La Chine et l’Arctique
Pour compléter la conférence de Thierry Garcin, voici le lien vers un article publié le 7 septembre 2024 sur ce sujet sur le site de geoweb
https://www.geopoweb.fr/?LA–CHINE-ET-L-ARCTIQUE-Thierry-GARCIN
Pour compléter la conférence de Thierry Garcin, voici le lien vers un article publié le 7 septembre 2024 sur ce sujet sur le site de geoweb
https://www.geopoweb.fr/?LA–CHINE-ET-L-ARCTIQUE-Thierry-GARCIN
Quelques repères chronologiques
Période coloniale
Les Européens ont toujours eu besoin des épices (poivre, girofle, muscade) pour la conservation des aliments. Les routes terrestres traditionnelles depuis l’antiquité ont été coupées par les invasions arabes. D’où le recours aux expéditions maritimes, difficiles et coûteuses. S’y ajoute la rivalité entre les Anglais et les Hollandais. Les Français arrivent plus tard, après la création par Colbert de la Compagnie royale des Indes orientales en 1664. Mais les Français sont plus intéressés par les rives indiennes, puis par l’Indochine.
Les îles qui formeront l’Indonésie actuelle, sont « colonisées » par les Hollandais. Sans employer le terme, c’est en fait, une colonisation très dure qui est menée par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (créée en 1602), réduisant les populations, notamment dans les plantations, à une forme d’ « esclavage »[1] ou de « servage ». On estime à 3 millions de morts les victimes de la colonisation sur une population de 20 millions. C’est une colonie qui rapportait beaucoup. Cette colonisation a été dénoncée par un Néerlandais, Eduard Douwes Dekker, alias Multatuli, qui a publié en1860 le roman « Max Havelaar » (ce nom a été repris par une ONG qui promeut actuellement le commerce équitable).
L’occupation japonaise a duré de 1942 à 1945 et a entrainé des famines épouvantables, avec un nombre de morts à peu près identique à ceux de la période coloniale. Les troupes autochtones ont été formées par les Japonais contre les Hollandais. Emerge alors un leader charismatique, Soekarno qui proclame l’indépendance le 17 août 1945 (bien que l’indépendance réelle ne soit acquise qu’en décembre 1949).
L’Indonésie actuelle (appelée « Indes orientales néerlandaises » jusqu’en 1949) a été créée par les Hollandais, mais elle s’est aussi créée contre eux.
Un Etat pluriethnique avec 5 religions officielles
Sur une superficie à peu près identique à celle de l’Europe, on compte 15 000 îles, des centaines de langues. La langue la plus parlée est le javanais, mais elle est aussi la plus difficile. La langue nationale choisie a été celle que parlaient les commerçants malais : le Bahasa indonésia. Ce fut un élément d’unification de la République moderne.
Ce pays dispose de multiples ressources (hydrocarbures, minerais divers -notamment nickel, manganèse, tungstène-, huile de palme, bois exporté en quantités croissantes vers la Chine), mais Sukarno n’a pas été capable d’en faire une grande puissance économique. Il s’est surtout intéressé à la politique, et a essayé de faire vivre ensemble les trois grands partis : nationalistes (PNI), communistes (PKI) et musulmans (NU). Mais ce fut un échec, et, à la suited’une tentative de coup d’Etat par les communistes (GESTAPU) le 30 septembre 1965, la réaction des militaires menés par Suharto, a entraîné une guerre civile qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts. Au plan international, cela a entraîné, pour quelques vingt-cinq ans, la rupture des relations diplomatiques avec la Chine, accusée d’avoir soutenu le PKI.
Avec Suharto, l’Indonésie s’est dotée d’une économie prospère, mais ce n’était pas un modèle de démocratie. La crise économique asiatique de 1998 a entraîné son remplacement par son ancien Ministre d’Etat, Habibie, un ancien ingénieur en aéronautique (qui a travaillé notamment pour Messerschmitt), lui-même remplacé après un an et demi, par Abdurrahman Wahid, alias Gus Dur (atteint de cécité). Un système démocratique se met en place et les élections présidentielles suivantes sont validées internationalement : Megawati (fille de Soekarno) est présidente de 2001 à 2004, puis le Général Yudhoyono de 2004 à 2014.
Le gouvernement actuel
Jokowi, actuel Président élu après Yudhoyono en 2014, réélu en 2019, a été populaire dans un premier temps. Le pays a connu un développement appréciable. En 2022 : croissance de 5,3%, PIB à 1,3 milliards d’Euros, diminution du chômage (inférieur à 5%). Mais une certaine « folie des grandeurs » s’est notamment traduite par le projet de nouvelle capitale.
Jakarta a été créée par les Hollandais avec 300 000 habitants. Aujourd’hui avec 13 millions, elle est devenue « invivable ». D’où la décision de déménager la capitale dans un point plus central, à Nusantara (le nom signifie « archipel ») à l’est de Bornéo, ce qui a entraîné une vaste déforestation. Ce choix sera-t-il remis en cause par le nouveau Président qui serait hostile au projet [2]?
Le Président nouvellement élu, Prabowo Subianto, ancien ministre de la Défense, gendre de Suharto, a été accusé par plusieurs ONG de massacres à Timor, en Papouasie et même à Jakarta, lors de la répression de manifestations. Il a fait alliance avec Jokowi dont le fils aîné a été élu Vice-Président de la République. Quant au fils cadet, le projet d’en faire le futur gouverneur de Jakarta se heurte à des fortes oppositions. Cette tentative de créer une dynastie a déçu beaucoup de partisans de Jokowi.
Le nouveau Président, s’il est un accusé d’être un criminel par certaines ONG, est aussi un des hommes les plus riches d’Asie (propriétaire de vastes plantations de palmier à huile)[3]. Sur le plan politique, les relations avec la Chine sont compliquées (l’Indonésie est très proche des Etats-Unis), mais se poursuivent et se développent sur le plan économique (Nouvelles routes de la soie).
