La Chine et l’Arctique
Pour compléter la conférence de Thierry Garcin, voici le lien vers un article publié le 7 septembre 2024 sur ce sujet sur le site de geoweb
https://www.geopoweb.fr/?LA–CHINE-ET-L-ARCTIQUE-Thierry-GARCIN
Superficie : 9 984 000 km²
Population : 35 Mh
Densité : 4,5 h/km²
PNB : 1632 milliards $
Pour compléter la conférence de Thierry Garcin, voici le lien vers un article publié le 7 septembre 2024 sur ce sujet sur le site de geoweb
https://www.geopoweb.fr/?LA–CHINE-ET-L-ARCTIQUE-Thierry-GARCIN
Quelques ouvrages récents, un certain nombre d’articles mettent en évidence les différences de stratégies entre la Chine et les démocraties occidentales ; ils interrogent quant aux perspectives d’avenir.
Quelques références :
Les pratiques d’influence et d’intimidation chinoises au Canada sont tout particulièrement évoquées dans les textes indiqués ci-dessus. Elles sont le reflet de l’aveuglement occidental qui voulait croire que la liberté de commerce et l’ouverture économique se traduiraient par des pratiques démocratiques et plus de liberté en Chine. Ainsi pendant de longues années, l’Occident, dans un mélange de naïveté, de cupidité et d’aveuglement, s’est laissé duper par la Chine communiste. Consentement ou ignorance ?
Au Canada, la fascination pour la Chine avait été amenée par les missionnaires vers les années 1880. Autour des années 1960, les universitaires ont pris le relai, avec notamment la création du Centre d’études est-asiatique de l’Université Mac Gill à Montréal, lequel va faciliter les premiers pourparlers diplomatiques, puis la création du Conseil d’Affaires Canada-Chine (CCBC) en 1978. Le rôle des grandes entreprises canadiennes fondatrices du CCBC a ensuite été déterminant pour développer les échanges avec la Chine aux dépens de toute interrogation morale ou géopolitique.
Après le « siècle des humiliations », leitmotiv du discours chinois, la puissance chinoise s’est reconstruite avec un parti communiste « aux caractéristiques chinoises », version moderne du pouvoir impérial chinois. Mais cela suppose de s’imposer aux Etats voisins « vassaux » (Birmanie, Laos, Cambodge, Vietnam ?), de dominer ses abords maritimes (la fameuse langue de bœuf en mer de Chine et au-delà dans le Pacifique) et de contrôler …les verrous potentiels au loin (projet des routes de la soie à travers l’Eurasie jusqu’en Afrique et en Europe, voire en Amérique latine)[1].
Les tensions entre le Canada et la Chine se sont aggravées en 2018 avec l’arrestation de Meng Wanzhou, héritière de Hua Wei et par réciprocité l’incarcération de deux Canadiens en Chine. Cependant les échanges et partenariats économiques ne ralentissent pas, ils restent intenses, avec des niveaux record en 2022. Les importations chinoises en provenance du Canada sont alors supérieures à 100 milliards de US$ pour la première fois. Les échanges sino-canadiens sont passés de 70 milliards en 2012 à 129 milliards en 2022, mais la balance commerciale reste toujours déficitaire pour le Canada. La Chine est ainsi le deuxième partenaire commercial du Canada, même si elle reste loin derrière les Etats-Unis (la France est au 13ème rang).
Si les échanges ont connu une croissance spectaculaire depuis 20 ans, les tensions politiques (notamment suite à l’emprisonnement de plusieurs citoyens canadiens en Chine , certains libérés depuis Meng Wanzhou est rentrée en Chine) sont sans effet sur les flux économiques. Il faut sans doute voir là les conséquences des efforts du PC chinois depuis les années 50 pour peser sur la vie politique canadienne et notamment les milieux parlementaires, via les commerçants et les étudiants. Ces opérations d’influence, voire de corruption ont bénéficié de la naïveté des Canadiens. Cependant aujourd’hui les opérations de déstabilisation chinoises se multiplient. Les dissidents chinois ou de Hong Kong résidant au Canada, sont « suivis » par Pékin, les intrusions dans la vie politique canadienne et les tentatives d’ingérence dans les opérations électorales[2] se multiplient de manière à favoriser l’élection de candidats favorables à Pékin …
Comment gérer des relations qui sont certes inévitables aujourd’hui, mais qui représentent en même temps une menace pour la démocratie canadienne ? Abandonner « l’esprit missionnaire » du XIXème siècle ne suffira sans doute pas … En effet environ 2 millions de Canadiens sont d’origine chinoise et peuvent être des cibles potentielles pour Pékin. Toronto et Vancouver (Hongcouver) sont de facto devenues des villes « chinoises ». Les étudiants chinois au Canada sont par ailleurs un autre vecteur d’influence, procurant environ un quart des ressources des universités canadiennes (droits universitaires + dépenses courantes induites).
En 2017, le projet Trudeau d’accord de libre-échange a été rejeté par la Chine en raison des références aux principes démocratiques occidentaux et au respect de normes environnementales. Le projet a été abandonné en 2020… pour l’instant.
En mai 2018, lors de la préparation de la 9ème conférence à Vancouver du« World Guangdong Community Federation »[3], le Canada a refusé environ 200 visas à des participants venus de Chine, dont une vingtaine de personnalités officielles. Si le message était clair, il n’exclut pas de rester vigilant pour l’avenir.
La nouvelle vision indopacifique lancée en 2022 vise à libérer le Canada de cette emprise chinoise dans la région : c’est la première stratégie (canadienne) englobant l’ensemble de la région indopacifique, visant à diversifier les échanges et les partenariats en vue d’une coalition de pays fiables. Mais cela suppose au Canada une vision incluant une perte d’influence des instances ayant bénéficié d’un quasi-monopole des échanges avec la Chine, telles le CCBC qui est le « principal canal d’influence du PCC au Canada ».La réussite de cette stratégie indopacifique induira nécessairement une perte de pouvoir et de prestige pour la CCBC ; ceux-là même dont elle bénéficie depuis plus de 40 ans.
Le cas canadien est particulièrement « disséqué » dans « les griffes du Panda »de Jonathan Manthorpe qui retrace les relations bilatérales depuis 150 ans. Les deux autres ouvrages mentionnés multiplient aussi des exemples d’actions menées par le ministère de la Sécurité d’Etat[4] auprès du Congrès américain, à l’Assemblée nationale française et dans les thinks tanks occidentaux. « La Chine a berné l’Europe et l’Amérique pour nourrir sa machine de guerre économique, et éviter toute libéralisation politique, dans le but de la confrontation à venir … avec les « somnambules occidentaux » pointe fort justement Ali Laïdi.
Les somnambules voudront-ils, et pourront-ils, sortir de cet état que favorise le sommeil paradoxal ?
Hélène Mazeran
[1]Voir les articles publiés sur ce site.
[2]Lors des élections de 2029, onze candidats aux élections législatives appartenant au Parti Libéral de Justin Trudeau, auraient reçu des fonds de Pékin. La Fondation Trudeau qui aurait reçu des fonds de Pékin, fait l’objet d’une commission d’enquête.
[3] La 1ère conférence de cette « Fédération » s’est tenue à Singapour en 2000, la 11ème à Guangzhou en 2023.
[4]Construit sur le modèle du KGB et aujourd’hui peut-être le plus grand service de renseignements au monde.
Avec l’aimable autorisation de GeopoWeb qui a publié cet article le 18 avril 2023
Thierry Garcin (1) prend le parti de laisser de côté la dimension « liens spécifiques entre les nations » pour s’interroger sur la consistance géographique et stratégique de la zone indopacifique, en s’appuyant sur la permanence des antagonismes et des retournements de situation. Il s’agit d’un construit assez hétéroclite avec des pays parfois historiquement éloignés, plutôt une stratégie qu’un territoire basé sur une vision respectueuse du Droit international. Une zone immense dans laquelle opèrent des logiques de double encerclement par deux puissances majeures. La Chine mobilise avec succès les nouvelles Routes de la soie (terrestres et maritimes). On lira avec un intérêt particulier les doctrines de la France, de l’Inde et … l’absence de l’UE.
L’équilibrisme géographique et géopolitique des alliances produit un cocktail de risques majeurs. Un espace de toutes les incertitudes et donc de tous les risques : besoin américain d’élargir de facto l’OTAN aux enjeux asiatiques, menaces sur Taïwan, mais diminution de l’hostilité Japon/Corée du Sud, multi-alignement inachevé de l’Inde, retour éventuel des républicains américains au pouvoir etc…
A la fin du texte, sans la citer, l’auteur évoque ce qu’il est devenu courant d’appeler de ses vœux : une autonomie stratégique européenne (2). On peut bien sûr discuter de l’éventuelle neutralité et découplage des théâtres de conflits (Ukraine, zone Indopacifique). Sans trop y croire, car c’est dans l’Indopacifique que bat le cœur de la mondialisation contemporaine (cf semi-conducteurs) avec Taïwan comme ligne de fracture entre les deux superpuissances, dont dépendra l’influence (au moins régionale de demain), mais c’est un autre sujet pour un autre article…
L’INDO-PACIFIQUE : UN CONCEPT FORT DISCUTABLE !
Depuis quelques années, toute une littérature atlantiste a pris comme fait accompli la notion d’Indo-Pacifique. Or, en profitant du recul que proposent les cinq dernières années, cela mérite examen. Car, sans l’antagonisme américano-chinois et sans l’instrumentalisation systématique de la menace chinoise, cette approche géopolitique globalisante n’a guère de sens.
En effet, l’Indo-Pacifique frappe à vue d’œil par son gigantisme (même la Mongolie est scrupuleusement insérée sur les cartes), qui permet de rassembler politiquement et économiquement des alliés des États-Unis, au prix d’audacieux amalgames stratégiques. On peut dès lors se demander s’il ne s’agit pas d’une « construction de l’esprit », justifiée pour Washington par l’évolution inquiétante de trois sous-zones, sources éventuelles d’affrontements : la Corée du Nord, Taïwan (le président Joe Biden s’est engagé à défendre l’île) et la mer de Chine méridionale (voir ci-dessous figures 1 et 2). Et doit-on, comme s’y emploie constamment le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, considérer la Russie et la Chine comme une menace unique ? On voit donc combien la relation de Washington avec ses alliés -d’autant plus complexe- est au centre de cette nouvelle problématique.
Si, par souci de simplification, on ne traitera pas ici de dossiers spécifiques comme les liens entre les deux rives du Pacifique, les ventes d’armes, les catastrophes naturelles, l’émigration et la piraterie maritime, on doit néanmoins s’interroger sur la pertinence de la notion d’Indo-Pacifique, vite acceptée comme une doctrine, et sur les conséquences pour quelques acteurs clés : la Chine, les pays d’Asie du Sud-Est, l’Inde et la France (puissance riveraine). Bref, l’Indo-Pacifique existe-t-il vraiment ?
Une notion particulièrement floue
La notion d’Indo-Pacifique n’est pas nouvelle.
Déjà, le QUAD (Quadrilateral Security Dialogue), ébauché en 2007 et consolidant le « pivot vers l’Asie » annoncé en 2011 par la secrétaire d’État Hillary Clinton, réunissait l’Australie, les États-Unis, l’Inde et le Japon. Ce QUAD, remis sur le chantier en 2017, accompagne désormais le programme américain d’Indo-Pacifique. À l’époque, le QUAD était clairement destiné à contrer l’expansion maritime chinoise dans les deux océans, Pacifique et Indien. Désormais, il lutte également contre les routes maritimes de la soie (le programme des Routes terrestres et maritimes de la soie a été lancé en 2013 par le président chinois, Xi Jinping). Lors du sommet du QUAD du 24 septembre 2021, le président américain Joe Biden déclara : « L’avenir de chacune de notre quatre nations -et, de fait, du monde entier- dépend d’un Indo-Pacifique libre et ouvert, durable et prospère, dans les futures décennies ». En effet, le souci premier des États-Unis a toujours été d’assurer la totale liberté de navigation sur les mers, et cela n’est pas près de changer. La genèse de l’Indo-Pacifique doit également mentionner la demande insistante de l’ancien et très nationaliste Premier ministre japonais Shinzo Abe, pour un « Indo-Pacifique libre et ouvert » (2016-2017). Tokyo est en pleine remilitarisation, a profondément modifié sa doctrine stratégique et veut devenir « un pays normal » (inquiétudes justifiées de Pékin et de Séoul).
Sur un plan plus historique, cet endiguement antichinois (containment) est proche parent de l’endiguement antisoviétique des années 40 et 50, utilement prôné par le très éclairé diplomate américain George Kennan, qui préférait endiguer l’URSS plutôt que de la repousser (roll back). Il rappelle aussi les vastes alliances hétérogènes mises en place par Washington au début des rapports Est-Ouest : pacte de Rio (1947) ; ANZUS (1951), réunissant Australie, États-Unis et Nouvelle-Zélande ; pacte de Bagdad (1955), accueillant l’Iran, l’Irak, le Pakistan, le Royaume-Uni et la Turquie, plus les États-Unis à partir de 1958 ; le pacte de Manille et l’OTASE, etc. L’AUKUS de 2021 (« Australia-United Kingdom-United States ») fleure bon cette « pactomania » américaine. On n’oubliera pas que les États-Unis entretiennent également de longue date un réseau d’espionnage remarquable (« Five Eyes », UKUSA, Echelon…), s’appuyant sur l’Asie-Pacifique.
La doctrine de l’Indo-Pacifique souhaite officiellement rassembler plus de la moitié de la population mondiale et 58 % des jeunes, 60 % du PIB mondial, 2/3 de la croissance mondiale, cela sur 65 % des océans et 25 % des terres. Y renforcer le rôle des États-Unis est la première des priorités affichées, en profitant d’alliances, de partenariats et d’institutions régionales, impliquant l’Union européenne, expressément convoquée. De fait, on peut se demander si le volet économique n’est pas l’habillage du volet sécuritaire.
On comprend mieux pourquoi, depuis quelques années, Washington mondialise littéralement ses intérêts en Asie via la doctrine de l’Indo-Pacifique : « La région est un facteur clé de l’économie mondiale, inclut les voies maritimes mondiales les plus empruntées et neuf des dix plus grands ports. L’Asie-Pacifique est aussi une région hautement militarisée avec sept des dix plus grandes armées et les cinq États nucléaires officiels. Compte tenu de ces données, la complexité stratégique qu’affronte cette région est unique » (Département de la défense américain, mars 2022). En 2018, les États-Unis avaient rebaptisé le Commandement « Pacifique » en Commandement « Indo-Pacifique ». C’est donc l’antagonisme américano-chinois qui explique l’enrôlement des acteurs secondaires régionaux.
En effet, la zone concernée s’étend sur une vaste partie de la planète, couvrant les deux océans (Pacifique, 165 millions de km² ; Indien, 70 millions), où les distances transversales sont hors du commun : 8 800 km entre Los Angeles et Tokyo, 14 120 km entre Los Angeles et Singapour, 7 600 km entre Hawaï et Brisbane (Australie), etc. Sans la volonté des États-Unis, cet espace sans centre ni périphérie serait totalement incompréhensible, aussi bien en termes de civilisations que de cultures (langues) et de sociétés (religions et croyances religieuses), de superficies et de caractéristiques démographiques, sans parler des régimes politiques et des puissances économiques. Car, le plus frappant reste encore l’aspect composite et hydride de ce grand concours de peuples. Seul, dans cette affaire, l’antagonisme américano-chinois se veut structurant. D’où la plus grande prudence méthodologique à considérer cet ensemble baroque comme un tout.
Au regard des évolutions depuis la seconde guerre mondiale, deux constats méritent d’être rappelés : la permanence des antagonismes et 1a fréquence des retournements de situation.
D’une part, les antagonismes clés sont fondateurs. Témoins : la division des deux Corée ; l’hostilité historique Japon-Corée (il y a une belle thèse de doctorat à soutenir sur ce sujet) ; la guerre française d’Indochine ; les confrontations Inde-Chine et Inde-Pakistan, Vietnam-Chine et Vietnam-Cambodge ; la rivalité URSS-Chine ; la guerre américaine du Vietnam ; la volonté chinoise affichée de recouvrer Taïwan.
D’autre part, et à l’inverse, les retournements de situation sont légion. Témoins : l’ascension économique spectaculaire du Japon après la capitulation de 1945 (2e PIB mondial en 1968, 57 % du PIB américain en 1989) ; l’essor économique remarquable dans les années 50 et 60 des « quatre dragons » (Hong Kong, Taïwan, Corée du Sud, Singapour, tous dépourvus de matières premières) ; la réconciliation sino-soviétique de 1989 ; l’indépendance de Timor-Est en 2002 ; les actuelles bonnes relations États-Unis-Vietnam ; la fructueuse coopération économique Chine-Taïwan de 2008 à 2016.
Ces deux constantes historiques devraient inciter à la modestie géopolitique, interdisant toute prévision avantageuse et toute projection rassurante sur la stabilité en Asie-Pacifique. D’autant plus que c’est la Chine qui, depuis longtemps, écrit la partition.
