’Anne jouée par Isabelle Huppert racontée 3 fois différemment.
Conférence du 8 février 2024
François Chauvière
[1] Ecrivain française née à Téhéran, présidente du jury du prix de la laïcité 2023.
[2] Cf notamment les céladons
Hubert MARTIN, était avant tout une personnalité de la profession bancaire. Doté d’une solide formation, juridique avec un Doctorat de Droit, technique avec les diplômes d’HEC, il était prédestiné pour embrasser ce métier où il était devenu incontournable. Il dirigea plusieurs établissements bancaires. Par exemple, MONTE dei PASCHI (France) , qui, créée depuis cinq siècles et demi à SIENNE est la plus ancienne banque de la Planète . Pour respecter ce titre, Hubert MARTIN devint le dirigeant de banque qui fit preuve du plus de longévité, en quittant ce monde ce 5 janvier 2024 dans le cours de sa 104ème année !
Attaché à la diversité du monde bancaire , il donna toute sa dimension à l’OCBF (Office de Coordination bancaire et financière) qui avait pour but de réunir et de fédérer les moyennes et petites banques qui ne pouvaient pas s’exprimer pleinement dans l’Association des Banques Françaises -devenue depuis la FBR- qui était contrôlée par les grands établissements bancaires. Grâce à l’OCBF, les banques régionales, les banques spécialisées, les banques de gestion , entre autres pouvaient s’exprimer et contribuer à la bonne marche de la profession .
Hubert MARTIN était un homme rigoureux et sérieux qui s’était donné pour ce à quoi il croyait .Il était un observateur de qualité : ses analyses étaient toujours précieuses et pertinentes.
On ne peut pas parler d’Hubert, sans mentionner son épouse Andrée , maître de conférences endroit et Sciences politiques à l’Université de Paris I, qui quitta ce monde en 2003. Andrée avait joué un rôle déterminant dans la création de l’Institut du Pacifique dont elle était membre fondateur, puis qu’elle présida après le départ de Georges Ordonnaud au début des années 90, et jusqu’à son décès en 2003. Et c’est ainsi qu’Hubert avait été progressivement associé aux activités de l’Institut. Tous deux recevaient volontiers les membres du conseil d’administration chez eux, puis, en tant que Président d’honneur il poursuivit seul son intérêt et son attachement pour l’Institut jusqu’à il y a quelques années.
Hubert MARTIN, qui voulait aller jusqu’au bout, alla chercher sa nouvelle épouse, Naomi HATAKAYAMA au JAPON, à dix mille kilomètres de PARIS, sur les rives de l’Océan Pacifique. La boucle était bouclée.
Hubert MARTIN, un nom que personne n’oubliera.