Aujourd’hui, c’est la 4ème puissance démographique après l’Inde, la Chine et les Etats-Unis. C’est le plus grand Etat musulman du monde (85% de la population). Il y a 5 religions officielles : Islam, christianisme/protestant, christianisme/catholique, Hindouisme, Bouddhisme (principalement Chinois).
Gérard Chesnel, ancien ambassadeur de France dans des Etats du Pacifique, Président de la Commission nationale pour l’élimination des mines anti-personnel
Conférence à l’Institut du Pacifique – 3 octobre 2024
Points évoqués lors des questions-réponses
-Chou En Lai était présent à la conférence de Bandung (mouvement des Non-alignés en 1955). Mais le coup d’Etat de Suharto a entrainé une rupture des relations diplomatiques avec la Chine.
-Des mouvements autonomistes et des révoltes ont eu lieu dès le lendemain de l’Indépendance : au sud des Moluques (mouvements pro-hollandais) ; tensions interethniques, inter-religieuses (face à l’islam radical) ; à Aceh (nord de Sumatra dernier à être soumis aux Hollandais après de longs mouvements indépendantistes).
-Le pali et le sanskrit sont encore enseignés à l’école.
[1] Cf le dossier « La grande aventure de la Compagnie des Indes (des marchands plus forts que des Etats) » in la Revue L’Histoire, n° 524, octobre 2024.
[2] Cf les problèmes liés aux transferts de capitales, par exemple Naypyidaw en Birmanie.
[3] La position officielle de la France serait moins sévère.
Une présentation originale à deux voix d’un pays lointain à tous points de vue, d’un pays que les conférenciers connaissent depuis longtemps, en profondeur, et où ils se rendent régulièrement depuis … 1964 pour Catherine Cadou et 1971 pour Christian Sautter.
Intervention de Christian Sautter
Référence aux 2 lutteurs de sumo. Le Japon essaie de faire respecter les règles d’un combat loyal entre la Chine et les Etats-Unis. L’archipel vit dans un isolement relatif, est-il calme pour autant ?
Si la croissance est considérée comme l’alpha et l’oméga du bonheur, le dynamisme démographique est un élément nécessaire, il n’en reste pas moins que la croissance est médiocre depuis 40 ans, que le déclin, s’il est calme, n’en est pas moins réel.
Mais les Japonais savent faire face en puisant dans leur aptitude à la sérénité, dans leurs ressorts culturels et leurs structures familiales et sociétales qui constituent l’âme japonaise.
Le rapport à l’Etat est paisible, l’institution étatique n’est pas considérée par les Japonais comme un fardeau, un handicap.
Au Japon, une chose peut n’être ni vraie, ni fausse.
Le Japon sera présenté dans une « valse à 3 temps » :
Temps 1 – un Etat « développeur »
De 1945 à 1985, le Japon est une nation riche, dotée d’une armée puissante. Depuis l’ère Meiji, l’Etat doit jouer le rôle moteur.
Le pays se développe ainsi en s’appuyant sur une coopération continue entre les 3 éléments du triangle de fer que constituent le gouvernement, le parti conservateur et le monde des affaires.
Pour nous, Occidentaux, compétition et coopération sont 2 termes antinomiques, le Japon lui sait construire le compromis.
Si comme en Asie orientale, le Japon a une image de société très « inégalitaire », l’harmonie y reste de mise. On en trouve des exemples dans nombre de domaines, non régulés mais « encouragés ».
Mais 1985 marque la fin de la période « Japan as N° 1 » : Éclatement de la bulle spéculative, obligation de réévaluer le yen, de libéraliser les finances.
Temps 2 – un Etat « résilient »
Le Japon doit faire face en 1995 au tremblement de terre de Kobé, en 2011 à la catastrophe nucléaire de Fukushima. Il faut y ajouter 2 éléments « aggravants » : le vieillissement de sa population et la croissance chinoise.
Mais grâce à l’Etat, la cohésion sociale est préservée, la croissance est ralentie, mais le Japon est devenu un pays « mûr », un pays rentier. Le travail est « robotisé » pour faire face à la diminution de la main d’œuvre. Mais, contrairement à ce qui se manifeste dans certains pays occidentaux, le travail manuel n’est pas méprisé.
Le Japon est exportateur de soft power.
Temps 3 – un Etat « conciliant »
En 2016, l’arrivée de Donald Trump à la présidence américaine impacte le Japon dans sa politique extérieure et peut rendre sa sécurité plus aléatoire (Corée du nord par exemple); le Japon est amené à augmenter ses dépenses militaires jusqu’à 2% du budget national et à acheter des armements aux USA.
Mais dans le même temps, il observe et écoute la Chine, la Corée du sud … Il sait jouer la carte du « go between » sans faire jouer les tambours. Le Japon est le royaume des diplomates, « ils agissent en parlant peu ».
Sur le plan intérieur, le Japon a un Etat « bizarre ». Le gouvernement ne cherche pas à faire le bonheur des gens malgré eux. Les Japonais sont habitués à « se débrouiller » seuls, s’organisant sur les fondements d’une très forte solidarité de proximité. L’Etat est peu interventionniste, il y a peu de lois. Il fait confiance aux entreprises. Pour autant les budgets sont déséquilibrés et la dette est abyssale. Mais l’épargne interne est très forte.
Dans le domaine climatique, il y a peu de déclaration, l’Etat est conciliant et cherche là encore à préserver l’harmonie entre économie, nature et bonheur, tout en revitalisant la ruralité.
L’utopie est pour après-demain !!!!!
Intervention de Catherine Cadou
Cinéaste et productrice, interprète et traductrice des œuvres cinématographiques de Akira Kurosawa (1910-1998) dont elle fut l’assistante pendant près de 17 ans. Spécialiste du cinéma japonais, elle a traduit et sous titrés près de 200 films japonais. Elle a participé en tant que traductrice et assistante de A. Kurosawa à tous les grands festivals de cinéma du continent européen (Cannes, Berlin, Venise, Deauville etc. …)
La culture et le mental japonais sont marqués par des concepts mythiques : cf histoire de la déesse de la montagne. Il s’agit de se situer par rapport à l’autre, par respect pour la nature, s’adapter à la diversité du monde. Les Japonais sont des humanistes.