La saisissante expansion chinoise
Considérée par les Américains comme un rival économique redoutable et, à terme, comme une menace stratégique, la Chine a considérablement élargi son influence dans la région. Déjà, elle avait multiplié par onze son PIB entre 2001 et 2021, fait croître ses échanges internationaux de 9 % à 13 % dans la même période, multiplié par 7,5 ses exportations de 2001 à 2019. Sa marine militaire a été remarquablement modernisée et étoffée, tandis qu’elle pratique avec succès la projection de la force (Djibouti, Méditerranée…). Depuis 2013, ses Routes de la soie, terrestres et maritimes, visent à gagner le cœur de l’Europe, à encercler l’Inde, à s’appuyer sur la Corne de l’Afrique.
Accusée par les États-Unis de vouloir imposer de nouvelles normes internationales et de créer des organismes concurrents de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (voir ci-dessous figure 3), Pékin a surtout tiré bénéfice du brutal retrait américain du Transpacific Partnership (TPP), décision impulsive, incongrue et contreproductive du nouveau président Trump en 2017.
En effet, la riposte chinoise ne s’est pas fait attendre. Elle a été d’autant plus cinglante que la Chine a recruté chez les alliés des États-Unis, lançant en 2020 le Partenariat économique régional global (Regional Comprehensive Economic Partnership, RECEP), exclusivement asiatique cette fois et parvenant à accueillir à la même table le Japon et la Corée du Sud, véritable camouflet pour Washington (voir ci-dessous figure 4). Parallèlement, on n’oubliera pas que 90 % des dix plus grands ports mondiaux sont asiatiques, 70 % étant… chinois. En outre, même s’il s’agit d’une progression plus lente, la Chine parvient à séduire des micro-États en Océanie : partenariat stratégique avec le Vanuatu, accord de sécurité avec les îles Salomon (2022), le ministre chinois des affaires étrangères ayant proposé sans succès un « Plan d’action quinquennal Chine-pays du Pacifique pour le développement commun », au cours d’une visite de dix jours en 2022 dans huit pays de la région. Bien sûr, l’idée est aussi de limiter l’influence australienne (à terme, l’influence française) et de constituer peu à peu un front antitaïwanais dans le Pacifique Sud. De fait, quatre des quatorze États qui reconnaissent Taïwan s’y trouvent (Îles Marshall, Nauru, Palaos, Tuvalu).
La mosaïque baroque de l’Asie du Sud-Est
À la fois continentale, péninsulaire et archipélagique (18 000 îles en Indonésie, 7 000 aux Philippines), cette sous-région se caractérise principalement par son manque total d’unité, malgré la création en 1967 de l’Association des pays d’Asie du Sud-Est (Association of Southeast Asian Nations, ASEAN), qui s’est elle-même ramifiée en entités multiples (« le plat de spaghettis », disent les Asiatiques). D’ailleurs, plus on célèbre la supposée « centralité » de l’ASEAN, plus l’organisation se disperse, ce qui fait généralement le bonheur des diplomates, qui aiment signer des documents. En fait, priment la diversité des cultures, le legs des colonisations européennes (et de l’américaine pour les Philippines), le développement économique incroyablement différencié (voir ci-dessous figure 5). Ainsi, Singapour a-t-il le même PIB que les Philippines pour 5% de sa population ; la Birmanie a-t-elle 5,4 % du PIB de l’Indonésie pour 20 % de sa population ; Bruneï représente-t-il les trois quarts du PIB laotien, pour une population 16 fois moins nombreuse, etc. Enfin, on remarquera que l’ASEAN est la seule organisation économique digne de ce nom, dans cette si vaste région ; c’est peu. De surcroît, tout différend sérieux est aussitôt mis sous le boisseau. Ce n’est pas ainsi qu’on élève un rempart antichinois.
Ce sont à la fois le rôle stratégique du détroit de Malacca pour le transport de marchandises (30 % du total mondial, 83 000 bateaux en 2022) et l’importance de la présence militaire américaine qui illustrent le caractère névralgique de ce « point chaud » du globe. En 2020, le Secrétaire à la marine américain avait recommandé la recréation d’une 1ère Flotte, destinée à décharger la 7e flotte du Pacifique occidental et dont le QG eût été à Singapour. C’est-à-dire à la sortie du détroit de Malacca (76 % des importations chinoises de pétrole y ont transité en 2019), aux abords de la mer de Chine méridionale (où Pékin a illégalement installé des forces militaires sur des îles consolidées et agrandies) et non loin du détroit de Taïwan, trois zones où un affrontement militaire entre États-Unis et Chine pourrait un jour éclater. On rappelle l’ampleur du dispositif militaire américain en Indo-Pacifique, des forces stationnées au Japon, en Corée du Sud, aux Philippines et ailleurs, des points d’appui situées dans l’océan Pacifique (Guam…) et dans l’océan Indien (Diego Garcia ) . Avant longtemps, la Chine -qui en rêve- ne pourra y remplacer les États-Unis.
Quant à la guerre d’Ukraine, deux pays de l’ASEAN (Laos, Vietnam) ont pratiqué le même vote lors de quatre résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU condamnant Moscou, en 2022 et 2023 : abstention à trois reprises, vote contre à une reprise. Et pour la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme, six des dix pays se sont abstenus (Bruneï, Cambodge, Indonésie, Malaisie, Singapour, Thaïlande), le Laos et le Vietnam votant contre. Huit sur dix pays n’ont donc pas voté pour cette suspension, ce qui donne à réfléchir.
Le grand écart indien
Dans l’océan qui porte son nom, l’Inde -dont le peuple est aussi peu hauturier que le peuple chinois- a historiquement été tournée vers sa partie occidentale. L’Inde a donc un tropisme plus « afro- » qu’asiatique. Elle y profite notamment de sa diaspora (Afrique du Sud, Kenya, Madagascar, Maurice, Ouganda, Seychelles, Tanzanie…), ayant délaissé son versant oriental, bien qu’elle y ait des possessions insulaires (Andaman et Nicobar, certes faiblement peuplées mais où elle commence à investir militairement) et qu’elle y dispose pourtant de diasporas importantes (Birmanie, Malaisie…). En fait, l’existence de la barrière himalayenne, ses relations conflictuelles avec le voisinage (Pakistan, Chine) et son besoin récent de promouvoir la stabilité de l’Afghanistan ont longtemps rendu prioritaires ses intérêts continentaux. Ce n’est que depuis trois décennies qu’elle a multiplié les accords et coopérations complexes avec son Est : ASEAN, mais aussi Australie, Japon, Singapour… Avec Tokyo, elle a même annoncé en 2016 la création des « Routes de la liberté » (Asia Africa Growth Corridor, AAGC), projet apparemment en veilleuse mais destiné à contrer les Routes de la soie chinoises et à desserrer le « collier de perles » chinois qui l’entoure.
Cela n’a pas empêché l’Inde de consolider et de développer simultanément des coopérations souvent contradictoires avec le Moyen-Orient (États du Golfe), avec Israël et avec l’Iran (port de Chabahar, idéalement situé à l’entrée du Golfe).
Il est donc bien trop tôt pour évaluer la politique maritime indienne dans l’océan Indien, d’autant plus que la doctrine actuelle du « multi-alignement » n’en est qu’à ses débuts (on pourrait plutôt parler d’une « pluri-diversification »). Il s’agit, explique le ministre des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar, « d’engager l’Amérique, de gérer la Chine, de cultiver l’Europe, de rassurer la Russie, de faire participer le Japon, d’attirer les voisins ». On lui souhaite bonne chance… Le « multi-alignement » a quand même ses limites : on comprend que, tentée d’y participer, l’Inde ait finalement décidé de ne pas intégrer le RECEP proposé par la Chine (voir supra figure 4). De surcroît, le rôle de New Delhi reste ambigu dans la guerre d’Ukraine survenue en 2022. Dans toutes les hypothèses, donc, ses relations avec Moscou (son premier partenaire en matière de défense) et Washington (son premier partenaire économique) resteront centrales.
Le cas particulier de la France
La France, qui a adopté sans autre forme de procès la doctrine américaine de l’Indo-Pacifique et sans un recul géopolitique exagéré, représente un cas particulier.
En effet, c’est l’unique pays européen qui possède des territoires dans la région (7 départements, collectivités et territoires), lesquels accueillent 1 650 000 personnes plus 200 000 expatriés. 93 % des Zones économiques exclusives françaises (ZEE) s’y trouvent (60 % dans le Pacifique). Le poste d’ambassadeur pour l’Indo-Pacifique a été créé en 2020. Un riche réseau de centres de recherche l’irrigue (AFD, CNRS, IFREMER, Institut Pasteur, IRD …). Des militaires sont présents comme forces de souveraineté à Mayotte et à la Réunion (océan Indien), en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (océan Pacifique) et deux bases françaises sont situées à Djibouti (océan Indien) et aux Émirats arabes unis (ÉAU) (Golfe). En tout, en Indo-Pacifique, 7 000 personnels sous uniforme. L’Indo-Pacifique, dans sa vastitude, attire un tiers des exportations nationales hors Union européenne (UE) et représente 40 % des importations hors UE. Atout France et Business France y sont actifs. La stratégie française repose sur quatre piliers : sécurité et défense ; économie, connectivité, recherche, innovation ; multilatéralisme et règle de droit ; changement climatique, biodiversité, gestion durable des océans.
Or, de telles ambitions sont démesurées, malgré une présence diplomatique significative et compte non tenu des ventes d’armes françaises dans la région (ainsi, des 194 livraisons et commandes de Rafale à ce jour, aux Émirats arabes unis (ÉAU), à l’Inde, à l’Indonésie, au Qatar). Trois raisons à cela. D’une part, faute de continuité dans la mise en œuvre de ces objectifs (il s’agit plutôt de recherches de participation dans les multiples organisations sous-régionales, dont les interactions sont peu convaincantes) ; d’autre part, parce que les moyens financiers manquent cruellement, sous réserve d’une dotation moins lilliputienne à nos outre-mer lors de l’application de la Loi de programmation militaire 2024-2030 (413 milliards d’euros annoncés) ; enfin, parce que les équipements militaires (avions, hélicoptères, navires) sont particulièrement limités, anciens et souvent indisponibles, sans parler de la projection de la force, illusoire. Cette vision apparemment brouillonne (présence dans de nombreux partenariats) et maladroitement rassurante a d’ailleurs été fermement critiquée en 2023 dans un rapport du Sénat. De surcroît, on n’oubliera pas que la France gère également les Terres australes (océan Indien) et antarctiques (océan Pacifique) françaises (TAAF). Qui trop embrasse… À cet égard, on comprend mal pourquoi la France a proposé en 2016 de coordonner dans la zone les bâtiments militaires européens, ce qui ne serait d’ailleurs pas une tâche bien compliquée, compte tenu du peu de bateaux concernés, y compris britanniques…Toutes ces contraintes sont donc durables. Si l’on va plus loin en arrière, on peut consulter avec profit l’historien Pierre Grosser, qui rappelle l’ancienneté et la complexité des relations entre la France et l’Asie (notamment, l’Indochine).
Et l’Union européenne, qui croit avoir mis toutes les chances de son côté en traitant la Chine de « rival systémique » (l’UE est le premier partenaire économique de Pékin…) et qui ne se soucie guère de l’Indo-Pacifique, ne sera pas au rendez-vous. Elle l’était déjà si peu au Sahel ! On rappellera que les 27 ne se sont toujours pas entendus sur leurs priorités… en Méditerranée. A fortiori on ne saurait imaginer quelque vision « indo-pacifique » que ce soit, issue d’une Europe à 35 ou à 40… Dans cette région géante sans cohérence propre, l’UE est surtout préoccupée par la sécurité de ses approvisionnements et cultive une approche sociétale des enjeux : prospérité durable et inclusive, transition écologique, gouvernance des océans, gouvernance et partenariats numériques, connectivité numérique, sécurité humaine, et quand même… sécurité et défense. Enfin, pour de bonnes raisons, l’Allemagne (exportations) et les Pays-Bas (investissements) sont rétifs à toute instrumentalisation américaine de la menace chinoise.
Pourtant, l’idée officielle française sous-jacente, empreinte de naïveté ou d’orgueil, serait qu’en cas de crise diplomatique ou de conflit armé, on pourrait faire entendre auprès des États-Unis, maître des lieux, une petite musique différente… Il est douteux que nous en ayons la volonté, il est assuré que nous n’en avons pas les moyens. Les expressions pompeuses ou creuses utilisées à Paris (la France « puissance d’initiatives », « puissance d’équilibres », « puissance stabilisatrice », « force d’entraînement de l’Union européenne », « l’Indo-Pacifique multipolaire et stable »…) manquent de modestie et surtout de réalisme. Le besoin de devenir une « nation cadre » ne devrait pas résister aux pressions américaines du moment. Car, ici, nous sommes dans une anglosphère. La France n’a pas de véritables alliés dans la région. La brutale rupture par l’Australie du contrat de sous-marins français à propulsion classique (2021), l’engagement australien d’achat de sous-marins américains à propulsion nucléaire et la création simultanée de l’alliance AUKUS (Australia-United Kingdom-United States) en sont une humiliante illustration, amplifiée par l’absence de solidarité européenne. La célébration appliquée du multilatéralisme et le transit de bâtiments militaires français par la mer de Chine méridionale ou le détroit de Taïwan (2021, 2022), remarquables navigations, n’y changeront rien. Par-delà le foisonnement actuel d’initiatives de tous genres (forums, dialogues, etc.), la France aura intérêt à y entretenir des partenariats ad hoc, en fonction des intérêts du moment. Le risque sera dans la dispersion.
Conclusion
L’Indo-Pacifique est un concept stratégique englobant, surdimensionné et d’autant plus vague. Sa pertinence ne se conçoit que dans le cadre d’un endiguement américain de la Chine. Bref, l’Indo-Pacifique se présente plus comme une volonté que comme un espace homogène, encore moins une organisation intergouvernementale ou un club de démocraties.
Or, ni les pays européens pris séparément ni l’Union européenne (qui n’en a cure) n’ont intérêt à se faire enrôler dans cette croisade. L’extrême diversité des acteurs ; les antagonismes ancestraux ; les logiques de puissance contrariées ; la permanence des rivalités de voisinage ; la rareté, les faiblesses et la complexité des organisations économiques régionales hormis l’ASEAN ; le besoin américain d’élargir de facto l’OTAN aux enjeux asiatiques (« L’influence croissante et les politiques internationales de la Chine peuvent présenter des défis, auxquels nous devons répondre ensemble, en tant qu’Alliance » ), etc., amèneront vite les principaux pays de cet immense ensemble artificiel à privilégier des définitions différentes de l’Indo-Pacifique. Il faut donc s’attendre à une régionalisation et à une subdivision géographique des priorités de chacun, lequel cultivera des relations spécifiques avec les États-Unis (certains seront des supplétifs consentants) et avec la Chine (d’autres seront des otages économiques). L’étude régionale et sous-régionale deviendra sans doute une nécessité, malgré le besoin de suprématie américaine.
Dans tous les cas, à court terme, que restera-t-il de l’Indo-Pacifique si les Républicains reviennent au pouvoir en janvier 2025 aux États-Unis ? A moyen terme, la puissance des États-Unis sera-t-elle encore amoindrie ? En tous cas, à long terme, une certitude : les Européens n’ont pas à faire les frais de l’antagonisme américano-chinois.
Thierry Garcin
NB : Thierry Garcin est également membre de l’Institut du Pacifique et nous permet à ce titre de publier son article déjà en ligne sur Geopoweb.fr
Le 1er mars, les 27 membres de l’UE doivent adopter une première liste de projets qui bénéficieront de l’initiative européenne « Global Gateway » (présentée le 1er décembre 2021par la Commission européenne pour mobiliser 300 milliards d’euros d’ici 2027 pour des projets d’infrastructures hors de l’UE, des Balkans occidentaux à l’Afrique du sud ou à l’Asie). Les difficultés ne sont pas encore toutes surmontées…. Et l’Inde, le Japon et les Etats-Unis ont aussi de projets concurrents aux « routes de la soie ».
Vo Van Thuong , seul candidat à l’élection présidentielle, est élu le 2 mars, par 487 voix sur 488 que compte l’Assemblée nationale, comme nouveau président du Vietnam, succédant à Nguyen Xuan Phuc. Celui-ci a démissionné en janvier dernier suite à une campagne visant la corruption et les pratiques malsaines et à l’origine d’une purge anticorruption. Celle-ci a entraîné le départ de nombre de hauts responsables. Si Vo n’a que 52 ans, son rôle reste moins important que celui du puissant secrétaire général du PCV, Nguyen Phu Trong, à qui il pourrait succéder.
La 8e conférence internationale de Panama sur « Notre Océan » du 2 au 4 mars s’est terminée sur un accord préfigurant un traité (au bout de 15 ans de négociations) relatif entre autres à de protection de la haute mer qui représente 60% de la surface des océans. Une fois ratifié par un nombre suffisant de pays, ce traité va permettre la création d’aires marines protégées appelées à jouer un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité et le renforcement de la résilience face aux effets du changement climatique. Espérons que les états n’attendront pas trop longtemps !