Les signifiants du contraste « baguettes et fourchettes » : idée de réactivité nécessaire à l’incorporation, à l’appropriation du monde, importance de l’adaptation. Les Japonais savent s’adapter sans renoncer à être eux-mêmes.
La place des femmes au Japon est importante. Elle est inscrite dans la Constitution. Les femmes « déesses » toutes puissantes sont très admirées et référentes. Contrairement à la lecture dominante qu’en font les critiques de cinéma, le rôle des femmes dans les films japonais est très subtilement valorisé.
Le roman « Dit du Genji » écrit par une femme (cf exposition au musée Guimet, « A la Cour du Prince de Genji », novembre 2023-mars 2024, note dans l’espace Cultures de notre site) présente des femmes libres et autonomes au contraire des garçons au IXème siècle.
Le lien avec la nature est lui aussi essentiel. Il est présent dans toutes les facettes de la vie quotidienne et de la culture japonaise. Cela se traduit en tout premier lieu par l’habitat qui se doit d’être ouvert sur l’extérieur. On retrouve également cette attache forte avec la nature dans le respect des rites saisonniers dans les fêtes de quartier notamment.
Architecture et nature sont également des données essentielles dans l’agencement des villes et quartiers. La gare de St Denis Pleyel en bois et verre a été conçue par l’architecte japonais Kenzo Kuma, inaugurée en juin 2024. Symbole de l’architecture naturelle.
Conférence du 20 juin 2024 de Christian Sautter et Catherine Cadou
Quelques ouvrages de référence :
Pierre-François Souyiri, historien du Japon à l’INALCO : « Moderne sans être occidental : aux origines du Japon d’aujourd’hui ». 2016.
Ruth Benedict : « Le Chrysanthème et le Sabre », sur une commande du Pentagone en 1944 pour essayer de mieux comprendre les mentalités japonaises.
Le terme de « cérémonie » fait référence à des rituels et des pratiques codifiées, à un art traditionnel inspiré en partie du bouddhisme zen qui nécessite un long apprentissage[1].Elle correspond à une discipline esthétique de la civilisation japonaise.
La préparation du thé vert en poudre (« thé matcha ») est réalisée par un praticien expérimenté et servie à un petit groupe d’invités dans le cadre calme d’un lieu festif. Le cérémonial a été transmis au XIIème siècle par des moines japonais à leur retour de Chine. A l’époque féodale, le thé est un signe de culture ; au-delà d’un symbole de la cérémonie religieuse, c’est aussi un stimulant pour méditer ou une substance à usage médical. En 1522, le Grand Maître Sen Rikyu a perfectionné la Voie du Thé (Chado), et a créé 3 écoles. Ses descendants perpétuent son héritage et contribuent à son enrichissement dans le pavillon de thé le plus ancien dans la demeure de la famille Sen à Kyoto. Aujourd’hui, il y a environ 500 écoles.
L’école Urasenke est la plus active et la plus suivie des deux écoles principales l’autre est l’école Omotesenke également représentée à la MCJP. Elles ont de nombreux points communs.
Le pavillon de thé au 5ème étage de la MCJP a été offert par le Grand maître de l’Ecole Urasenke. Après des salutations, l’hôte et l’(ou les) invité(s) apprécient la décoration, en général dépouillée, la ou les fleurs (de saison) dans l’alcôve de la chambre de thé, le foyer (isolé symboliquement par un mini paravent autour du foyer) et le récipient d’eau. Un deuxième temps est consacré aux ustensiles et au tissu rouge en soie (plié) qui servira à la purification des ustensiles.
Quatre principes fondamentaux, toujours respectés, régissent traditionnellement la cérémonie et ses différentes étapes : l’harmonie (de la relation humaine, des ustensiles, avec la saison) ; le respect (de tous) ; la pureté (l’honnêteté de cœur) ; la tranquillité (la sérénité de l’esprit).
Les échanges entre l’hôte et l’invité portent sur les « ustensiles » : la boite de thé (sa forme, la qualité de la laque noire), le bol à thé la cuiller, le fouet (chasen) … La dégustation obéit aussi à un rituel : d’abord l’eau chaude réchauffe le bol, puis la dégustation du gâteau (légèrement sucré) est suivie par la dégustation du thé qui été fouetté avec un ustensile particulier destiné à l’aérer, et le faire mousser.
L’invité salue avant de déguster, admire le bol sous toutes ses faces, puis boit le thé.
Les invitations sont en général envoyées par l’hôte un mois avant la cérémonie. Le processus se termine à l’initiative de l’invité.
Hélène Mazeran
[1]Cf Noriko Morishita : La cérémonie du thé. Marabout. 2019.
Cf aussi « Dans un jardin qu’on dirait éternel », film de Tatsushi Omori, sorti en France en 2020. Article dans l’espace culture de notre site.
Rappel historique
En 1905, à la fin de la guerre russo-japonaise (à l’avantage du Japon), le Président américain Théodore Roosevelt joue les intermédiaires lors de la négociation du Traité de Portsmouth.
Il poursuit l’application de la doctrine Monroe, et la fait évoluer en « Big Stick ». Préoccupé par l’avance des nations européennes en Asie, il suggère à des diplomates japonais de faire de leur pays le dépositaire de la doctrine Monroe pour l’Asie.
Mais la lecture diffère :
– pour les Américains, il s’agit de faire barrage à l’expansion européenne en Asie,
– pour les Japonais en manque de ressources en matières premières, il s’agit de légitimer des conquêtes territoriales permettant des approvisionnements.
Le Japon envahit la Mandchourie en 1931. Et en fait l’Etat fantoche du Mandchoukouo. A la fin des années 30, des contacts avec des chefs sionistes (dont Ben Gourion) avait donné lieu au projet FUGU d’installation du peuple juif en Mandchourie, au lieu d’Israël pour créer une zone tampon avec la Russie devenus soviétique.
Le Japon envahit la Chine, puis l’Indochine française en 1940. Les Japonais pratiquent ici le 2A/AD (Anti-Access/ Access Denial) de la doctrine Monroe, mais ils s’installent. C’est là qu’ils se heurtent aux USA qui soutiennent les nationalistes de Tchang Kai Check. D’où la confrontation inévitable entre Japon et USA.
La pratique des sanctions est dans les gênes des Américains. En 1941, la Hollande et le USA sanctionnent le Japon en le coupant de ses importations d’acier et de pétrole d’Indonésie. D’où l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941.
Après l’invasion de l’Ukraine en février 2022
a) est un désert démographique,
b) ses infrastructures physiques (ports, aéroports, routes, chemin de fer) dans cette région sont insuffisantes pour satisfaire les ambitions relatives au développement socio-économique proclamées par Moscou.
c) la Russie est donc obligée d’engager des dépenses afin de réduire ses handicaps en Asie qui viennent de s’ajouter aux problèmes que le pays connaît dans sa partie européenne.
d)Le but des sanctions antirusses (anti-coréennes et anti-iraniennes ; voir la législation américaine à ce sujet et notamment CAATSA) est précisément de rendre impossible le décollage économique de son économie dans son ensemble en général et notamment celui de la partie asiatique /arctique.
e) Sur le plan international, la confrontation avec les États-Unis est dans la logique des relations entre les Américains soutenus volens nolens par leurs « foederes » euro-asiatiques, d’une part, et par les Chinois, Russes et d’autres pays du « Global South ». En effet, (et c’est Congressional Research Service qui le dit) l ‘Amérique ne veut pas permettre l’apparition d’une hégémonie régionale dans l’espace euro- asiatique.
Francis Baudu et Ivo Paparella
Conférence du 4 avril 2024
J’arrive à la Maison des Associations pour une conférence de l’Institut du Pacifique par l’impasse Marie de Régnier qui est l’une des deux héroïnes d’un roman que je viens de lire :« J’ai péché, péché dans le plaisir » de Abnousse Shalmani[1] : elle y mêle la vie de la poétesse française Marie de Régnier qui a mené un combat féministe pour sa liberté et celle de Forough Farokhzad, poétesse et cinéaste iranienne.
Mettons fin à ces rêveries et revenons à la conférence du jour à l’Institut du Pacifique sur « Le modèle économique sud-coréen ».
Le conférencier, Monsieur Li, juriste et économiste, avocat d’affaires travaillant aussi bien en France et en Corée, pour des entreprises françaises et coréennes, est un une des très rares personnes à posséder la double nationalité française et coréenne. Du fait de sa double culture, il nous parle avec talent de l’économie coréenne, paradoxalement développée et modernisée par les deux dictateurs Park Chung-hee et Chun Doo–hwan.
Un rappel historique montre l’évolution d’un pays ruiné et misérable après la Deuxième Guerre mondiale, qui connait 26 ans de dictature militaire, mais où l’influence du confucianisme et les efforts en matière d’alphabétisation et de développement industriel ont permis de devenir l’une des premières économies mondiales :
La Corée est le pays de la technologie et de la modernité. « La technologie et la modernité ne font pas peur en Corée ; ils sont considérés comme des facteurs de progrès et de développement ». On a ici le souci constant de faire » plus et mieux ».
Le pays est très rapidement passé à l’ère numérique alors qu’en 1945 il se trouvait dans la misère absolue ! Les 7 plans quinquennaux de 1961 à 1996 ont donné une feuille de route permettant le passage de l’économie à l’industrie, d’abord textile dans les années 60, puis à l’industrie lourde, chimique et aux chantiers navals (dont la Corée devient leader mondial).
A partir des années 80, on assiste à un saut technologique avec la création d’Instituts de recherche et de programmes de R & D. En 1983, Samsung investit des millions de dollars dans les semi-conducteurs. Dès les années 90, c’est l’envolée de la technologie où les sous-traitants deviennent les constructeurs affirmant ainsi la souveraineté économique au risque de se fâcher avec leurs prescripteurs. La rapidité est un facteur essentiel de ce développement avec par exemple un délai de 18 mois entre la conception, l’industrialisation et le lancement de Smartphones ! Il y a aussi le parti pris de ne pas s’ouvrir aux IDE, mais de recourir à des prêts coréens afin de protéger le tissu économique et de préserver la souveraineté du pays. L’ouverture aux capitaux étrangers n’intervient qu’après la crise financière de 1997, traumatisme brusque et inattendu malgré une bonne croissance et une économie solide, mais résultant de la propagation de la crise du Sud-est asiatique. L’approche patriotique de la prospérité se résume un peu dans l’adage : « ce qui est bon pour le pays est bon pour l’entreprise et vice-versa ».
L’économie est donc un sujet majeur, facteur de compétitivité, celle-ci étant une obsession.
Les années 2010 voient la 4e révolution industrielle avec l’émergence de l’IA, de la robotique, des blockchains, du cloud, de la cybersécurité…
Le Coréen est toujours animé d’un sentiment de précarité quel que soit son niveau de richesse. Il n’est jamais dans le confort, dans les situations acquises et il est donc extrêmement réactif. Ainsi le Covid-19 n’a pas été vécu comme une crise sonnant la fin du monde, mais comme un passage.
Le soft power coréen se répand aujourd’hui dans le monde entier, et tout particulièrement en France. Le think tank KEY (Korea, Europe and You) dont M. Li est le fondateur, a tenu le 1er février son premier forum à Paris, dédié au soft power coréen. Ce forum se reproduira dans l’année à Berlin et à Londres.
Des questions en fin de conférence amènent Monsieur Li à nous parler de la culture séculaire[2] de son pays, qui a reçu une influence japonaise, et s’illustre aujourd’hui dans la gastronomie, la musique (K-pop), les séries (Skycastle), les BD et le cinéma qui, selon M. Li, vit un « âge d’or » et reçoit de nombreux prix internationaux. Il est vrai que les écrans parisiens présentent régulièrement des films coréens, parmi lesquels on peut citer, dans leur diversité :
« The President’s Last Bank » (Im Sang Soo 2005) : assassiné par les services secrets coréens.