Le 3 mars, après 3 ans de procès avec 66 audiences, Kem Sokha a été condamné à 27 ans de réclusion pour « trahison » et collusion avec des pays étrangers. Le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC) créé avec Sam Rainsy (en exil en France depuis 2015) a été dissout en 2017. Arrêté en septembre 2017, Kem Sokha a été privé de de tous ses droits civiques et assigné à résidence à son domicile et placé sous contrôle judiciaire. Il ne peut communiquer qu’avec quelques membres de sa famille. Le PSBC rassemblait 44,7% des sièges de l’Assemblée nationale avant les législatives de 2018. Mais le parti du peuple cambodgien de Hun Sen est de facto le parti unique. Soutenu par la Chine et utilisant les mêmes méthodes de traque des opposants, le régime est resté sourd aux critiques unanimes des chancelleries occidentales. Ce procès est qualifié par un de ses avocats comme « ni juste, ni équitable ». Alors que la plupart des opposants politiques ont été contraints à l’exil, les libertés civiles, d’information notamment, sont de plus en plus restreintes à 4 mois des prochaines élections législatives en juillet. Hun Sen, ancien Khmer rouge proche de Pol Pot et installé au pouvoir en 1985 par l’armée Vietnamienne qui a chassé les Khmers rouges en 1979, a développé un autoritarisme sans limite, envisageant de rester au pouvoir jusqu’en 2028 et ensuite d’y installer son fils hun Manet qui est déjà chef des armées.
Du 3 au 5 mars, Gérard Darmanin, Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer est en Nouvelle Calédonie pour tenter de nouer des négociations sur le futur du territoire entre l’Etat et les deux entités locales, loyalistes et indépendantistes avant les élections provinciales de 2024. Un report de ces élections à une date ultérieure permettrait-il de trouver une solution satisfaisante pour tous sur le futur statut, alors que les accords de Matignon en 1988 et de Nouméa en 1998 ne semblent plus répondre aux besoins actuels. Ainsi après trois jours de visite en Nouvelle Calédonie, Gérard Darmanin, a annoncé l’invitation à Paris pour une dizaine de jours vers la mi-avril des mouvements indépendantistes (dont le FLNKS) et non-indépendantistes pour une réunion dans un format officiel afin d’examiner les sujets de « compromis nécessaires » pour définir l’avenir institutionnel du territoire.
Du 4 au 13 mars se déroule à Pékin la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire qui réunit ses 3000 membres. Le 10 mars, le mandat de 5 ans de Xi Jinping y sera renouvelé pour la 3ème fois, et entraînera un grand remaniement gouvernemental. La pérennité et le pouvoir incontesté de Xi Jinping semblent ainsi assurés après sa prolongation pour 5 ans à la tête du PC et de l’armée lors du Congrès du PC qui s’est tenu en octobre. Li Keqiang termine son mandat et annonce un objectif de 5% de croissance pour 2023. Il sera remplacé par Li Qiang, un fidèle de Xi Jinping. Par ailleurs, le budget militaire progresse de 7,2%.
A la suite des élections législatives des Etats fédérés de Micronésie le 7 mars, le président sortant David Panuelo n’a pas été réélu. Ce qui n’est pas le cas de Xi Jinping, réélu à l’unanimité( ?) pour un 3e mandat le 10 mars ! Mais ce grand jour est « entaché » par les accusations de David Panuelo à l’encontre de la Chine qu’il accuse de menaces directes à son encontre et à l’encontre de la Fédération risquant d’être vassalisée, de tentatives de corruption, ce que bien évidemment dénonce la RPC avec sa vigueur habituelle. Si petites soient-elles, les îles océaniennes sont le centre d’enjeux en raison de leur emplacement stratégique.
Xi Jinping désormais plus puissant que Mao : réélu le 10 mars au poste de chef de l’Etat pour un 3ème mandat de cinq ans, alors que en octobre dernier, lors du XXème congrès du PC, il a été réélu à la tête du PC et à la tête de la Commission centrale militaire. En octobre une modification législative a levé les limites de temps à ses différents mandats, ce qui avait suscité un « rappel à l’ordre » de Hu Jintao, suivi d’ailleurs immédiatement par sa mise à l’écart (vue sur toutes les télévisions du monde). Mao n’avait pas été chef de l’Etat pendant plus de 10 ans…. La plupart des réformes administratives et politiques mises en place par Deng Xiaoping (pour empêcher la mise sous tutelle de l’ensemble politique chinois par un seul individu) ont peu à peu été effacées pour concentrer tous les pouvoirs entre ses mains pour une durée illimitée. « On est passé d’un modèle de décision par consensus à un modèle où Xi décide seul de tout » (professeur Suisheng Zhao, université de Denver). Désormais rien ne peut arrêter XI dans son projet de « renaissance de la Chine … en effaçant les humiliations du passé, lorsque la Chine était bafouée par des forces extérieures». Centralisation et étatisation seront encore accentuées pour mener la Chine vers une autosuffisance alimentaire, technologique et militaire si … les défis économiques et démographiques sont surmontés…. Les nouveaux membres du Gouvernement sont des hommes de confiance, choisis pour leur loyauté à XI et à son idéologie, et non pour leurs mérites, après une mise à l’écart de ceux dont il ne serait pas sûr. Parmi eux le ministre de la Défense, le Général Li Shangfu (sanctionné par le gouvernement américain en 2018 pour des achats d’armes russes) ; et également le gouverneur de la Banque centrale Yi Gang et le Ministre des finances Liu Kun, bien qu’ils soient atteints par la limite d’âge….
Le 10 mars a été annoncée à Pékin la reprise des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite par une déclaration tripartite, aboutissement des efforts de Xi Jinping entamés dès 2016.
Principales étapes :
L’objectif chinois est de développer les relations économiques avec les monarchies du Golfe et de les inclure dans l’ensemble du projet des Routes de la soie. De son côté, l’Arable saoudite y voit le moyen de se distancer un peu des Etats-Unis. L’Iran et l’Arabie saoudite espère par cette politique intégrer les BRICS (Brésil, Inde, Russie, Chine, Afrique du sud). Un élargissement de l’OCS pourrait aussi être étendu à l’Arabie saoudite après l’Iran ???
A l’issue de la 14ème Assemblée populaire nationale (APN) qui s’est terminée à Pékin le 10 mars, Xi Jinping, déjà réélu à la tête du PC lors du XXème Congrès en octobre dernier, a été réélu Président de la République pour 5 ans pour la 3ème fois. Le 12 mars, les membres du gouvernement ont ensuite été nommés. On notera en particulier :
On remarquera que d’une manière générale les rivaux possibles de Xi Jinping ont été envoyés en retraite, alors que ses fidèles ont bénéficié de dérogations éventuelles si nécessaire. Mais le souci de ne pas effrayer les marchés financiers a sans doute justifié le maintien des responsables majeurs du secteur économique.
Le Sommet de San Diego (Californie) du 13 mars rassemble Joe Biden, Rishi Sunak et Anthony Albanese. En dépit d’un réchauffement diplomatique franco-australien et franco-britannique, cette réunion est « héritage » du pacte AUKUS signé en septembre 2021 et conçu comme « une arme de dissuasion antichinoise ». C’est aussi le symbole d’une alliance régionale sous parrainage américain d’où la France est absente (pour l’instant du moins ???)
Le 14 mars, le Honduras annonce vouloir nouer des relations diplomatiques avec la Chine continentale au détriment de son allié taiwanais de longue date. Ce dernier a en effet refusé d’accéder à la demande hondurienne d’un versement (annuel ?) de 100 millions d’USD alors que la dette publique de ce petit état est de 20 milliards d’USD. Le 16 mars, Eduardo Reina, le ministre des Affaires étrangères, a justifié l’allégeance (?) de son pays à la Chine en raison de ce refus taiwanais. Cela pourrait-il avoir des répercussions sur ses relations avec son grand voisin du nord ?
Objet le 17 mars d’un mandat d’arrêt e la Cour Pénale Internationale pour sa responsabilité dans des crimes de guerre perpétrés en Ukraine depuis l’invasion russe – c’est-à-dire de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie – , mais paradant le 18 mars en Crimée pour en marquer le 9e anniversaire de son annexion, Vladimir Poutine s’apprête le 20 mars à recevoir son ami Xi Jinping. Celui-ci non plus (tout comme les USA) ne reconnait pas la CPI, mais a fait un plan en 12 points en faveur de la paix parmi lesquels figure le respect de la souveraineté territoriale. Mais quelle souveraineté : celle des frontières de 1991 avec la Crimée dans l’Ukraine ou celle de 2014 revue par V. Poutine ? Il convient d’être clair.
Des données nouvelles ont été publiées le 20 mars au sujet de l’origine de l’épidémie de Covid par une équipe internationale. Deux scenarii opposés s’affrontent toujours : celui d’une origine animale et celui d’un accident de laboratoire, mais le marché de Wuhan semble dans les deux cas jouer un rôle propagateur. Cependant les multiples freins imposés par la Chine (qui défend toujours l’idée d’un virus importé des Etats-Unis) empêchent les progrès d’enquêtes scientifiques internationales.
Le Premier ministre thaïlandais dissout le 20 mars l’Assemblée nationale permettant ainsi la tenue des élections législatives le 14 mai prochain. Trois partis sont d’ores et déjà en lice, celui de l’actuel Premier ministre Prayut Chan-O-Cha, le Pheu Thai sous la conduite de Paetongtarn Shinawatra, fille de Thaksin et nièce de Yingluck, et Move Forward qui avait lors du dernier scrutin attiré massivement les jeunes. Mais la constitution de 2017 rend particulièrement difficile un changement car le Premier ministre est à la fois nommé par les députés mais aussi par 250 sénateurs nommés par le pouvoir en place. Reste à obtenir un raz de marée électoral par les partis d’opposition ?
Le déplacement de Xi Jinping à Moscou du 21 au 23 mars n’a pas donné lieu à des annonces officielles particulières de contrat de ventes d’armes ou à des déclarations de soutien à la guerre en Ukraine. Mais il ne faudrait pas pour autant en déduire une quelconque « réserve » de Pékin vis-à-vis des positions russes…. Et se poser des questions sur le nucléaire.
La victoire le 25 mars des Travaillistes aux élections en Nouvelle Galles du sud assure désormais une majorité absolue aux Travaillistes, aux commandes de chaque Etat et territoire de l’Australie continentale, ainsi qu’au niveau fédéral. Seule exception : la Tasmanie reste dirigée par le parti libéral jusqu’en 2024. Mais la politique centriste menée du gouvernement devrait avoir pour objectif de ne pas s’aliéner ses opposants politiques.
L’ancien président de Taiwan, Ma Ying-jeou (de 2002 à 2006), représentant du Parti Kuomintang est en Chine continentale à partir du 27 mars pour une visite personnelle de 12 jours pour « rendre hommage à ses ancêtres », mais aussi pour des rencontres officielles avec le Bureau des Affaires Taïwanaises à l’occasion de la fête du Qing Ming le 5 avril.
Le Forum de Boao (Hainan) a été créé à l’initiative de la Chine en 2006 soutenue par une vingtaine de pays asiatiques et l’Australie. Cette année il porte du 28 au 31 mars sur « les défis économiques post-pandémie » et réunit notamment le Premier Ministre chinois, le Premier Ministre ivoirien, le Premier ministre espagnol, la directrice général du FMI Kristina Georgieva, l’ex-Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon.
La Présidente de Taïwan, Tsai Ing Wen, a entamé le 29 mars un voyage en Amérique centrale, à Belize et au Guatemala, deux des 13 Etats qui entretiennent encore des relations diplomatiques avec Taïwan et non Pékin alors que le Honduras a rompu le 26 mars dernier ses relations avec Taïwan au profit de Pékin, de même que le Costa Rica en 2017, le Salvador en 2018 et le Nicaragua en 2021. Ce déplacement suppose des « transits privés » aux Etats-Unis : à l’aller pour une escale à New York (29 et 30 mars pour recevoir un prix du Think tank Hudson Institute), et au retour en Californie (4 et 5 avril pour une possible rencontre avec Kevin Mac Carthy, Président de la Chambre des représentants).
Le chef du gouvernement espagnol (qui présidera l’Union européenne au 2ème semestre 2023) est à Pékin le 30 mars pour une visite de deux jours à l’occasion du 50ème anniversaire des relations commerciales bilatérales. Il est le premier des chefs de gouvernement européens à rencontrer Xi Jinping depuis sa proposition de « plan de paix en Ukraine ». P. Sanchez a clairement rappelé qui étaient « l’agresseur et l’agressé » et que les 1ers concernés par les conditions de dialogue pour la paix étaient les Ukrainiens. Il participera en outre au « Davos chinois », le Forum de Boao pour l’Asie (BFA) avec des entreprises espagnoles et es investisseurs chinois dans la perspective d’ un développement du tourisme chinois en Espagne après le COVID.
Après les Pays-Bas et les Etats-Unis, le Japon vient le 31 mars de limiter les exportations des équipements nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs, réduisant ainsi les capacités chinoises de production des puces nécessaires aux calculateurs notamment pour l’Intelligence artificielle, et prévenir les détournements de la technologie à des fins militaires.
Après 21 mois de négociations, le Royaume-Uni a signé le 31 mars son adhésion au Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP) qui regroupait 11 Etats d’Asie et d’Amérique depuis sa finalisation en 2008 (après le retrait des Etats-Unis sous Donald Trump de la 1ère version du traité, TPP, en 2017) : Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Vietnam. A l’occasion de la signature du Royaume-Uni, il a été indiqué qu’il serait « souhaitable » que les Etats-Unis rejoignent ce pacte que la Chine et Taïwan voudraient aussi intégrer. L’Europe (et la France) resteront-elles à la marge ????
Les îles océaniennes deviendraient-elles un point d’ancrage obligé face à l’appétit chinois ? Ainsi, les Etats-Unis après avoir rouvert en début d’année leur ambassade aux îles Salomon, envisage le 31 mars d’en ouvrir une prochainement au Vanuatu et éventuellement aux îles Kiribati et aux îles Tonga.
Drôle de façon de marquer le 1er février le 2e anniversaire du coup d’état perpétré par la junte militaire au Myanmar : le conseil national de défense prolonge de six mois l’état d’urgence ! La population, elle, manifeste par le silence en ne sortant pas. Par ailleurs, les militaires veulent se donner une légitimité et sont en train d’organiser les élections « promises » où ils sont sûrs de gagner : chercher l’erreur… Du déjà vu ailleurs ! Rappelons que deux ans après le coup d’Etat du 1er février 2021, la junte au pouvoir au Myanmar n’arrive pas à contrôler l’ensemble du pays face à la résistance lancée par le NUG (Gouvernement d’unité nationale) et les Forces de Défense Populaires (PDF), face aux guérillas ethniques de mieux en mieux coordonnées et face aux manifestations de résistance passive et désobéissance civile , dont la dernière le 1er février 2023. C’est ce qui explique que « l’état d’urgence militaire »a été prolongé pour six mois à compter du 31 janvier 2023. Donc pas d’élection libre en vue, et poursuite des opérations militaires et des brutalités de la part de l’armée au pouvoir.
Depuis la destitution de Pedro Castillo (2021-2022) le 7 décembre, le Pérou étale au grand jour la fracture entre la capitale et les provinces rurales et pauvres. Le parlement vient une fois de plus le 1er février de refuser d’avancer les élections à octobre 2023 alors que la contestation a déjà fait 48 morts à travers le pays. Ce projet de loi visant à avancer les élections prévues en 2024 à la fin 2023 et à organiser un référendum mettant en place une assemblée constituante a donc de nouveau été rejeté. L’objectif était de retrouver le calme après deux mois de troubles. La plupart des contestataires, issus des régions andines sont une nouvelle fois le reflet de la fracture depuis de nombreuses années entre une minorité politique et sociale, et une majorité andine défavorisée bien qu’originaires de régions riches en ressources minérales.
Un accord a été signé le 1er février par le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, avec les ¨Philippines pour permettre l’installation de 4 bases américaines supplémentaires aux Philippines, « têtes de pont éventuelles « pour les Etats-Unis dans le cas d’un conflit avec Taïwan.2024
Les changements juridiques et sociaux intervenus en 2020 en application de la loi sur la sécurité nationale et les conséquences de la crise sanitaire (et des restrictions très dures appliquées), ont entraîné une très forte diminution du nombre de visiteurs: 65 millions en 2018, 600 000… De très nombreuses entreprises internationales qui avaient souvent leur siège asiatique à Hong Kong, ont fermé pour se « relocaliser » ailleurs, notamment à Singapour. Le PIB en 2022 a diminué de 3,5%. D’où la recherche de nouveaux moyens pour essayer de remonter cette pente descendante…Et l’annonce le 2 février d’offrir 500 000 billets d’avion gratuits « pour faire découvrir l’effervescence de la ville » dans le cadre de la campagne de promotion « Hello Hong Kong », lancée par le gouvernement avec les trois compagnies aériennes de Hong Kong dont Cathay Pacific à partir du 1er mars 2023.