« Ivre de femmes et de peinture » (Im KwonTaëk 2002) histoire de la vie d’un peintre à la fin du 19ème.
« Le chant de la fidèle Chunhyang » (Im KwonTaëk 2000) les amours d’une courtisane sous la forme d’un « Opera coréen » appelé pansouri, passionnant même si la musique nous entraîne loin de Haendel Verdi et Wagner.
« Printemps, été, automne, hiver… et printemps » (Kim Ki Duk 2003). Un maître zen élève son jeune disciple.
« Parasite » ( BongJoon Ho 2019 Palme d’Or à Cannes) : une famille pauvre multiplie les ruses pour exploiter une famille richissime.
« Les Bonnes Etoiles » (KoreEda 2022) : histoire policière d’un trafic d’enfants. KoreEda est japonais mais le film est tourné en Corée avec des acteurs coréens. Ses films sont souvent centrés sur des problèmes familiaux.
« In Another Country » (Hong Sang Soo 2012) Une « même » histoire, celle d’Anne jouée par Isabelle Huppert racontée 3 fois différemment.
Conférence du 8 février 2024
François Chauvière
[1] Ecrivain française née à Téhéran, présidente du jury du prix de la laïcité 2023.
[2] Cf notamment les céladons
Le 1er mars, les 27 membres de l’UE doivent adopter une première liste de projets qui bénéficieront de l’initiative européenne « Global Gateway » (présentée le 1er décembre 2021par la Commission européenne pour mobiliser 300 milliards d’euros d’ici 2027 pour des projets d’infrastructures hors de l’UE, des Balkans occidentaux à l’Afrique du sud ou à l’Asie). Les difficultés ne sont pas encore toutes surmontées…. Et l’Inde, le Japon et les Etats-Unis ont aussi de projets concurrents aux « routes de la soie ».
Vo Van Thuong , seul candidat à l’élection présidentielle, est élu le 2 mars, par 487 voix sur 488 que compte l’Assemblée nationale, comme nouveau président du Vietnam, succédant à Nguyen Xuan Phuc. Celui-ci a démissionné en janvier dernier suite à une campagne visant la corruption et les pratiques malsaines et à l’origine d’une purge anticorruption. Celle-ci a entraîné le départ de nombre de hauts responsables. Si Vo n’a que 52 ans, son rôle reste moins important que celui du puissant secrétaire général du PCV, Nguyen Phu Trong, à qui il pourrait succéder.
La 8e conférence internationale de Panama sur « Notre Océan » du 2 au 4 mars s’est terminée sur un accord préfigurant un traité (au bout de 15 ans de négociations) relatif entre autres à de protection de la haute mer qui représente 60% de la surface des océans. Une fois ratifié par un nombre suffisant de pays, ce traité va permettre la création d’aires marines protégées appelées à jouer un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité et le renforcement de la résilience face aux effets du changement climatique. Espérons que les états n’attendront pas trop longtemps !
Le 3 mars, après 3 ans de procès avec 66 audiences, Kem Sokha a été condamné à 27 ans de réclusion pour « trahison » et collusion avec des pays étrangers. Le Parti du sauvetage national du Cambodge (PSNC) créé avec Sam Rainsy (en exil en France depuis 2015) a été dissout en 2017. Arrêté en septembre 2017, Kem Sokha a été privé de de tous ses droits civiques et assigné à résidence à son domicile et placé sous contrôle judiciaire. Il ne peut communiquer qu’avec quelques membres de sa famille. Le PSBC rassemblait 44,7% des sièges de l’Assemblée nationale avant les législatives de 2018. Mais le parti du peuple cambodgien de Hun Sen est de facto le parti unique. Soutenu par la Chine et utilisant les mêmes méthodes de traque des opposants, le régime est resté sourd aux critiques unanimes des chancelleries occidentales. Ce procès est qualifié par un de ses avocats comme « ni juste, ni équitable ». Alors que la plupart des opposants politiques ont été contraints à l’exil, les libertés civiles, d’information notamment, sont de plus en plus restreintes à 4 mois des prochaines élections législatives en juillet. Hun Sen, ancien Khmer rouge proche de Pol Pot et installé au pouvoir en 1985 par l’armée Vietnamienne qui a chassé les Khmers rouges en 1979, a développé un autoritarisme sans limite, envisageant de rester au pouvoir jusqu’en 2028 et ensuite d’y installer son fils hun Manet qui est déjà chef des armées.
Du 3 au 5 mars, Gérard Darmanin, Ministre de l’Intérieur et des Outre-mer est en Nouvelle Calédonie pour tenter de nouer des négociations sur le futur du territoire entre l’Etat et les deux entités locales, loyalistes et indépendantistes avant les élections provinciales de 2024. Un report de ces élections à une date ultérieure permettrait-il de trouver une solution satisfaisante pour tous sur le futur statut, alors que les accords de Matignon en 1988 et de Nouméa en 1998 ne semblent plus répondre aux besoins actuels. Ainsi après trois jours de visite en Nouvelle Calédonie, Gérard Darmanin, a annoncé l’invitation à Paris pour une dizaine de jours vers la mi-avril des mouvements indépendantistes (dont le FLNKS) et non-indépendantistes pour une réunion dans un format officiel afin d’examiner les sujets de « compromis nécessaires » pour définir l’avenir institutionnel du territoire.
Du 4 au 13 mars se déroule à Pékin la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire qui réunit ses 3000 membres. Le 10 mars, le mandat de 5 ans de Xi Jinping y sera renouvelé pour la 3ème fois, et entraînera un grand remaniement gouvernemental. La pérennité et le pouvoir incontesté de Xi Jinping semblent ainsi assurés après sa prolongation pour 5 ans à la tête du PC et de l’armée lors du Congrès du PC qui s’est tenu en octobre. Li Keqiang termine son mandat et annonce un objectif de 5% de croissance pour 2023. Il sera remplacé par Li Qiang, un fidèle de Xi Jinping. Par ailleurs, le budget militaire progresse de 7,2%.
A la suite des élections législatives des Etats fédérés de Micronésie le 7 mars, le président sortant David Panuelo n’a pas été réélu. Ce qui n’est pas le cas de Xi Jinping, réélu à l’unanimité( ?) pour un 3e mandat le 10 mars ! Mais ce grand jour est « entaché » par les accusations de David Panuelo à l’encontre de la Chine qu’il accuse de menaces directes à son encontre et à l’encontre de la Fédération risquant d’être vassalisée, de tentatives de corruption, ce que bien évidemment dénonce la RPC avec sa vigueur habituelle. Si petites soient-elles, les îles océaniennes sont le centre d’enjeux en raison de leur emplacement stratégique.
Xi Jinping désormais plus puissant que Mao : réélu le 10 mars au poste de chef de l’Etat pour un 3ème mandat de cinq ans, alors que en octobre dernier, lors du XXème congrès du PC, il a été réélu à la tête du PC et à la tête de la Commission centrale militaire. En octobre une modification législative a levé les limites de temps à ses différents mandats, ce qui avait suscité un « rappel à l’ordre » de Hu Jintao, suivi d’ailleurs immédiatement par sa mise à l’écart (vue sur toutes les télévisions du monde). Mao n’avait pas été chef de l’Etat pendant plus de 10 ans…. La plupart des réformes administratives et politiques mises en place par Deng Xiaoping (pour empêcher la mise sous tutelle de l’ensemble politique chinois par un seul individu) ont peu à peu été effacées pour concentrer tous les pouvoirs entre ses mains pour une durée illimitée. « On est passé d’un modèle de décision par consensus à un modèle où Xi décide seul de tout » (professeur Suisheng Zhao, université de Denver). Désormais rien ne peut arrêter XI dans son projet de « renaissance de la Chine … en effaçant les humiliations du passé, lorsque la Chine était bafouée par des forces extérieures». Centralisation et étatisation seront encore accentuées pour mener la Chine vers une autosuffisance alimentaire, technologique et militaire si … les défis économiques et démographiques sont surmontés…. Les nouveaux membres du Gouvernement sont des hommes de confiance, choisis pour leur loyauté à XI et à son idéologie, et non pour leurs mérites, après une mise à l’écart de ceux dont il ne serait pas sûr. Parmi eux le ministre de la Défense, le Général Li Shangfu (sanctionné par le gouvernement américain en 2018 pour des achats d’armes russes) ; et également le gouverneur de la Banque centrale Yi Gang et le Ministre des finances Liu Kun, bien qu’ils soient atteints par la limite d’âge….
Le 10 mars a été annoncée à Pékin la reprise des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite par une déclaration tripartite, aboutissement des efforts de Xi Jinping entamés dès 2016.
Principales étapes :
L’objectif chinois est de développer les relations économiques avec les monarchies du Golfe et de les inclure dans l’ensemble du projet des Routes de la soie. De son côté, l’Arable saoudite y voit le moyen de se distancer un peu des Etats-Unis. L’Iran et l’Arabie saoudite espère par cette politique intégrer les BRICS (Brésil, Inde, Russie, Chine, Afrique du sud). Un élargissement de l’OCS pourrait aussi être étendu à l’Arabie saoudite après l’Iran ???
A l’issue de la 14ème Assemblée populaire nationale (APN) qui s’est terminée à Pékin le 10 mars, Xi Jinping, déjà réélu à la tête du PC lors du XXème Congrès en octobre dernier, a été réélu Président de la République pour 5 ans pour la 3ème fois. Le 12 mars, les membres du gouvernement ont ensuite été nommés. On notera en particulier :
On remarquera que d’une manière générale les rivaux possibles de Xi Jinping ont été envoyés en retraite, alors que ses fidèles ont bénéficié de dérogations éventuelles si nécessaire. Mais le souci de ne pas effrayer les marchés financiers a sans doute justifié le maintien des responsables majeurs du secteur économique.
Le Sommet de San Diego (Californie) du 13 mars rassemble Joe Biden, Rishi Sunak et Anthony Albanese. En dépit d’un réchauffement diplomatique franco-australien et franco-britannique, cette réunion est « héritage » du pacte AUKUS signé en septembre 2021 et conçu comme « une arme de dissuasion antichinoise ». C’est aussi le symbole d’une alliance régionale sous parrainage américain d’où la France est absente (pour l’instant du moins ???)
Le 14 mars, le Honduras annonce vouloir nouer des relations diplomatiques avec la Chine continentale au détriment de son allié taiwanais de longue date. Ce dernier a en effet refusé d’accéder à la demande hondurienne d’un versement (annuel ?) de 100 millions d’USD alors que la dette publique de ce petit état est de 20 milliards d’USD. Le 16 mars, Eduardo Reina, le ministre des Affaires étrangères, a justifié l’allégeance (?) de son pays à la Chine en raison de ce refus taiwanais. Cela pourrait-il avoir des répercussions sur ses relations avec son grand voisin du nord ?
Objet le 17 mars d’un mandat d’arrêt e la Cour Pénale Internationale pour sa responsabilité dans des crimes de guerre perpétrés en Ukraine depuis l’invasion russe – c’est-à-dire de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie – , mais paradant le 18 mars en Crimée pour en marquer le 9e anniversaire de son annexion, Vladimir Poutine s’apprête le 20 mars à recevoir son ami Xi Jinping. Celui-ci non plus (tout comme les USA) ne reconnait pas la CPI, mais a fait un plan en 12 points en faveur de la paix parmi lesquels figure le respect de la souveraineté territoriale. Mais quelle souveraineté : celle des frontières de 1991 avec la Crimée dans l’Ukraine ou celle de 2014 revue par V. Poutine ? Il convient d’être clair.