Ballons dans le ciel ou tout l’art de la manipulation. Le 2 février les USA et le Canada constatent que certaines parties (stratégiques ?) de leur territoire sont survolés par de drôles de ballons blancs alimentés par des panneaux solaires et le 3 c’est au tour de l’Amérique latine. Rien de grave selon Pékin qui en profite pour accuser les Etats-Unis de la « diffamer » puisque c’est une dérive « involontaire » (?!) de ballons à but « météorologique ». Imaginez-vous si les USA avait procéder de même au-dessus de la Chine …
L’incident du survol du territoire américain par un ballon chinois d’ouest en est depuis le 1er février, avant d’être abattu le 4 par la chasse américaine au large des côtes de Caroline au-dessus de l’Atlantique, va encore contribuer à tendre les relations entre les deux Etats, malgré les excuses de la Chine arguant d’une erreur de navigation d’un ballon de « recherches surtout météorologiques » selon les Chinois qui se sontd’abord excusés avant d’accuser les Américains « de prendre cet incident pour prétexte à attaquer et diffamer la Chine »…. Première conséquence annoncée dès jeudi par les Américains : le report du voyage du Secrétaire d’Etat Anthony Blinken prévu à Pékin les 5 et 6 février (1ère visite d’un Secrétaire d’Etat américain à Pékin depuis 6 ans).
Avec une participation supérieure à 80%, les électeurs équatoriens ont voté le 5 février contre le référendum pointant entre autres ainsi le refus de l’extradition des narcotrafiquants vers les États-Unis alors que le pays est en proie à la violence liée à la drogue. Les élections locales voient la perte de Quito et de Guyaquil, bastion depuis une trentaine d’années du Parti Social-chrétien auquel appartient l’actuel président Guillermo Lasso. Cela marque le retour en force de la Révolution Citoyenne et des partisans de l’ancien président Rafael Correa, réfugié en Belgique dont il a obtenu l’asile politique, échappant aux poursuites le visant notamment pour corruption.
Jacinda Ardern, Premier Ministre en poste depuis 2017 (plus jeune Premier Ministre dans ce pays) a annoncé le 19 janvier sa démission de son poste pour le 7 février, avant la fin de son mandat, se disant incapable d’assumer correctement cette charge plus longtemps. Elle restera députée au Parlement (où elle siège depuis 2088) jusqu’aux prochaines élections législatives le 14 octobre 2023, mais ne se représentera pas. Elle a été remplacée le 25 janvier par le nouveau chef du parti travailliste Chris Hipkins (44 ans), qui a été précédemment ministre de l’Intérieur, de l’Education, puis ministre de la stratégie sanitaire pendant la pandémie.
Depuis le 1er février le centre-sud du Chili (280 km au sud de Santiago) est dévasté par de violents incendies, les plus forts depuis 2017. Le 9 février plus de 309 000 ha ont été ravagés. Les plantations d’arbres exotiques développées au détriment d’espèces endémiques pour des raisons de rentabilité contribuent à l’assèchement des cours d’eau et résistent moins bien aux températures élevées de ces derniers temps. La sécheresse dure depuis 13 ans et la température est actuellement au-dessus de 30°C avec un taux d’humidité inférieur à 30% et des vents supérieurs à 30km/h de quoi alimenter ces incendies qui ont déjà fait 24 morts.
Du 6 au 10 février, les USA et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont tenu des négociations à Honolulu concernant un accord de coopération et de défense ce qui permettrait entre autres d’améliorer les capacités de forces de défense de la PNG et la sécurité régionale.
La Chine poursuit son expansion vers le Pacifique sud avec des succès divers. A Fidji (alors que le régime de Pékin a été reconnu au lieu de celui de Taïwan dès 1975), le nouveau gouvernement installé en décembre 2022 a opéré « un revirement stratégique radical » en se retirant d’un accord de coopération policière pour se « rapprocher de systèmes démocratiques et policiers proches des nôtres » (Nouvelle Zélande et Australie, rapprochement avec l’Inde). Le 22 janvier, Kiribati a réintégré le Forum des îles du Pacifique quitté en juillet 2022, enceinte multilatérale dont Pékin n’est pas membre. Or Pékin essaye plutôt de développer des relations bilatérales où elle dispose de plus de poids. C’est sans doute ce qui explique ses efforts en direction des îles Salomon dont nous avons vu l’intérêt stratégique de premier plan (cf. article sur « la pénétration chinoise dans le Pacifique : l’exemple des Salomon, 30 avril 2022). Ainsi, le 7 février, le Premier ministre Daniel Suidani de Malaita (principale île des Salomon) a été renversé par une motion de censure de son Parlement. Son successeur Martin Fini a aussitôt autorisé les investissements chinois refusés jusqu’alors. C’est une nouvelle étape qui est ainsi franchie par Pékin depuis la rupture des Salomon avec Taïwan en septembre 2019. Financements et soft power sont donc utilisés par Pékin pour« acheter » les îles du Pacifique sud….
Le 10 février, un ballon-sonde chinois plus petit que celui qui a été abattu au large des côtes est américaines le 4 février, a été abattu au-dessus de l’Alaska sur ordre du Président Biden. Les débris recueillis dans les eaux territoriales donneront de nombreux détails sur les origines des ballons, les instruments à bord et leurs finalités….Il semblerait que depuis 2018, la Chine a envoyé une « vingtaine » de missions de ce type à travers le monde, dont la moitié dans l’espace aérien des Etats-Unis (Floride, Guam, Mariannes, Hawaï notamment). D’autres auraient été repérés en Amérique latine, en inde, au japon, à Taïwan, au Vietnam…, parfois interprétés comme des OVNI ! Ces ballons seraient envoyés à partir de bases chinoises situées à Hainan ou en Mongolie.
Le 11 février, Justin Trudeau, Premier ministre canadien a fait abattre un objet non identifié au -dessus du territoire du Yukon (territoire du nord-ouest canadien, frontalier de l’Alaska américain).
Après sa première apparition en novembre 2022 pour une inspection de missiles Hwasong avec son père, Ju Ae est à nouveau à « la une » avec l’émission d’un timbre à son effigie sur le pas de tir d’un ICBM le 12 février 2023. Quelle interprétation donner ? Serait-elle l’héritière à venir ? ou seulement une manière de protéger le véritable héritier, l’un des deux fils de Kim Jong-Un ? Les observateurs font référence aux traditions et à la désignation (discrète) en 2009 de Kim Jong-un … pour éviter toute rivalité avec son demi-frère Kim Jong-nam ensuite assassiné en Malaisie. Et il semblerait que « la monarchie stalinienne bâtie par Kim Il-sung s’inscrit dans la lignée des monarchies royales ayant régné sur la Corée, et dominée par des héritiers masculins » selon le journaliste Sébastien Faletti.
Le 13 février débute à Hong Kong pour 90 jours le procès de 47 personnes accusées « d’avoir voulu renverser le gouvernement exécutif ».
Nouvelle atteinte à la liberté de la presse au Cambodge : le 13 février, le média en ligne Voice of Democracy (VOD) s’est vu retirer sa licence de diffusion sur ordre de Hun Sen après un article mettant en cause son fils Hun Manet. Cette radio créée en 2002 a été transformée en journal en ligne en 2017 s’efforçant d’effectuer des reportages, en anglais et en Khmer, de manière objective sur des sujets sensibles (corruption, problèmes d’environnement …). La liberté d’expression de la presse est de plus en plus limitée : selon Reporters sans frontières est passé du 128ème rang en 2016 au 144 ème en 2021 sur 180 dans le monde. Ceci est sans doute en lien avec les élections législatives qui se dérouleront dans 5 mois et pour lesquelles Hun Sen (au pouvoir depuis 1984) veut assurer son avenir et celui de son fils ….
Le 13 février, ont débuté au large du Kenya les manœuvres navales occidentales« Justified Accord » avec les Etats-Unis et une vingtaine d’Etats dont Djibouti et l’Ouganda.
L’Australie annonce le 13 février un tournant dans sa politique migratoire appliquée depuis septembre 2013 (cf. notre article sur ce site, dans les actualités mensuelles, en date du 7 février 2023). Les immigrés pourront désormais s’installer durablement, puis demander la nationalité australienne. Les 19 000 réfugiés actuellement dans des centres de rétention off-shore en Papouasie-Nouvelle-Guinée dans les îles Nauru et Manus, sont ainsi autorisés à envisager un avenir moins précaire.
Le Président iranien Ebrahim Raïssi est à Pékin du 14 au 16 février. C’est sa 2ème rencontre avec Xi Jinping après le sommet de l’OCS en Ouzbékistan en septembre 2022 afin de renforcer la coopération entre les 2 pays du point de vue des questions économiques et internationales, l’accord de coopération stratégique entre les deux Etats signé en mars 2021 n’ayant pour l’instant pas débouché sur des résultats visibles. Depuis le 1er voyage de Xi Jinping au Moyen-Orient en 2016, la Chine a accru son rôle d’acteur majeur dans la région. Les relations entre l’Iran et la Chine ne sont pas « idylliques » depuis la visite de Xi Jinping à Ryad en décembre 2022.
Du 17 au 27 février, la Russie va envoyer une frégate de la flotte du nord, (la frégate Admiral Gorschkov) actuellement basée à Tartous (Syrie) rejoindre des bâtiments chinois et sud-africains pour une semaine d’exercices navals conjoints, dans le cadre de l’exercice « Mosi » (= fumée en swahili !) au large de Durban. A noter que l’Afrique du sud, comme les autres BRICS (Brésil, Inde, Chine) se sont abstenus de condamner Moscou, mais ne l’ont pas non plus soutenue à l’ONU sur la question ukrainienne. A son retour de sa tournée en Afrique (la 2ème depuis janvier 2023, la 3ème en six mois), M. Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires étrangères, a seulement précisé que la Russie souhaitait seulement « renforcer ses relations de bon voisinage avec la majorité des pays de la communauté internationale ». Et selon la ministre des affaires étrangères sud-africaine, Mme Naledi Pandor, « tous les pays effectuent des exercices militaires avec leurs amis ». Cela permet à la Russie de compter ses amis, mais aussi d’inquiéter l’Occident.
Michael Chase, sous-secrétaire adjoint américain à la Défense pour la Chine, est le 17 février en Mongolie et pourrait se rendre dans la foulée à Taipei. Il serait dans ce cas le plus haut responsable du Pentagone à se rendre à Taiwan sur fond de tension avec la Chine. On se souvient des suites de la visite de Nancy Pelosi.
Le 17 février a été inauguré à Hong Kong ( !) le bureau de l’Organisation internationale de la Médiation », nouvelle » plateforme pour la résolution pacifique des différents internationaux », avec, semble-t-il, la participation (en présentiel ou en ligne, la participation de l’Indonésie, du Pakistan, du Laos, du Cambodge, de la Serbie, de la Biélorussie, du Soudan, de l’Algérie, et de Djibouti !!!!
Le 18 et 19 février une délégation de Shanghai a été reçue à Taipei par le maire de la capitale, Chiang Wan-an, membre du parti KMT alors qu’Andrew Hsia, Vice- président du KMT avait effectué un séjour de 9 jours (8-17 février) en Chine continentale. Le KMT, plutôt populaire dans les milieux d’affaires et chez les personnes âgées, est plus favorable au maintien de relations avec la « Grande Chine », contrairement au parti DPP actuellement au gouvernement avec Mme Tsai Ing-Wen, plus sensible aux principes libéraux, voire à l’indépendance de Taïwan. Mme Tsai Ing-Wen en fin de 2ème mandat, ne peut se représenter lors des prochaines élections présidentielles de janvier 2024.
Erkin Tuni Yaz, Gouverneur du Xinjiang, doit se rendre à Londres le 19 février pour une rencontre avec le Foreign Office, puis à Bruxelles le 21 février pour des RV auprès de la Commission européenne, à la demande des autorités diplomatiques chinoises. Après avoir eu des responsabilités croissantes dans la province depuis 15 ans, il est impliqué dans la mise en place des « centres de déradicalisation » et dans la répression des Ouighours ; d’où les sanctions pour violation des droits humains en décembre 2021 prises par les Etats-Unis et les demandes d’arrestation de la part d’ONG de défense des droits humains. Ce déplacement sera-t-il confirmé ? Les autorités politiques occidentales réagiront-elles ?
Les ministres des Affaires étrangères américain et chinois, Anthony Blinken et Wang Yi ont eu une entrevue le 19 février lors de la conférence sur la Sécurité en Europe à Munich. Les Etats-Unis ont mis en garde la Chine sur les « conséquences d’un éventuel soutien matériel » chinois par l’envoi d’armes à la Russie, alors qu’elle s’apprête à « renouveler son partenariat sans limites » avec la Russie conclu lors des JO de Pékin au début de février 2022. Certes la Chine ne veut pas prendre le risque de subir des sanctions occidentales comme la Russie, qui pourraient mettre à mal son commerce avec l’Occident et ses alliés. A contrario, ces sanctions n’ont-elles pas provoqué un rapprochement des industries de défense des deux Etats ?
Le 21 février était organisée la journée annuelle de discussions sur la sécurité entre Taïwan et les Etats-Unis à l’American Institute in Taïwan (AIT) avec le Ministre des Affaires étrangères Joseph Wu et le Secrétaire général du Conseil de sécurité nationale Wellington Koo côté Taiwanais et la Sous-secrétaire d’Etat Wendy Sherman et le Conseiller adjoint à la Sécurité nationale John Finer . Cette journée se tiendrait chaque année depuis 25 ans, mais a été annoncée officiellement cette année pour la 1ère fois. Le siège de l’AIT est à Washington, mais l’AIT a 2 bureaux à Taïwan et fait office d’ambassade, de la même manière que le Bureau français de Taipei puisqu’il n’y a pas de relations diplomatiques officielles entre ces Etats.
Le 21 février, a été publiée « l’Initiative pour la Sécurité Mondiale (GSI) » : ce texte de 10 pages vise à « éliminer les causes des conflits mondiaux à leur racine et à améliorer la gouvernance de la sécurité mondiale ».
Le sommet du G20 se tient à Bangalore du 23 au 25 février. Les pays en développement sont très affectés par les conséquences de la guerre en Ukraine. Mais le manque d’accord entre les pays industrialisés et la Chine qui sont leurs premiers créanciers, pose problème, notamment sur le rôle des banques multilatérales de développement dans le financement dans la lutte contre le changement climatique. La prochaine réunion est prévue à Paris en juin prochain.
La Résolution sur le retrait des troupes russes d’Ukraine présentée le 24 février à l’Assemblée générale des Nations-Unies montre qu’un an après le début du conflit, les positions ont peu varié (cf. notre article en date d2mars 2022) :
Le 24 février, soit un an jour pour après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Chine veut s’imposer comme médiateur incontournable en proposant un plan de paix en 12 points pour mettre fin à cette guerre, sans avoir néanmoins au préalable consulté la partie ukrainienne. Le premier point est le respect de l’intégrité territoriale et aussitôt Moscou insiste sur la reconnaissance des quatre régions annexées. Ce premier point est donc très flou, mais semble présager une posture vis-à-vis de Taiwan. Par ailleurs, Pékin récuse tout recours à l’arme nucléaire et insiste sur « la nécessité de ne pas bombarder les populations civiles, de ne pas faire usage de l’arme nucléaire et d’instaurer des pourparlers », mais le terme « plan de paix » n’était pas dans le texte … De son côté, en réponse à cette annonce, le Président Zelenski s’est dit prêt à « avoir une rencontre avec Xi Jinping ».. Dans le même temps, à l’ONU, Pékin tout à son désir de paix et de respect de la souveraineté territoriale, lors d’une résolution concernant le retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine, s’est abstenu tout comme l’Inde. Les visites diplomatiques à Pékin se multiplient avec le Président Loukachenko attendu le 28 février à Pékin et le Président Macron pour la 1ère semaine d’avril. La Chine chercherait-elle à jouer un rôle dans une issue au conflit, trouvant ainsi une place sur la scène internationale qui masquerait ses difficultés intérieures ?
Le 24 février, la Chine a publié une proposition de « règlement politique de la crise ukrainienne », qui a été diversement appréciée par la communauté internationale. Le Directeur adjoint de l’Institut des relations internationales de Shanghai a précisé que si « la Chine est en faveur de la paix, il y a une différence importante entre la Russie et la Chine : la Russie veut détruire le système international actuel pour en bâtir un nouveau, alors que la Chine veut transformer le système actuel en y occupant une place plus importante ».