Des données nouvelles ont été publiées le 20 mars au sujet de l’origine de l’épidémie de Covid par une équipe internationale. Deux scenarii opposés s’affrontent toujours : celui d’une origine animale et celui d’un accident de laboratoire, mais le marché de Wuhan semble dans les deux cas jouer un rôle propagateur. Cependant les multiples freins imposés par la Chine (qui défend toujours l’idée d’un virus importé des Etats-Unis) empêchent les progrès d’enquêtes scientifiques internationales.
Le Premier ministre thaïlandais dissout le 20 mars l’Assemblée nationale permettant ainsi la tenue des élections législatives le 14 mai prochain. Trois partis sont d’ores et déjà en lice, celui de l’actuel Premier ministre Prayut Chan-O-Cha, le Pheu Thai sous la conduite de Paetongtarn Shinawatra, fille de Thaksin et nièce de Yingluck, et Move Forward qui avait lors du dernier scrutin attiré massivement les jeunes. Mais la constitution de 2017 rend particulièrement difficile un changement car le Premier ministre est à la fois nommé par les députés mais aussi par 250 sénateurs nommés par le pouvoir en place. Reste à obtenir un raz de marée électoral par les partis d’opposition ?
Le déplacement de Xi Jinping à Moscou du 21 au 23 mars n’a pas donné lieu à des annonces officielles particulières de contrat de ventes d’armes ou à des déclarations de soutien à la guerre en Ukraine. Mais il ne faudrait pas pour autant en déduire une quelconque « réserve » de Pékin vis-à-vis des positions russes…. Et se poser des questions sur le nucléaire.
La victoire le 25 mars des Travaillistes aux élections en Nouvelle Galles du sud assure désormais une majorité absolue aux Travaillistes, aux commandes de chaque Etat et territoire de l’Australie continentale, ainsi qu’au niveau fédéral. Seule exception : la Tasmanie reste dirigée par le parti libéral jusqu’en 2024. Mais la politique centriste menée du gouvernement devrait avoir pour objectif de ne pas s’aliéner ses opposants politiques.
L’ancien président de Taiwan, Ma Ying-jeou (de 2002 à 2006), représentant du Parti Kuomintang est en Chine continentale à partir du 27 mars pour une visite personnelle de 12 jours pour « rendre hommage à ses ancêtres », mais aussi pour des rencontres officielles avec le Bureau des Affaires Taïwanaises à l’occasion de la fête du Qing Ming le 5 avril.
Le Forum de Boao (Hainan) a été créé à l’initiative de la Chine en 2006 soutenue par une vingtaine de pays asiatiques et l’Australie. Cette année il porte du 28 au 31 mars sur « les défis économiques post-pandémie » et réunit notamment le Premier Ministre chinois, le Premier Ministre ivoirien, le Premier ministre espagnol, la directrice général du FMI Kristina Georgieva, l’ex-Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon.
La Présidente de Taïwan, Tsai Ing Wen, a entamé le 29 mars un voyage en Amérique centrale, à Belize et au Guatemala, deux des 13 Etats qui entretiennent encore des relations diplomatiques avec Taïwan et non Pékin alors que le Honduras a rompu le 26 mars dernier ses relations avec Taïwan au profit de Pékin, de même que le Costa Rica en 2017, le Salvador en 2018 et le Nicaragua en 2021. Ce déplacement suppose des « transits privés » aux Etats-Unis : à l’aller pour une escale à New York (29 et 30 mars pour recevoir un prix du Think tank Hudson Institute), et au retour en Californie (4 et 5 avril pour une possible rencontre avec Kevin Mac Carthy, Président de la Chambre des représentants).
Le chef du gouvernement espagnol (qui présidera l’Union européenne au 2ème semestre 2023) est à Pékin le 30 mars pour une visite de deux jours à l’occasion du 50ème anniversaire des relations commerciales bilatérales. Il est le premier des chefs de gouvernement européens à rencontrer Xi Jinping depuis sa proposition de « plan de paix en Ukraine ». P. Sanchez a clairement rappelé qui étaient « l’agresseur et l’agressé » et que les 1ers concernés par les conditions de dialogue pour la paix étaient les Ukrainiens. Il participera en outre au « Davos chinois », le Forum de Boao pour l’Asie (BFA) avec des entreprises espagnoles et es investisseurs chinois dans la perspective d’ un développement du tourisme chinois en Espagne après le COVID.
Après les Pays-Bas et les Etats-Unis, le Japon vient le 31 mars de limiter les exportations des équipements nécessaires à la fabrication des semi-conducteurs, réduisant ainsi les capacités chinoises de production des puces nécessaires aux calculateurs notamment pour l’Intelligence artificielle, et prévenir les détournements de la technologie à des fins militaires.
Après 21 mois de négociations, le Royaume-Uni a signé le 31 mars son adhésion au Partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP) qui regroupait 11 Etats d’Asie et d’Amérique depuis sa finalisation en 2008 (après le retrait des Etats-Unis sous Donald Trump de la 1ère version du traité, TPP, en 2017) : Australie, Brunei, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour, Vietnam. A l’occasion de la signature du Royaume-Uni, il a été indiqué qu’il serait « souhaitable » que les Etats-Unis rejoignent ce pacte que la Chine et Taïwan voudraient aussi intégrer. L’Europe (et la France) resteront-elles à la marge ????
Les îles océaniennes deviendraient-elles un point d’ancrage obligé face à l’appétit chinois ? Ainsi, les Etats-Unis après avoir rouvert en début d’année leur ambassade aux îles Salomon, envisage le 31 mars d’en ouvrir une prochainement au Vanuatu et éventuellement aux îles Kiribati et aux îles Tonga.