Le sommet du G 20 de Delhi s’est terminé le 25 février à Delhi sans avoir débouché sur un communiqué commun en raison de l’opposition russe et chinoise. Aucun accord n’a pu être trouvé sur aucun sujet (réforme des banques multilatérales, réduction de la pauvreté, aide au développement pour les pays les plus endettés, réchauffement climatique, aide du FMI à l’Ukraine) malgré les 18 Etats qui avaient donné leur visa au projet de texte. Le motif invoqué par la Chine et la Russie est qu’il s’agissait d’une « réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales » et donc qu’ils devaient « traiter uniquement de questions économiques et financières et non de géopolitique »… Or le texte final élaboré par la présidence indienne mentionnait le mot « guerre » à propos de la situation en Ukraine. Pour le Premier ministre indien, le multilatéralisme est « en crise ». Par ailleurs, un bref échange a eu lieu entre Anthony Blinken et Sergueï Lavrov pour évoquer la suspension par Moscou du traité sur le désarmement nucléaire et sur l’accord des exportations de céréales ukrainiennes expirant le 18 mars prochain.
Le 25 février, Miao Boya, membre du Conseil municipal de Taipei, a rappelé, lors de la commémoration de l’attaque russe sur l’Ukraine que les Ukrainiens ne se battent « pas seulement pour leur liberté, pour leur démocratie, mais pour celle du monde entier ».
Selon des sources américaines rapportées par le Wall Street Journal du 26 février (Ministère de l’énergie américain, Direction nationale du renseignement), la pandémie a été « très probablement » causée par une fuite accidentelle d’un laboratoire de Wuhan, contrairement à un rapport de 2021 qui était « incertain » sur les origines du Covid, mais confortant ainsi le rapport du FBI en 2021. La Chine, par la voix du porte-parole du Ministère des affaires étrangères, Mao Nong, s’en tient au rapport des experts de Chine et de l’OMS (9 février 2021) qui concluait que « l’option d’une fuite de laboratoire était hautement improbable» en dépit de la déclaration du Directeur général de l’OMS assurant cependant que « toutes les hypothèses restaient sur la table ».
La 7ème réunion plénière du Comité central du Parti du travail de la Corée du nord au pouvoir qui a débuté le 26 février, est consacrée spécialement à l’urgence alimentaire. Des sources sud-coréennes mentionnaient la réduction des rations alimentaires des soldats. Les productions agricoles n’ont pas été bonnes, notamment du fait de la sécheresse du printemps. Or Kim Jong-Un ne peut poursuivre son programme nucléaire sans un soutien de son opinion publique, et donc avec une solution du problème alimentaire.
La 42e édition de Cobra Gold se déroule du 27 février au 10 mars en Thaïlande. Ces exercices terrestres, aériens et maritimes réunissent des militaires de Thaïlande, des Etats-Unis, de Singapour, d’Indonésie, de Malaisie, de Corée du Sud et du Japon.
Le 27 février s’est ouvert le procès en appel (après 5 reports et de multiples péripéties…) d’Oscar Temaru, leader indépendantiste de Polynésie française et maire de Faaa depuis 40 ans, accusé de « prise illégale d’intérêts ». Un déroulement serein de ce procès est-il assuré dans le contexte des élections territoriales qui vont se dérouler les 16 et 30 avril prochains ?
Le 28 février, commémoration du massacre du 28 février 1947 par le Kuomintang de ceux qui « réclamaient des droits et des libertés, et non l’indépendance ». C’est une commémoration à laquelle les Taïwanais sont très attachés, même si aujourd’hui la distinction entre Taïwanais de souche et continentaux est moins évidente. Pour mémoire, Taïwan fut régie par la loi martiale jusqu’en 1987, date du début de la démocratisation.
Au lendemain de la crise sanitaire de deux ans, liée à la pandémie du Covid, l’Australie manque de main d’œuvre pour faire redémarrer à plein son économie et revoit encore une fois sa politique d’immigration. L’île-continent, du fait de sa faible population[1], et de son vieillissement, a toujours rencontré des difficultés pour exploiter ses immenses ressources. Mais, dans un environnement asiatique, elle a toujours voulu conserver la maîtrise de sa spécificité sociale, culturelle et politique d’origine européenne. D’où une politique d’immigration pensée et réfléchie qui a évolué depuis la fin du XIXème siècle.
Les lois de 1865, 1885 et 1901 visent avant tout à protéger l’Australie d’une immigration non blanche. En 1945, 90% de la population australienne est d’ascendance britannique ou irlandaise.
Mais au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, l’alternative « peupler ou périr » conduit progressivement à revoir les stricts critères d’entrée qui sont alors : avoir moins de 45 ans, être en bonne santé et avoir des racines européennes pour être admis dans une Australie globalement « blanche » jusque dans les années 60.
A cette époque, c’est l’Europe du sud (Grèce, Italie…), relativement pauvre qui envoie une population apportant en Australie ses qualifications professionnelles (pécheurs, cultivateurs) et ses traditions, notamment culinaires et diversifiant ainsi la culture australienne d’alors, majoritairement britanno-irlandaise. Ces populations ont su profiter des opportunités d’éducation pour leurs enfants qui se sont intégrés rapidement dans le « socle » australien.
A la fin des années 1970, l’Australie voit affluer sur ses côtes à Darwin les premiers « boat people » vietnamiens à la suite de la fin de la guerre du Vietnam. Puis le gouvernement australien a envoyé des émissaires officiels pour sélectionner les réfugiés dans les camps leur octroyant un visa. Ainsi jusqu’en 1983, l’Australie accueille annuellement environ 15 000 Vietnamiens.[2]
Les années 80-90 voient une rupture. En opposition avec la politique « One Australia » du libéral John Howard qui consistait à rejeter le multiculturalisme et à s’opposer à l’immigration asiatique, il n’y a plus de distinction selon la race et la provenance géographique. Si le Commonwealth[3] reste une des sources de l’immigration en Australie, les quotas d’autrefois sont remplacés par des critères basés sur les compétences, les qualifications et l’apport en capitaux. Ainsi le « ticket d’entrée » est-il trois fois plus élevé qu’en Nouvelle Zélande, deux fois plus élevé qu’au Canada.
En 1992, seulement 60% de la population est d’ascendance britannique ou irlandaise avec une augmentation sensible des immigrants venu d’Europe du Sud et surtout d’Asie et du Moyen-Orient.
M. Stephen FitzGerald[4] peut être considéré comme l’architecte principal de l’’évolution de la politique australienne d’immigration. Il a en effet présidé en 1988 la Commission des politiques australiennes d’immigration qui publia ses travaux dans un rapport connu comme le rapport FitzGerald.
A partir de cette époque, les Asiatiques sont ainsi en nette progression, avec notamment la diaspora chinoise voulant quitter la Malaisie ou l’Indonésie du fait des tensions raciales dans ces Etats. La perspective du changement de statut de Hong Kong suscite aussi un regain d’intérêt pour l’Australie.
En 1991, Hong Kong est la 8ème source d’investissement étranger en Australie et environ 300 sociétés australiennes sont présentes à Hong Kong. Taïwan est son 6ème marché d’exportation. Mais l’Australie s’efforce maintenir de bonnes relations avec les trois entités chinoises, la question de la réunification devant être considérée de son point de vue comme relevant uniquement des affaires intérieures chinoises.
L’Australie met alors en place une politique d’immigration plus ouverte et plus équilibrée, mais qui est remise en cause par la crise économique de 1993 : le nombre annuel d’immigrants est limité à 70 000 personnes, contre 110 000 les années précédentes.
Aujourd’hui, un tiers de la population australienne est née à l’étranger. L’Australie fait une distinction nette entre sa politique d’immigration et sa politique à l’égard des réfugiés.
Depuis 2013, la politique migratoire de l’Australie est une des plus restrictives au monde, elle refuse tout réfugié arrivant par bateau. Des accords ont été passés avec Nauru et la Papouasie-Nouvelle Guinée afin de maintenir les réfugiés dans des camps off-shore dans ces deux pays avec une « aide au développement » versée à ces deux Etats par Canberra. Cette politique établie par le Premier Ministre travailliste Kevin Rudd, a été poursuivie par la suite.
La crise sanitaire des années 2020 a conduit l’Australie à fermer ses frontières de manière stricte jusqu’au 21 février 2022 dans le cadre d’une politique « Zéro Covid »[5]. Ceci a entraîné une grave pénurie de main d’œuvre. Si le taux de chômage était en juillet 2022 de 3,4% (taux inégalé depuis la fin des années 40), plus de 480 000 postes de travail étaient encore vacants, soit deux fois plus qu’avant la pandémie.
La pénurie de main d’œuvre est très nette dans l’ensemble de l’économie et particulièrement dans le secteur minier avec 10 600 emplois non pourvus. Ce qui entraîne des conséquences sur les productions. Par exemple la production d’or a diminué de 22% en octobre 2022, ce qui conduit à réviser à la baisse de 8% la production à venir et à reporter plusieurs projets. Selon la Directrice des opérations de l’Australia Resource s& Energy Employer Association (AREEA), l’Australie manque d’ingénieurs, de géologues, de foreurs, de conducteurs d’engins de terrassements. Dans le secteur charbon, or, gaz, minerais et métaux rares, on devrait recruter 24 000 personnes de plus qu’avant la crise dans les 5 ans à venir. Malgré des salaires attractifs, les jeunes Australiens manifestent peu d’intérêt pour ces secteurs en raison de leur sensibilité aux questions écologiques : réchauffement climatique, destruction de sites archéologiques aborigènes …
Une autre façon de pallier le manque de la main d’œuvre se trouve dans les emplois « offerts » aux jeunes étrangers, les « backpackers », notamment dans le secteur agricole, leur permettant d’obtenir un visa, et venant s’ajouter à la main d’œuvre d’origine océanienne, pour laquelle sont octroyés des visas en fonctions des besoins.
D’où la décision du Gouvernement d’accroître les quotas d’immigration qualifiée de 20 à 25% pour 2023, soit accueillir environ 200 000 étrangers par an avec une reconnaissance des compétences et diplômes acquis à l’étranger[6]. Mais il ne s’agit en aucun cas de régulariser des étrangers en situation illégale.
Aujourd’hui 70% des visas sont délivrés pour une immigration qualifiée : il faut maîtriser l’anglais (mais les exigences de niveau ont été revues à la baisse pour les professions les plus en tension), avoir des qualifications et diplômes cohérents avec une liste de « métiers en tension », liste mise à jour régulièrement par le Gouvernement fédéral, mais que chaque Etat peut compléter en fonction de ses besoins propres. Aujourd’hui la liste comprend 286 rubriques dans tous les secteurs.
Hélène Mazeran
[1]Environ 25 millions d’habitants sur un territoire 14 fois plus grand que la France.
[2] https://digital-classroom.nma.gov.au/defining-moments/first-arrival-vietnamese-refugees-boat
[3]Des communautés seychelloises et mauriciennes se sont installées après les indépendances et étaient relativement importantes par rapport aux dimensions nationales de ces Etats (environ 6000 Seychellois dans les années 90). L’Australie a aussi été une position de repli pour des Blancs d’origine anglo-saxonne de l’Afrique du sud postapartheid.
[4]Cf l’entretien avec Frances Cowell publié sur ce site le 14 septembre 2022 sur le thème « Apprendre à connaître ses voisins »
[5]Nous n’évoquerons pas ici les heurts consécutifs à cette crise, qui ont opposé l’Australie et la Chine.
[6]Aujourd’hui en l’absence de reconnaissance, les étrangers doivent reprendre leurs études en Australie.
Le Ministre australien du Commerce et du Tourisme, Don Farrell, a entamé début décembre une visite de deux semaines en Europe et au Royaume Uni. Il la débute à Paris et en Alsace avec son homologue Olivier Becht. Il se rendra ensuite à Bruxelles, Berlin et Londres. Après la rencontre Macron-Albanese au sommet du G20 à Bali, l’objectif est de renouer une relation bilatérale apaisée, et également de conclure un accord de libre-échange avec l’UE (négociations entamées depuis 2018). « Nous cherchons à la fois des partenaires pour investir dans les mines et des clients » (Don Farrell). La question du contrat des sous-marins toujours en suspens a-t-elle été évoquée ???
Annulée en octobre 2020 en raison des conditions de censure et de « réécriture d’un nouveau récit national » imposées par le gouvernement chinois (cf article paru sur le site de l’IP le 18 novembre 2020 : « Gengis Khan objet de scandale diplomatique au Musée de Nantes »), le 2 décembre on apprend par voie de presse que l’exposition« Gengis Khan, le grand échange mongol » se tiendra en Octobre 2023 avec la participation du Musée d’Oulan-Bator, d’institutions américaines et européennes et du musée de Taïwan.
Le 6 décembre, Joe Biden s’est rendu à Phoenix sur le site en construction de TSMC qui porte ses investissements aux Etats-Unis de 12 à 40 milliards 4US$. TSMC va construire 2 usines en Arizona et créer 4500 emplois pour fabriquer des composants électroniques de dernière génération. Pour Taïpeh, c’est une « assurance » contre la Chine continentale ; pour les USA, c’est la garantie de ne pas dépendre uniquement d’usines installées à des milliers de kms.
Le 7 décembre, le gouvernement de Pékin a annoncé un allègement spectaculaire de sa politique « Zéro Covid » après les manifestations massives de milliers de Chinois dans tout le pays (au moins 18 villes concernées) qui se traduisaient par une remise en cause de la stratégie gouvernementale, voire un appel à la démission de Xi Jinping et du PCC. Le virus est subitement devenu moins dangereux… et tests et confinements sont allégés, les voyages inter-provinces sont possibles. Cela suffira-t-il à permettre une remontée de l’économie, et des importations et exportations tombées au niveau le plus bas depuis le début de 2020.
Après 17 mois d’un mandat présidentiel tumultueux, le Congrès destitue le 7 décembre, par 101 voix sur 130, Pedro Castillo qui est arrêté dans la foulée pour « avoir tenté un coup d’état ». Dina Boluarte, avocate de 60 ans et vice-présidente, lui succède devenant ainsi la première femme chef d’état du Pérou et ce – normalement – jusqu’au 26 juillet 2026, date des prochaines élections. Elle fait appel au dialogue dans un Congrès divisé et veut lutter contre la corruption tout en représentant les populations marginalisées et vulnérables.
Les manifestations d’une ampleur inédite dans une dizaine de villes depuis plusieurs semaines traduit au-delà d’un « véritable rejet du modèle de société chinois chez les jeunes » (à rapprocher du mouvement « Rester couché » (Tang Ping) déjà observé l’an dernier), un ras-le-bol de toutes les générations qui a été sous-estimé par les polices locales. A Shanghai, il y aurait eu, lors du premier confinement de 2 mois, plus de décès consécutif à un suicide qu’au Covid-19. Les revenus des Chinois sont à 40% du PIB contre 40 à 70% dans les pays développés. « La société en Chine est aujourd’hui une sorte de cocotte-minute prête à déborder » (Emmanuel Veron)….
Le 9 décembre, les bourses chinoises se sont redressées après l’annonce du relâchement de la politique sanitaire en Chine populaire. L’indice Hang Seng de la bourse de Hong Kong a bondi de 33% par rapport au début de novembre, le CSI de Shanghai et de Shenzhen a repris 12%.
Signé le 9 décembre à Bruxelles entre Josep Borrell (Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères) et Antonia Urrejola (Ministre chilienne des Affaires étrangères), l’Accord commercial UE – Chili vise à sécuriser les approvisionnements stratégiques de l’Europe, notamment en lithium (le Chili fournit actuellement 40% de l’approvisionnement mondial). Il modernise ainsi le texte signé il y a 20 ans. Il porte sur l’intensification des relations commerciales et la diversification des approvisionnements en matières premières, dont le lithium actuellement tellement recherché et dont les pays andins notamment sont producteurs. Cet accord est le deuxième de cette génération après celui signé avec la Nouvelle Zélande en juin dernier. La commission est en train de finaliser un accord similaire avec le Mexique. Le texte cependant n’entrera en vigueur qu’après l’examen par les Etats-membres et le Parlement européen, puis la validation par les Parlements des 27 Etats membres. A noter cependant que cet accord politique (qui comporte d’autres volets, notamment agricoles), doit être confirmé juridiquement après la ratification des 27 parlements nationaux.
Pour la première fois depuis 2016, Xi Jinping entame une visite de 3 jours (9-11 décembre) en Arabie saoudite en présence des voisins du Golfe, de l’Egypte, de l’Irak et de la Tunisie. A noter que si l’Arabie saoudite est le premier producteur mondial de pétrole, la Chine en est le premier consommateur. Mohammed Ben Salman a assuré que « les pays du Golfe resteraient des fournisseurs sûrs et crédibles d’énergie ». Une quarantaine d’accords bilatéraux ont été signés dans différents domaines (hydrogène, logement, transport…). Depuis 2020, la Chine est le premier partenaire commercial des six pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), supplantant dans certains secteurs les Européens ou les Américains, notamment dans le domaine de l’armement et des technologies.
Le premier avion de ligne « made in China », le C 919 a été livré le 9 décembre à China Eastern. Le vol inaugural devrait avoir lieu au début de 2023. Moyen-courrier de 164 passagers, il est considéré comme la copie asiatique de l’A320néo et du 737 Max. Lancé en 2017, le programme a pris du retard, a été certifié en septembre 2022 par les seules autorités chinoise et donc ne peut voler ni en Europe, ni aux Etats-Unis. La commercialisation assurée par la société d’Etat CCAC, avec 800 contrats devraient réduite la dépendance chinoise à Airbus, même si une nouvelle commande portant sur 292 A320neo a été passée auprès de Airbus en juillet 2022 par la Chine.
Le 9 décembre, un communiqué commun des gouvernements britannique, italien et japonais annonce la production en commun pour 2035 d’un chasseur « nouvelle génération » par les industriels des 3 pays : BAE Systems, Leonardo et Mitsubishi Heavy Industry dans le cadre du programme Global Combat Air Programme (GCAP). Cet appareil fera suite aux F 15 américains et à l’Eurofighter européen. C’est une situation nouvelle avec un partenariat inédit avec les Japonais (qui étaient une chasse-gardée américaine quasi exclusive depuis 1945) et sans les Allemands. Profitant de leur implication dans l’AUKUS, les Britanniques ont aussi fait accoster au Japon pour la 1ère fois leur porte-avion HMS Elizabeth en septembre dernier, symbolisant ainsi la coopération en matière de sécurité et de défense entre les deux Etats avec le soutien.
La Chine est accusée par l’Inde de tenter de « changer unilatéralement le statu quo » sur la frontière himalayenne après des affrontements durant la semaine du 5 au 10 décembre. Les Chinois accusent des soldats indiens d’avoir franchi illégalement la frontière.
7 des 20 premières places financières mondiales se trouvent le 10 décembre dans la région Asie : Chine (4), Japon, Corée du sud et Singapour. Profitant des conséquences de la crise sanitaire, Singapour accède pour la première fois à la troisième place devant Hong Kong et n’hésite pas à durcir les conditions de résidence des étrangers. Si parmi les 119 places financières mondiales, treize sont chinoises, l’avenir de Hong Kong suscite des interrogations malgré ses atouts. Tokyo, le 8 décembre, désormais à la 13ème place derrière Séoul essaye aussi d’enrayer sa chute.
Après avoir imposé de nouvelles interdictions d’importation de produits alimentaires, la Chine a le 12 décembre de nouveau violé la zone de défense aérienne de Taiwan avec 21 avions dont 18 bombardiers H-6. Serait-ce aussi une façon pour Xi Jinping de faire oublier sa désastreuse politique du zéro Covid et de rallier les nationalistes à sa cause ?
La Chine lance le 12 décembre une procédure contre les Etats-Unis devant l’OMC au sujet des restrictions d’exportations de puces. Pour la Chine, il s’agit d’un obstacle au commerce international de marchandises ; pour les Américains, il s’agit d’une question de sécurité nationale, hors du champ de compétences de l’OMC. Il sera intéressant de suivre l’évolution de ce contentieux, dans une organisation internationale du système onusien largement « infiltrée » par les Chinois (CF l’article paru sur le site de l’Institut du Pacifique le 20 novembre 2019
Un accord est conclu le 13 décembre entre le consortium japonais Rapidus formé de huit industriels locaux (dont Toyota et Sony) et de l’Américain IBM pour produire en masse au Japon des semi-conducteurs d’une taille de 2 nanomètres. Le Japon, premier producteur de semi-conducteurs à la fin des années 80, a perdu peu à peu cette place prépondérante. Aujourd’hui sa production représente 17% de la production mondiale, même si avec le concours de TSMC (Taïwan), il maitrise la production de puces de 40 nanomètres et s’appète à celle de 20 nanomètres aux applications multiples (médical, espace, transport…). Dans ce domaine, la Corée du sud et Taïwan, capables de produire des puces de 3 nanomètres sont leaders. La production de puces est désormais un enjeu de sécurité économique. La Chine continentale produit aujourd’hui environ 15% des puces mondiales, mais de qualité moyenne. Dans le cas d’une tentative de prise de contrôle de Taïwan avec blocus de l’île, c’est l’ensemble des chaînes de production du monde qui seraient bloquées.
Les résultats définitifs des élections législatives organisées le 13 décembre à Fidji tardent à être connus. Le Chef de l’opposition, ex-chef du gouvernement, le Général Sittveni Rabuka serait favori devant le Premier Ministre sortant, Frank Bainimarama à qui il reproche son rapprochement avec la Chine. Mais le général (à l’origine d’un putsch contre le gouvernement élu, puis contre l’exécutif en 1987) a été convoqué le 16 décembre par la police après avoir demandé l’arrêt du processus électoral en raison d’anomalies dans le décompte des voies, et l’intervention de l’armée.
Des dirigeants de l’Union européenne et de l’ASEAN se rencontrent à Bruxelles le 14 décembre pour fête le 45e anniversaire de leurs relations qu’ils veulent renforcer par une coopération en faveur du commerce et du multilatéralisme. Les pays membres de l’ASEAN, cherchent un contrepoids à l’influence de la Chine dans la région, et notamment dans la Mer de Chine méridionale : ils cherchent aussi à échapper à la rivalité sino-américaine. Les Etats européens, de leur côté, sont désireux de renforcer leurs liens avec des Etats riches en ressources naturelles (gaz naturel, métaux rares …), même si leurs échanges sont déjà importants : en 2021, l’UE et l’ASEAN étaient le troisième partenaire commercial l’un de l’autre. Leur relation, avec le financement du Global Gateway, se voudrait un concurrent du projet BRI chinois. La question politique liée à la guerre russo-ukrainienne a rendu difficile la rédaction de la déclaration conjointe qui a finalement mentionné que « la plupart des membres » condamnent la guerre en raison de « différentes évaluations de la situation et des sanctions ».
La politique de dépistage systématique du COVID, puis le traçage des déplacements le 13 décembre, sont est abandonnés en Chine à la suite des manifestations générées par les confinements à répétition et les tests multiples (parfois incohérents !). Cependant l’explosion des cas de COVID, même s’ils sont difficilement vérifiables, conduit la population à se terrer par crainte de la contagion. Le 15 décembre la revue The Beijinger faisait état d’un sondage auprès d’expatriés selon lequel 9% avait contracté le COVID avant le 1er décembre, et 58% depuis cette date. Le 17 décembre, toutes les écoles de Shanghai ont décidé de passer en distanciel sauf les classes à examen.
Les menaces perçues au Japon du fait de la Chine, mais aussi de la Corée du nord et de la Russie, ont conduit le Japon à revoir une nouvelle fois sa doctrine militaire. Il a été décidé le 16 décembre de doubler le budget militaire du pays d’ici à 2027, passant de 1% à 2% du PIB. Cette décision s’accompagne d’achats d’armement (500 Tomahawk américains, missiles de longue portée SM-6, développement d’un futur avion de combat avec les Britanniques et les Italiens) et surtout d’un renforcement de leurs forces sur les îles les plus proches de Taïwan et d’une augmentation des troupes américaines stationnées à Okinawa de 2000 à 3000 soldats.
En réaction au budget militaire nippon et après avoir testé avec succès le 16 décembre un moteur à combustible solide de forte poussée, la Corée du nord a procédé le 18 décembre au tir de deux missiles balistiques de moyenne portée en direction de la mer du Japon. Etaient-ils équipés de ce carburant solide ?
Du 7 au 19 décembre se tenait à Montréal la COP15, 15ème conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique sous la présidence chinoise de Huang Runqu, ministre de l’environnement en présence des représentants de plus de 190 Etats. L’accord de Kunming-Montréal signé en dernière minute est un compromis qui vise notamment à préserver 30% de la biodiversité des terres et des mers au niveau global (c’est à peu près l’équivalent de l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique). Aujourd’hui, environ 17% des terres et 8 % des mers seulement sont protégées.
Anwar Ibrahim, nouveau Premier ministre a obtenu le 19 décembre un vote de confiance au Parlement. Ce « revenant » en politique, âgé de 75 ans, ancien ministre des finances de Mahatir Mohamad dans les années 90, se présente comme le meilleur rempart face au parti islamiste (PAS), alors qu’il est à l’origine de « l’islamisation » de la société malaisienne dans les années 80. Alors que le PAS progresse rapidement, que la communauté chinoise s’inquiète et cherche à quitter le pays (de 38% de la population en 1947, elle est passée aujourd’hui à 22%), les dynasties royales se mobilisent dans un pays qui n’est plus entre les mains de la coalition conservatrice de l’UNMO comme ce fut le cas de 1957 à 2018.
Du 21 au 27 décembre, la Chine et la Russie conduisent des manœuvres navales conjointes en Mer de Chine orientale avec « plusieurs » navires de guerre russes. Sont prévus des tirs de missiles et d’artillerie ainsi que des exercices de lutte anti-sous-marine. Ces opérations suivent les annonces de manœuvres aériennes sino-russes en Mer de Chine orientale et en Mer du Japon en novembre dernier.
Les Fidji ont un nouveau premier ministre après les 16 ans de règne de Frank Bainimarama. Lors d’un vote secret le 24 décembre, le parlement a confirmé par 28 voix contre 27 Sitiveni Rabuka au poste de Premier ministre, la Chine perdant ainsi un de ses soutiens en Océanie puisque le nouveau promu reviendrait vers les alliances traditionnelles avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Mis d’aucuns craignent un coup d’état rampant …
Un pas de plus dans les bras de la Chine ? Lors d’une visioconférence le 30 décembre, Vladimir Poutine a dit à son homologue chinois vouloir renforcer la coopération entre les forces armées des deux pays pour contribuer à leur sécurité … Etonnant quand la Russie sous ce prétexte attaque un de ses voisins et souhaite l’exterminer comme V. Poutine a déjà su le faire notamment pour la Tchétchénie et la Syrie. Serait-ce aussi un moyen de renforcer, voire rééquiper son armée qui a beaucoup de soucis sur le terrain ? Drôle d’hymne antioccidental quand nombre de Russes (et de Chinois) font leurs études, leurs emplettes en Occident en dehors de ceux qui fuient leur terre natale.
A quoi bon masquer la réalité de la mortalité suite au Covid-19 ? Pour ne pas avoir à le faire, la Chine annonce le 30 décembre qu’elle va le « reclassifier » le 8 janvier en maladie infectieuse de catégorie B… Elle va donc rouvrir ses frontières puisque le risque se trouve ainsi « réduit » et de s’insurger contre les pays qui veulent rétablir les tests à leurs frontières. Au fait, comment s’est transmise la pandémie dans le monde ?
Alors que le Conseil de sécurité de l’Onu dans une résolution inédite vient de demander la libération immédiate d’Aung San Suu Kyi, la junte militaire par le truchement d’un « procès » ( ?) qui s’est étalé sur 18 mois, vient de la condamner le 30 décembre à 7 ans supplémentaires d’incarcération, ce qui fait 33 ans au total. Inutile de rappeler ce qui lui est reproché si ce n’est de vouloir faire du Myanmar un état démocratique, tous les arguments étant bons pour la faire taire.
Les relations du Canada avec la Chine se sont détériorées lors de l’arrestation le 1er décembre 2018 de Meng Wangzhou, directrice financière de Huawei (fondée par son père Ren Zhengfei) et vice présidente du conseil d’administration. La Chine a arrêté sur son sol deux citoyens canadiens, Michael Kovrig, ex-diplomate employé par une ONG, et Michael Sparov, consultant d’affaires, sous une accusation d’espionnage, tout en prétendant que les deux affaires n’étaient pas liées[1]. Mme Meng était accusée par les Etats-Unis d’avoir monté un réseau de contournement des sanctions – américaines – contre l’Iran par la création de sociétés écrans[2]. Remise en liberté sous caution, elle a été retenue au Canada sous la menace d’une demande d’extradition par les Etats-Unis jusqu’à sa signature d’un accord avec le Department of Justice en septembre 2021. Les deux Canadiens ont alors été libérés.
Entre temps, les frictions étaient allées jusqu’au survol offensif (car à très basse altitude : 30 m au dessus de l’eau, sans tir) de deux navires canadiens, la frégate HMCS Regina et le transport MV Asterix en Mer de Chine méridionale par une patrouille de chasseurs chinois Su-30 en juin 2019. Un hélicoptère CH-148 Cyclone aurait été victime d’une tentative d’éblouissement par laser depuis un « bateau de pêche » chinois, et un avion de patrouille maritime CP-140 a été frôlé par des chasseurs chinois alors qu’il surveillait le trafic maritime pour faire respecter les embargos officiels contre la Corée du Nord[3]. Mais ces incidents s’étaient produits pendant la rétention de Mme Meng, et le Canada et la Chine semblaient s’être rapprochés ces dernières semaines.
En raison de la crainte d’un nouvel essai nucléaire prochain par la Corée du Nord, des appareils canadiens sont déployés au Japon. Leurs patrouilles, au dessus de l’espace maritime international, sont donc menées en application des sanctions décidées au CS de l’ONU. Les appareils ont été victimes d’approches à très courte distance (« permettant de voir l’équipage ») par des chasseurs chinois qui leur ont coupé la route[4]. Ces conduites sont formellement interdites par les normes internationales de sécurité : aucun accident n’a eu lieu, grâce aux manœuvres d’évitement, mais il n’est jamais exclu. L’affaire rappelle la collision entre un avion de patrouille EP-3 de l’US-Navy et un chasseur J-8 de la marine chinoise le 1er avril 2001 au large de l’île d’Hainan, qui avait constitué le plus gros incident diplomatique de l’époque[5].
De son côté, l’Australie accuse aussi la Chine de manœuvres encore pires, le 26 mai 2022 : un chasseur chinois aurait approché un appareil de surveillance P-8 et lui aurait coupé la route à courte distance tout en dispersant des leurres-paillettes en aluminium, susceptibles d’endommager les réacteurs[6] et de faire plonger l’appareil dans les eaux de la Mer de Chine méridionale que revendique la Chine au mépris de la Convention sur le Droit de la Mer (3 mars 1986 et rectifications du 26 juillet 1993)[7] et du jugement de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye (12 juillet 2016)[8], sur plainte des Philippines. Après le tir de huit missiles de courte portée par Pyongyang le 5 juin, la surveillance s’est intensifiée avec des patrouilles conjointes de F-35 sud-coréens et de F-16 américains, alors que le sous-secrétaire d’État Wendy Sherman se trouve en visite de trois jours à Séoul. Il a d’ailleurs réitéré l’affirmation que Washington ne nourrit pas d’intentions hostiles contre Pyongyang et que les Etats-Unis restent prêts à engager le dialogue[9].
A l’occasion de l’anniversaire de la victoire de Mao, durant le week-end du 2 au 4 octobre 2021, avait eu lieu la plus vaste incursion d’avions militaires chinois (161 avions de chasse et bombardiers) dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taiwan. Juillet 2021 marquait aussi le centenaire de la fondation du PCC à Shanghai[10]. Alors que les incursions s’étaient montées à 380 pour l’année 2020 toute entière, elles s’élevaient, pour 2021, à environ 600 dès octobre. Leur objectif est de tester les défenses aériennes et les réactions internationales, mais aussi de décourager la population insulaire à se défendre, et d’épuiser le potentiel d’utilisation des F-16 de l’aviation nationaliste (cellules et moteurs) envoyés en interception. Le Global Times (Pékin) les a présentées « non comme un avertissement, mais comme une répétition de prise de contrôle de Taïwan »…. Des rumeurs de réunification par la force[11] avant le XXème Congrès du PC prévu en octobre 2022 circulaient aussi. Le 30 mai 2022, Beijing a effectué une nouvelle incursion dans la zone aérienne de défense de Taïwan (la deuxième plus importante pour 2022 avec 30 avions, contre 39 le 23 janvier, soit 465 intrusions pour ce début d’année), entraînant des décollages d’urgence et le déploiement des systèmes de missiles de défense aérienne. Toute cette activité a déjà été cause de plusieurs accidents mortels d’avions taïwanais[12].
Ces incidents font partie des tactiques d’intimidation et d’agression « en deçà de la ligne rouge » qui appartiennent aux caractéristiques des « guerres hybrides »… mais peuvent dégénérer en guerre ouverte sur un accrochage physique ou une erreur d’interprétation. En 2001, l’émotion populaire chinoise à la mort du pilote du J-8 (auteur de l’accident) avait été très importante, mais la Chine ne pouvait alors se manifester trop brutalement face aux Etats-Unis (qui avaient toutefois dû s’humilier). Qu’en serait-il aujourd’hui, alors que la Chine se sent puissante et sur son (prétendu) terrain ?
Si on ajoute les nombreux incidents maritimes en Mer de Chine méridionale entre bâtiments des flottes occidentales et chinoises, on peut s’inquiéter des possibles « dérapages » à partir de démonstrations de force faisant partie d’un projet véritable ou d’un risque assumé d’incidents armés. Espérons que des questions de politique interne, soulevées en préparation du 20ème congrès de PCC en novembre de cette année[13], n’exacerberont pas les extrémismes nationaux, car il serait très dangereux pour un dirigeant d’apparaître mou ou conciliant.
Denis LAMBERT
[1] Anne PELOUAS, « Affaire Huawei : le casse-tête chinois de Justin Trudeau », Le Monde, 21 décembre 2018
[2] https://www.justice.gov/opa/pr/chinese-telecommunications-conglomerate-huawei-and-huawei-cfo-wanzhou-meng-charged-financial
[3] Murray BREWSTER, « It was the Canadian navy’s closest encounter with Chinese military assets this month”, CBC News, 27 juin 2019, https://www.cbc.ca/news/politics/china-fighters-buzzed-regina-asterix-east-china-sea-1.5193149
[4] https://www.spacedaily.com/reports/Canada_says_Chinese_jets_put_pilots_at_risk_in_international_airspace_999.html
[5] https://www.lemonde.fr/archives/article/2001/04/04/collision-de-l-avion-espion-le-ton-monte-entre-washington-et-pekin_169634_1819218.html
[6] https://www.spacewar.com/reports/Australia_accuses_China_of_dangerous_interception_over_South_China_Sea_999.html
[7] https://www.un.org/depts/los/convention_agreements/convention_overview_convention.htm Convention et état des signatures et ratifications.
[8] Jane PERLEZ, « Tribunal rejects China’s claims on South China Sea », https://www.nytimes.com/2016/07/13/world/asia/south-china-sea-hague-ruling-philippines.html du 12 juillet 2016.
[9] https://www.spacewar.com/reports/US_South_Korea_fly_warplanes_after_Norths_missile_tests_999.html du 7 juin 2022.
[10] Jérémie TAMIATTO, « La naissance du parti communiste chinois : le début de la « Grande Renaissance » ? », https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-l-institut-pierre-renouvin1-2011-2-page-81.htm mis en ligne le 20 décembre 2011.
[11] Jean-Pierre CABESTAN, « Nul ne sait quelle forme prendrait l’engagement américain pour défendre Taïwan », World Policy Conference, https://asialyst.com/fr/2022/05/28/jean-pierre-cabestan-nul-ne-sait-quelle-forme-engagement-americain-defendre-taiwan/ ou https://www.worldpolicyconference.com/fr/jean-pierre-cabestan-nul-ne-sait-quelle-forme-prendrait-lengagement-americain-pour-defendre-taiwan/ du 28 mai 2022.
[12] https://www.lesoleil.com/2022/05/31/incursion-de-30-avions-chinois-dans-la-zone-de-defense-aerienne-de-taiwan-6952bc20a9568cb2140fad5efc504ddd du 31 mai 2022. Le Soleil numérique est un magazine canadien.
[13] Fondation Maison des Sciences de l’Homme, 6 mai 2022, https://www.fmsh.fr/fr/projets-soutenus/pourquoi-le-congres-du-parti-du-pcc-est-il-important-la-politique-de-leadership-de
Quelques repères concernant la France en introduction :
L’actualité en 2021 a mis un coup de projecteur sur la zone indopacifique avec :
I – Tentative de définition de l’Indopacifique et des acteurs : De l’Asie-Pacifique à l’Indopacifique.
Pour la France, l’Indopacifique comprend le littoral des deux océans, et leurs terres adjacentes, ainsi que l’océan Austral.Est ici souligné l’aspect géographique d’un espace allant de Mayotte à Clipperton, mettant l’accent sur les océans.
1 – Au cours du XXème siècle : géographie et géopolitique
2 – Dans les années 2000 : Mondialisation des échanges et acteurs régionaux
Après la chute du bloc soviétique, la zone « Indopacifique » est plutôt centrée sur l’Indonésie et l’Australie, avec le Japon et l’Inde en périphérie. Parallèlement se développent les tensions (liées à la piraterie) et les contentieux (liés au droit de la mer).
Dès 2005, les Etats-Unis, le Japon, l’Australie et l’Inde évoquent la nécessité de contenir la Chine dans « l’Arc de la liberté et de la prospérité » au nom des valeurs démocratiques.L’Australie, les Etats-Unis et le Japon « pressentent » la nécessité « d’encadrer » l’expansionnisme chinois[3].
Tentative de définition ?
En effet, l’axe Djibouti-Colombo-Singapour-Shanghai constitue une « ligne de communication » (sea lanes of communication) indispensable au fonctionnement de la planète, avec des passages stratégiques d’importance majeure (choke points) mis en évidence par les Occidentaux dans les années 70-80, ceci est encore plus vrai aujourd’hui.
L’expression n’est pas clairement définie[4], et elle est même niée par la Chine qui se réfère à l’Asie-Pacifique où elle a une position centrale dans la zone, alors que l’Indopacifique place l’Inde au centre et la « relègue » à la périphérie…
La composante terrestre du projet chinois des « routes de la soie » redonne corps à la centralité du continent eurasiatique et à l’opposition traditionnelle (théorisée par les stratèges du XIXème siècle) de l’empire de la Terre contre celui de la Mer. L’antagonisme actuel entre deux Etats puissants, les Etats-Unis et la Chine, serait-il la version modernisée de cette opposition, l’empire de la mer ne pouvant survivre qu’en préservant la liberté de circulation ?
« La mer a historiquement constitué un élément essentiel du développement du continent européen »[5].
Du fait de la mondialisation des échanges, la grande puissance américaine est très présente. Et encore plus après 2009-2010 : le « pivot asiatique » du Président Obama est en fait un élargissement de l’Asie-Pacifique, la zone ira désormais des côtes américaines jusqu’au sous-continent indien. En 2018, l’US PACOM (Pacific Command) est rebaptisé US INDOPACOM. Et l’expression « Indopacifique » est de retour …
En effet, nouveauté des années 2010, surtout après 2013-2015, affirmation de la présence chinoise et de sa volonté de puissance.
3 – La Chine, un nouveau venu dans la zone : expansion maritime et contestation de la liberté des mers
Les sept expéditions de l’amiral Zheng He (1371 – 1433) au XVème siècle (1405-1433) avaient pour but essentiel de prélever un tribut, ne visaient pas à « coloniser » des territoires[6]. Elles ne furent pas poursuivies dans les siècles suivants par la Chine qui se referme et fait détruire archives et bateaux, témoins des exploits de Zheng He, alors que l’Europe, elle, s’élance alors à la conquête du monde.
A la fin de la décennie 2010, la Chine qui semble avoir consolidé son pouvoir à l’intérieur (?) et développé son économie, veut affirmer sa puissance dans le monde, et développer son influence tant vers les côtes de l’Afrique orientale que vers la rive Pacifique des Amériques, et cela au détriment de la liberté de circulation des autres Etats. Si son expansion vers l’Europe est principalement économique, elle a une dimension militaire marquée en Asie.
Alors qu’elle a signé la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer, la Chine cherche à s’« approprier» la mer de Chine méridionale en y créant une ZEE qui ampute celles du Vietnam, des Philippines, de Malaisie et d’Indonésie[7]. Parmi les nombreux « incidents », un exemple : en avril 2019, Pékin juge « illégal » le passage de la frégate française Vendémiaire dans le détroit de Taïwan, réaction nouvelle à l’égard de la France qu’elle juge « alignée » sur les USA ; et de plus la Chine estime que la France est « en Europe » et n’a rien à faire dans ces eaux lointaines. Si les Etats-Unis et leurs alliés intensifient « les passages innocents » de navires de guerre dans les aux contestées, c’est au prix de risques d’incidents graves.
Quelques événements méritent de retenir notre attention :
Le projet BRI est un projet à long terme créant une ceinture économique allant des côtes chinoises jusqu’aux côtes orientales de l’Afrique. C’est la stratégie du « collier de perles » avec une dizaine de points clés (installations portuaires notamment) en utilisant la « diplomatie de la dette ».
Si dans le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale en 2013, la France évoquait la possibilité d’un « partenariat global » avec la Chine, aujourd’hui dans la terminologie européenne, on parle d’un « rival systémique ».
Objectifs de la Chine : Prendre directement ou indirectement Taïwan et sécuriser ses approvisionnements énergétiques, en matières premières et en ressources énergétiques. La stratégie chinoise de « déni d’accès » qui s’étend peu à peu sur des zones plus vastes, est basée sur cinq points : sécuriser la Mer de Chine, endiguer le Japon, étouffer l’Inde, vassaliser la Russie et l’Union européenne, isoler les Etats-Unis.
Il conviendra de noter la « préoccupation commune » de la Chine et de la Russie mentionnée à Pékin le 4 février[9] face à la formation de « l’alliance militaire AUKUS, et notamment la fabrication de sous-marins nucléaires, qui touche à des questions de stabilité stratégique ». Ceci s’ajoute aux exercices conjoints effectués en novembre 2021 par des vaisseaux des 2 pays (Chine + Russie) dans le détroit japonais de Tsugaru.
NB : Il n’y a pas d’alliance formelle entre la Russie et la Chine (et même quelques désaccords notamment en Asie centrale… Les événements survenus au Kazakhstan en janvier 2022 ont suscité diverses interrogations sur un éventuel partage en zones d’influence).Notons aussi l’abstention chinoise lors des votes des 4 et 24 mars à l’ONU condamnant l’agression russe contre l’Ukraine. La guerre en Ukraine pourrait-elle « rebattre les cartes » en Indopacifique ????
En conclusion de ce 1er point : Les acteurs dans cette zone et leur vision géopolitique :
II – La France, état« riverain » des océans Indien et Pacifique du fait de ses collectivités et territoires
Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes, déclarait le 25 janvier : « Nous ne sommes pas un hexagone, mais un archipel »[10]. Sept des 13 territoires d’outre-mer français sont situés dans les océans Indien et Pacifique. Ces territoires dans la zone sont pour la France un atout précieux : elle n’est pas une puissance « étrangère », mais un Etat « voisin » dans les 2 océans, il y a donc une cohérence à lier les deux espaces.
La stratégie française de l’Indopacifique ne se veut pas exclusivement militaire, même s’il est nécessaire de protéger nos « appuis stratégiques » : « montrer la présence », protéger les zones de pêche, lutter contre la pêche illégale, défendre la liberté de navigation…. D’où le renforcement de la capacité opérationnelle des forces navales, avec différents programmes (AVISMAR, POM, BRF, FDI) car l’éloignement ne doit pas être sous-estimé, et donc les contraintes qui pèsent sur les relations entre la métropole et les territoires insulaires éloignés.
D’où l’importance de compléter notre stratégie militaire par des engagements économiques et culturels avec des partenaires, comme l’Inde, le Japon, …. Et aussi de partager nos responsabilités au niveau européen.
1 – Les statuts des différents territoires français
Ces territoires, positionnés dans les 2 océans, sont pour certains des collectivités politico-administratives comparables à celles de la métropole : La Réunion, Mayotte ; les autres ont des compétences de gouvernance très particulières : les TAAF, la Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie française.
Cas particuliers de Clipperton et des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) qui n’ont pas de population permanente.
La diversité des statuts est un héritage du passé. Mais l’accent est mis aujourd’hui sur les perspectives de coopération tournées vers l’avenir. Du fait de compétences constitutionnelles spécifiques, notamment en matière d’économie, d’environnement, voire de relations extérieures, ces territoires sont associés aux instances étatiques dans les organisations de coopération régionale.Ils sont impliqués dans les structures institutionnelles régionales aux côtés des représentants de l’Etat.
Trois exemples :
2– La stratégie française de l’Indopacifique et ses implications. Les réflexions françaises sur l’Indopacifique apparaissent à partir de 2016, et sont formalisées en 2018.[11]
La vision française de l’espace Indopacifique défendue par la France, celle d’un espace « libre et ouvert », a pour objectif d’assurer la sécurité maritime, de garantir la liberté de navigation et de survol en haute mer. En août 2018, lors de la Conférence des ambassadeurs, le Président Macron a insisté sur cette vision multilatérale de l’espace, ne devant être dirigée contre aucun Etat, et notamment pas être dévoyée dans une lutte contre la Chine.
2A – 2018 est une année tournant avec un renforcement des liens bilatéraux avec les pays de la zone : Australie, Inde, Indonésie, prenant en compte la nouvelle position chinoise dans la zone. Parallèlement, des exercices militaires régionaux s’organisent avec de grands partenaires, notamment les 4 membres du QUAD (dialogue quadrilatéral de sécurité).
3 juin 2018, lors du Forum annuel du Shangri-La Dialogue[12] à Singapour entre les ministres de la défense de la zone indopacifique. Florence Parly y présente la position française.
A La Réunion à l’occasion du Forum « Choose La Réunion »[13] le 23 octobre 2019, la stratégie Indopacifique de la France est précisée autour de 4 priorités :
La région indopacifique est au centre de tous les flux commerciaux internationaux, traversé par plus de 450 câbles sous-marins[14], réserve de ressources halieutiques et énergétiques considérable.
A différentes occasions, ces principes de base sont rappelés par les officiels français et mis en œuvre avec nos partenaires. Quelques exemples :
Mars 2018 : Le Président Macron parle de l’Inde comme du « 1er partenaire stratégique » de la France dans la région, un des premiers acheteurs d’armement français en Asie, même si l’Inde reste historiquement proche de la Russie[15].
L’Inde est le seul membre du QUAD à avoir une frontière commune (3 400 km) avec la Chine avec des confrontations régulières. Elle est l’un des premiers pays à avoir alerté contre la théorie du collier de perles chinois « dans l’Océan indien et participe à des exercices dans l’Océan Indien avec la France.
Mai 2018 : A Sydney (Australie) est évoqué « l’axe Paris-New Delhi-Canberra » et la France est considérée comme un acteur majeur dans la région[16].
« Votre pays est de fait une puissance de l’Indopacifique ». Kevin RUDD, ancien Premier Ministre australien, expert des relations entre l’Occident et la Chine.
Mai 2019 : le Porte-avions Charles-de Gaulle participe à l’exercice naval Varuna avec l’Inde dans l’Océan Indien ; des manœuvres conjointes ont lieu dans le Golfe du Bengale avec l’Australie, le Japon et les Etats-Unis, et le porte-avions fait escale à Singapour ; une frégate française fait escale à Ho Chi Minh.
2020 : la France est devenue « partenaire de développement » de l’ASEAN. Elle a aussi adhéré à l’Association des Etats riverains de l’Océan Indien.
Septembre 2020 : Dialogue trilatéral Australie-Inde-France.
2021 : Les marines européennes (France, Allemagne, Royaume-Uni et aussi Pays-Bas) ont envoyé d’importantes unités de combat dans la zone. En avril 2021, les Forces d’Auto-Défense japonaises (FAD) ont participé à l’exercice multinational Lapérouse dans le Golfe du Bengale. Des manœuvres maritimes (ARC21) + exercices amphibies sur le territoire japonais ont également eu lieu avec la France, l’Australie et les USA. Le Japon soutient cette stratégie de coopération dans l’Indopacifique.
Les relations franco-indonésiennes sont anciennes (1961) ; puis co-présidence de la conférence de Paris sur la Cambodge en 1991. Depuis 2011, un partenariat stratégique a été conclu avec l’Indonésie qui est un « client régulier de l’industrie d’armement français » (2ème derrière Singapour).En février 2021, rappel des positions communes au sujet du « respect du droit international dans un espace indopacifique libre et ouvert fondé sur un multilatéralisme efficace »[17]. Des accords de coopération sont signés en juin 2021, puissuivis le 10 février 2022, par une commande de 42 avions de chasse Rafale et par un autre accord pour la fourniture « éventuelle » de 2 sous-marins Scorpene[18]. « Hasard ou manœuvre ? » : quelques heures après la signature avec Mme Parly, le ministère de la Défense américain annonçait donner son accord à la vente de 36 avions de chasse F15 Eagle II à l’Indonésie…
Au début de 2021, la France se trouvait ainsi au centre de relations croisées avec l’Inde et le Japon, l’Australie et les Etats-Unis, les partenaires du QUAD et de l’ASEAN, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Toutes les grandes puissances démocratiques se trouvaient ici impliquées, certaines ne voulant pas forcément être amenées à choisir entre Pékin et Washington. Mais l’alliance AUKUS ne créera-t-elle pas un nouveau contexte, alors que de nombreux pays dans la région sont plutôt à la recherche d’une position d’équilibre entre la Chine et les USA ?
2B – Les changements de 2021 induits par la dénonciation du contrat français, conclu en 2016, pour la livraison de 12 sous-marins à l’Australie et la signature de l’Alliance AUKUS entre l’Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis (15 septembre 2021).
La France doit prendre en compte cette nouvelle manifestation de l’antagonisme anglo-saxon, déjà manifesté à la fin des années 2000 lorsqu’elle espérait entrer dans le club historique des Five-Eyes, créé en 1941, coopération dans le domaine du renseignement entrel’Australie, le Canada, les Etats-Unis, la Nouvelle Zélande, et le Royaume Uni, « revitalisée » dans les années 2000 pour lutter contre le terrorisme.
Autre événement aux conséquences notables : la décision de la Nouvelle Calédonie de rester partie de la communauté française, décision issue de référendum du 12 décembre, joue un rôle très important pour la France, mais aussi pour l’Europe, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Il devient essentiel de renforcer la visibilité des marines concernées dans la zone face à la Chine.
En outre, la France a pris conscience de l’intérêt stratégique des fonds marins et du champ de compétition qu’ils représentent sur la scène internationale. Cf « La stratégie pour la maîtrise des fonds marins » présentée à Brest par Florence Parly le 13 février 2022 : « il s’agit de mieux connaître, mieux surveiller et mieux agir, dans une approche globale et internationale avec des moyens qui ne sont pas au niveau de ceux de nos partenaires ou de nos adversaires ». Or différents incidents montrent que les fonds marins sont aujourd’hui le lieu d’opérations préoccupantes (ruptures de câbles, pillage des ressources…)
Aujourd’hui, il parait évident que la France -et l’Europe- ont intérêt à développer des relations de coopération dans cette région en raison de la place prépondérante de la mer et de l’Asie sur la scène internationale. D’où la nécessité de défendre la liberté de navigation et la préservation des biens communs (biodiversité, sécurité maritime…).
La France bénéficie d’atouts dans la région et a développé une stratégie indopacifique qui est aujourd’hui plus visible, tout en espérant présenter une voie « non-alignée ». En outre, notre industrie de défense présente à nos partenaires des offres de haut niveau, et des offres de formation, incluant un « partenariat stratégique » établissant une relation de confiance, qui est souvent une alternative à l’offre du « tout-américain ».
A partir de là, une stratégie « européenne » peut être envisagée comme complémentaire en coordination avec la stratégie française.
3-Le relai européen : stratégie européenne et partenariats régionaux.
En 2017, le Président Macron déclarait : « L’Europe est le niveau approprié pour recouvrer notre pleine souveraineté dans des domaines qui ne relèvent plus du seul champ national, car je veux d’une Europe qui soit un continent aux dimensions des puissances américaine et chinoise ». Les territoires insulaires français sont un atout pour la France, mais aussi pour l’UE, et donc pour tous ces Etats membres.
Dans le cadre de l’OTAN, les forces européennes, et donc les marines, ont eu à agir ensemble, et à mettre en place des procédures et des normes permettant une grande interopérabilité (ravitaillement, systèmes de communication…). La RFA et les Pays-Bas se sont aussi dotés d’une stratégie indopacifique.
Depuis le Brexit, la France est seule en mesure de maintenir, voire d’augmenter, une présence militaire permanente dans la zone Indopacifique. Mais elle souhaite entraîner ses partenaires européens. Un soutien, renfort européen est-il utile ? indispensable ?
Le 16 avril 2021, le Conseil européen a publié « la stratégie européenne pour la coopération dans l’Indopacifique »[19]. A noter que cette annonce s’est « télescopée » avec l’annonce de la signature de l’AUKUS le 15 septembre 2021.
Si l’Europe ne mentionne pas son opposition à la Chine (contrairement à la position américaine), elle précise « sa réticence à approfondir des échanges avec des Etats qui ne respectent pas ses valeurs », et insiste sur la nécessité de « renforcer ses partenariats avec les Etats du sud-est de l’Asie (ASEAN) pour préserver la liberté de navigation et pour lutter contre la territorialisation des mers »[20]. L’UE a nommé un « envoyé spécial pour l’Indopacifique » le 1er septembre 2021.
La région indopacifique revêt une importance stratégique croissante pour l’Union européenne, les 2 régions sont en étroite corrélation :
Le développement agressif de la puissance chinoise, et les rivalités sino-américaines (économiques, militaires, technologiques …) ont été ravivées par le pacte AUKUS en septembre 2021. Dans ce contexte, un rapprochement UE-ASEAN pour un projet régional de coopération commun, autonome évoqué par Josep Borrell à Djakarta en juin 2021, prend tout son sens et vient illustrer le partenariat stratégique signé en 2020 après 40 ans d’échanges. La vitalité économique des pays de l’ASEAN est importante pour l’UE. L’Inde et le Japon pourraient aussi se rapprocher des positions européennes.
Les principaux éléments de la stratégie de l’UE pour la région indopacifique :
Le projet de « Boussole stratégique », équivalent européen du livre Blanc de la Défense, a été adopté, après 4 versions successives, le 21 mars par les ministres européens des Affaires étrangères et de la Défense. Il vise notamment à renforcer la coopération des marines ici comme sur le reste de la planète, « dans les endroits stratégiques du globe, sur l’ensemble des océans » afin de mettre en œuvre une politique commune et concertée. Il s’agit de préserver la libre circulation et la sécurité maritime, de lutter contre la piraterie[21]. Cette « boussole stratégique » sera à la fois une stratégie et un plan d’action pour les 5 à 10 ans à venir. Reste pour les Européens à accorder au mieux leurs « nuances » du concept Indo-Pacifique, entre l’approche plutôt stratégico-militaire de la France (liée aussi à ses contrats d’armement) et une vision plus économique et commerciale de l’Allemagne. La Boussole mentionne aussi la nécessité de renforcer le dialogue et les exercices conjoints avec d’autres Etats dans le monde.
Des défis communs ont été mis en évidence entre les 2 régions, UE et Indopacifique en matière d’intégration économique et de changement climatique.
Que sera le nouveau projet européen « Global Gateway », parfois présenté comme un concurrent du BRI chinois ? Avec ses enjeux globaux liés à la protection de l’environnement et aux questions de sécurité, il serait courtisé par la Chine pour un partenariat ? une coopération avec son projet BRI ?
Eviter une alliance Moscou-Pékin dans cette zone est-il encore possible ????
Conclusion
7 des 10 premiers ports mondiaux sont en Chine. Le Golfe persique fournit 40% des exportations de pétrole et 80% d’entre elles partent vers l’Asie[22]. L’importance de la voie maritime mondiale indopacifique n’a fait que croître au XXème siècle alors que le commerce transatlantique est devenu moins prééminent.
Pour la France, c’est un enjeu économique (sécurité des approvisionnements et des échanges commerciaux) et de souveraineté (protection des ZEE, et lutte contre les activités illicites). L’originalité de la position française dans cette zone est liée à sa situation « d’Etat riverain[23] ». L’implication de l’UE, au-delà des relations bilatérales basées sur des valeurs communes, offre en outre une 3èmevoie aux Etats de la région pour éviter de choisir un alignement sur Pékin ou sur Washington, sujet à l’ordre du jour de tous les dialogues. David Panuelo, Président de la Fédération des Etats de Micronésie soulignait le 10 mars dernier que l’Océanie avait voté de manière unanime la résolution contre la Russie aux côtés de l’UE lors du vote à l’ONU le 2 mars 2022.
Le 22 février 2022, un Forum pour la coopération en Indopacifique dans le cadre de la présidence française de l’UE a réuni à Paris les Ministres des affaires étrangères des 27 et ceux de 30 Etats de cette zone.
Les USA et la Chine n’étaient pas invités. Au nom d’une « autonomie stratégique », la réunion voulait être préservée des rivalités entre les 2 puissances, Chine et USA, même si l’objectif non avoué est sans doute de contribuer à une alternative à l’engagement chinois dans la zone.
Hélène MAZERAN
[1]Ne sont pas pris en considération les territoires britanniques de Pitcairn et des Chagos car moins de 100 habitants.
[2] Cf SIPRI, 2017-2021
[3] Cf Robert KAPLAN in Foreign Affairs, Mars 2009.
[4] Cf Paco MILHIET : « L’Indopacifique français : constructions régionales, stratégie nationale, déclinaisons locales ». Thèse de doctorat 2021. Université de Polynésie française et Institut catholique de Paris.
[5] VAE Patrick EBRARD. Entretiens d’Europe, n°111. 31 janvier 2022.
[6]Ceci est souvent rappelé par Xi Jinping qui sait utiliser l’histoire chinoise à son avantage : il veut montrer que la Chine n’a pas de visée impérialiste.
[7] La Chine se considère comme une puissance économique en forte croissance qui n’a pas une ZEE correspondant à son statut. Mais la Cour permanente d’arbitrage de La Haye le 17 juillet 2016, a rejeté toutes les revendications chinoises de ZEE en mer de Chine du sud.
[8] Seuls 6% des fonds marins seraient connus (et pas seulement par les Chinois)
[9] Déclaration en marge de l’ouverture des JO. 4 février 2022.
[10] « Les Outre-mer aux avant-postes ». Maison de l’Océan. Paris 25 janvier 2022
[11] « Stratégie de défense française dans l’Indopacifique ». Ministère des Armées 2018, mis à jour 24/06/2022. https://bit.ly/3AYIJgo; « Stratégie de la France dans l’Indopacifique » Ministère de l’Europe et des affaires étrangères, juillet 2021. https://bit.ly/3G2430Pf.
[12] Sommet informel consacré aux questions de défense et sécurité en Asie.
[13] Rencontre d’entrepreneurs destinée à promouvoir l’attractivité économique du territoire.
[14] 98% des communications transitent aujourd’hui par câbles sous-marins.
[15] Elle s’est abstenue lors des votes à l’ONU des 4 et 24 mars contre l’agression russe en Ukraine.
[16] Ce ne fut pas toujours le cas…. Cf au moment des essais nucléaires, au moment de la conférence sur le règlement de la question cambodgienne ….
[17] A noter que pour l’instant, l’Indonésie (4ème pays le plus peuplé du monde) est réservée par rapport aux revendications chinoises en mer de Chine méridionale (avec par exemple escarmouches autour des îles Natuna), et ne veut pas prendre parti, contrairement à la France et aux USA qui rappellent fréquemment leur attachement au principe fondamental de la liberté de navigation.
[18]14 exemplaires de ce type de sous-marins d’attaque à propulsion conventionnelle ont déjà été vendus par Naval Group, dont 6 à l’Inde, 2 à la Malaisie (les autres au Brésil et au Chili).
[19] « Conclusion du Conseil sur une stratégie de l’UE pour la coopération dans la région de l’Indopacifique » ; Bruxelles, 16 avril 2021 ; https://bit.ly/3jeSKjl. Communication conjointe du Parlement européen et du Conseil : « Stratégie de l’UE pour la coopération dans la région Indopacifique », Bruxelles 16 septembre 2021 ; https://bit.ly/3B2xqDA.
[20] Même si l’UE est bien consciente que certains Etats- (Laos, Cambodge) sont sous influence chinoise …
[21] Comme le fait la mission Atalante initiée par la France en 2008, mise en œuvre par l’UE dans le cadre de la force navale européenne et de la PSDC dans le Golfe d’Aden et dans l’Océan Indien.
[22] Cf Atlas stratégique. Fondation méditerranéenne d’Etudes stratégiques. 2022
[23] Le Royaume uni est riverain avec les îles Pitcairn (à l’ouest de l’Australie). Il se positionne comme acteur mondial dans sa « stratégie 2020 », mais il n’est plus membre de l’UE.
Le traité de Tordesillas en 1494, sous l’égide du Pape,avait partagé le monde entre les puissances coloniales émergentes, en confiant :
Mais le traité devient caduc lorsque d’autres puissances (France, Royaume-Uni, Pays-Bas) se dotent de flottes assez puissantes pour concurrencer Espagnols et Portugais. C’est dans ce contexte que la Société des Prêtres catholiques des MEP est fondée en 1658, les Missions Etrangères de Paris (MEP) en 1660. Elles sont présentes dans 15 pays d’Asie et de l’Océan indien.
En Asie, c’est d’abord le clergé régulier[1] qui s’est installé avec des Espagnols, des Portugais, des Italiens et quelques Français. Les premiers missionnaires (notamment qui sont arrivés au Japon lors de l’ouverture des ports) faisaient aussi du commerce.
Le Père jésuite Alexandre de Rhodes (Avignon1591- Ispahan 1660)fait plusieurs séjours au Tonkin et en Cochinchine de 1624 à 1645 avant d’en être expulsé. Ilintroduit un changement en plaidant pour la formation des prêtres autochtones au Vietnam. Des missionnaires sont donc envoyés en Extrême-Orient non plus seulement comme missionnaires, mais comme formateurs ; d’où la création de 121 diocèses en Extrême-Orient. Parallèlement, un séminaire est ouvert rue du Bac pour la formationde missionnaires étrangers.
En 1658 : véritable création des MEP, il y a 4 vicaires apostoliques dont un au Québec (mais cela disparait lorsqu’il devient province anglaise) ; les 3 autres sont en Extrême-Orient : Cochinchine, Chine et Tonkin. Ces derniers sont partis en suivant la route des épices[2] pendant 2 ans (à pied, à cheval, à dos de chameau…) : 17 sont partis, 7 sont morts en route. Seule la route terrestre est possible car la route maritime est aux mains des Portugais. Le 1er séminaire de formation a lieu à Ayutthaya(actuelle Thaïlande). Ensuite la route maritime par le Cap de Bonne Espérance permettra de faire le voyage en un an (avec la nécessité de ravitaillement en produit frais. Cf Batavia). L’ouverture de Suez va encore raccourcir le trajet : 6 à 3 mois, puis après la 2ème Guerre mondiale l’avion fera le trajet en quelques jours.
Le musée présente le patrimoine historique exceptionnel des MEP dans une exposition permanente située dans la salle des martyrs. Il relate notamment le supplice de nombreux martyrs[3]. La cangue de Saint Pierre Dumoulin-Borie (1838) a été rapportée du Vietnam : c’est un carcan de bois de 10 kg auquel on fixait en plus des chaînes.
Nombreux objets d’inculturation : vêtements des missionnaires qui apprenaient la langue et s’efforçaient de vivre comme les autochtones. Bols et baguettes différents pour les hommes et pour les femmes. Apprentissage des codes couleurs : ex du deuil, noir en Europe, blanc en Asie.
Quelques exemples particuliers :
Le Japon a été fermé pendant 250 ans jusqu’à l’ère Meiji (1868 – 1912). Les catholiques ont été contraints à la clandestinité.
Les « traités d’amitié » imposés par les Européens, sont les « traités inégaux » pour les Asiatiques.
1865 : Inauguration de l’église de Nagasaki[4] avec la présence de nombreuses délégations étrangères, mais d’aucun Japonais. Aujourd’hui environ 0,3% de la population japonaise est catholique.
En Corée, le catholicisme est plus récent, arrivé au XVIIIème siècle. Les lettrés ont rapporté les ouvrages traduits par Matteo Ricci.
Au XXVIIe et XVIIIe les missionnaires viennent surtout de l’aristocratie, ensuite popularisation au XIXe et recrutement rural.
La chapelle et la crypte datent des années 1690, les tableaux de 1868. Charles Gounod, organiste, a eu la maîtrise de l’orgue des MEP pendant quelques années (vers 1851). Les tableaux sont du peintre Charles-Henri de Coubertin (père de Pierre). Il s’agit d’une scène de composition : 4 missionnaires sont exécutés en Corée. Pierre de Coubertin est le petit garçon sur le tableau (avec sa sœur).
Monseigneur de Masure : 1er évêque au Tibet (1850-1950).
Les missions aujourd’hui : les visas sont difficiles à obtenir pour la Malaisie, l’Inde, l’Indonésie, la Chine et Hong Kong. Il n’y a pas de problème pour la Corée, le Japon, le Vietnam. Les prêtres asiatiques viennent ici en formation.
Aujourd’hui les MEP comptent 180 prêtres dans 13 pays + 150 volontaires laïcs chaque année.
L’IRFA (Institut de Recherches France – Asie) créé en 2019 vise à valoriser toute la documentation provenant des missionnaires de toutes les époques. Il y a toujours eu un archiviste aux MEP. L’IRFA vise à assurer la bonne conservation des documents, la collecte et la classification des documents actuels émanant de missionnaires sur le terrain. Il y a toujours eu beaucoup de correspondances, même lorsque les acheminements étaient lents, car les Missionnaires devaient envoyer au moins 4 rapports par an. La bibliothèque dispose d’une documentation unique sur le catholicisme en Asie, + à partir de 1865 d’une photothèque.
A partir du 15 décembre 2021, un nouveau site internet est destiné à faire connaître les nombreuses ressources relatives aux collections documentaires produites en Asie par les 4 300 prêtres des Missions Etrangères de Paris (MEP) depuis 1661, aux chercheurs spécialisés, mais aussi au public intéressé par les relations franco-asiatiques.
L’IRFA dispose de ressources exceptionnelles en matière linguistique et culturelle, du fait de ses nombreuses archives manuscrites et aussi de documents cartographiques originaux (qui ont été utilisés au moment des conquêtes coloniales.
Ce site rend accessible la découverte en ligne des informations sur les activités des Missions Etrangères de Paris depuis le XVIIème siècle.
Il permettra notamment d’appréhender :
La bibliothèque numérique met à disposition les publications des MEP entre 1840 et 1962. L’histoire des MEP est classée par pays et offre des synthèses historiques, des illustrations et des photos inédites, des bibliographies, des récits ethnographiques …
Hélène Mazeran
[1]Le clergé séculier a pris des engagements religieux, mais il vit « dans le siècle », au milieu des laïcs.
Le clergé régulier vit en communauté selon les règles de vie d’un ordre, d’une abbaye d’un couvent…
[2] Les épices étaient des denrées rares et donc chères…. D’où l’expression « payer en espèces » (= épices)
[3] Le mot martyr signifie « témoin ». Depuis le XVIIIème siècle, plus de 200 prêtres sont décédés de mort violente dans l’exercicede leur activité missionnaire.
[4] La bombe atomique est tombée dans le quartier catholique. D’où de nombreux dégâts sur les bâtiments anciens.