Drôle de façon de marquer le 1er février le 2e anniversaire du coup d’état perpétré par la junte militaire au Myanmar : le conseil national de défense prolonge de six mois l’état d’urgence ! La population, elle, manifeste par le silence en ne sortant pas. Par ailleurs, les militaires veulent se donner une légitimité et sont en train d’organiser les élections « promises » où ils sont sûrs de gagner : chercher l’erreur… Du déjà vu ailleurs ! Rappelons que deux ans après le coup d’Etat du 1er février 2021, la junte au pouvoir au Myanmar n’arrive pas à contrôler l’ensemble du pays face à la résistance lancée par le NUG (Gouvernement d’unité nationale) et les Forces de Défense Populaires (PDF), face aux guérillas ethniques de mieux en mieux coordonnées et face aux manifestations de résistance passive et désobéissance civile , dont la dernière le 1er février 2023. C’est ce qui explique que « l’état d’urgence militaire »a été prolongé pour six mois à compter du 31 janvier 2023. Donc pas d’élection libre en vue, et poursuite des opérations militaires et des brutalités de la part de l’armée au pouvoir.
Depuis la destitution de Pedro Castillo (2021-2022) le 7 décembre, le Pérou étale au grand jour la fracture entre la capitale et les provinces rurales et pauvres. Le parlement vient une fois de plus le 1er février de refuser d’avancer les élections à octobre 2023 alors que la contestation a déjà fait 48 morts à travers le pays. Ce projet de loi visant à avancer les élections prévues en 2024 à la fin 2023 et à organiser un référendum mettant en place une assemblée constituante a donc de nouveau été rejeté. L’objectif était de retrouver le calme après deux mois de troubles. La plupart des contestataires, issus des régions andines sont une nouvelle fois le reflet de la fracture depuis de nombreuses années entre une minorité politique et sociale, et une majorité andine défavorisée bien qu’originaires de régions riches en ressources minérales.
Un accord a été signé le 1er février par le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, avec les ¨Philippines pour permettre l’installation de 4 bases américaines supplémentaires aux Philippines, « têtes de pont éventuelles « pour les Etats-Unis dans le cas d’un conflit avec Taïwan.2024
Les changements juridiques et sociaux intervenus en 2020 en application de la loi sur la sécurité nationale et les conséquences de la crise sanitaire (et des restrictions très dures appliquées), ont entraîné une très forte diminution du nombre de visiteurs: 65 millions en 2018, 600 000… De très nombreuses entreprises internationales qui avaient souvent leur siège asiatique à Hong Kong, ont fermé pour se « relocaliser » ailleurs, notamment à Singapour. Le PIB en 2022 a diminué de 3,5%. D’où la recherche de nouveaux moyens pour essayer de remonter cette pente descendante…Et l’annonce le 2 février d’offrir 500 000 billets d’avion gratuits « pour faire découvrir l’effervescence de la ville » dans le cadre de la campagne de promotion « Hello Hong Kong », lancée par le gouvernement avec les trois compagnies aériennes de Hong Kong dont Cathay Pacific à partir du 1er mars 2023.
Ballons dans le ciel ou tout l’art de la manipulation. Le 2 février les USA et le Canada constatent que certaines parties (stratégiques ?) de leur territoire sont survolés par de drôles de ballons blancs alimentés par des panneaux solaires et le 3 c’est au tour de l’Amérique latine. Rien de grave selon Pékin qui en profite pour accuser les Etats-Unis de la « diffamer » puisque c’est une dérive « involontaire » (?!) de ballons à but « météorologique ». Imaginez-vous si les USA avait procéder de même au-dessus de la Chine …
L’incident du survol du territoire américain par un ballon chinois d’ouest en est depuis le 1er février, avant d’être abattu le 4 par la chasse américaine au large des côtes de Caroline au-dessus de l’Atlantique, va encore contribuer à tendre les relations entre les deux Etats, malgré les excuses de la Chine arguant d’une erreur de navigation d’un ballon de « recherches surtout météorologiques » selon les Chinois qui se sontd’abord excusés avant d’accuser les Américains « de prendre cet incident pour prétexte à attaquer et diffamer la Chine »…. Première conséquence annoncée dès jeudi par les Américains : le report du voyage du Secrétaire d’Etat Anthony Blinken prévu à Pékin les 5 et 6 février (1ère visite d’un Secrétaire d’Etat américain à Pékin depuis 6 ans).
Avec une participation supérieure à 80%, les électeurs équatoriens ont voté le 5 février contre le référendum pointant entre autres ainsi le refus de l’extradition des narcotrafiquants vers les États-Unis alors que le pays est en proie à la violence liée à la drogue. Les élections locales voient la perte de Quito et de Guyaquil, bastion depuis une trentaine d’années du Parti Social-chrétien auquel appartient l’actuel président Guillermo Lasso. Cela marque le retour en force de la Révolution Citoyenne et des partisans de l’ancien président Rafael Correa, réfugié en Belgique dont il a obtenu l’asile politique, échappant aux poursuites le visant notamment pour corruption.
Jacinda Ardern, Premier Ministre en poste depuis 2017 (plus jeune Premier Ministre dans ce pays) a annoncé le 19 janvier sa démission de son poste pour le 7 février, avant la fin de son mandat, se disant incapable d’assumer correctement cette charge plus longtemps. Elle restera députée au Parlement (où elle siège depuis 2088) jusqu’aux prochaines élections législatives le 14 octobre 2023, mais ne se représentera pas. Elle a été remplacée le 25 janvier par le nouveau chef du parti travailliste Chris Hipkins (44 ans), qui a été précédemment ministre de l’Intérieur, de l’Education, puis ministre de la stratégie sanitaire pendant la pandémie.
Depuis le 1er février le centre-sud du Chili (280 km au sud de Santiago) est dévasté par de violents incendies, les plus forts depuis 2017. Le 9 février plus de 309 000 ha ont été ravagés. Les plantations d’arbres exotiques développées au détriment d’espèces endémiques pour des raisons de rentabilité contribuent à l’assèchement des cours d’eau et résistent moins bien aux températures élevées de ces derniers temps. La sécheresse dure depuis 13 ans et la température est actuellement au-dessus de 30°C avec un taux d’humidité inférieur à 30% et des vents supérieurs à 30km/h de quoi alimenter ces incendies qui ont déjà fait 24 morts.
Du 6 au 10 février, les USA et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont tenu des négociations à Honolulu concernant un accord de coopération et de défense ce qui permettrait entre autres d’améliorer les capacités de forces de défense de la PNG et la sécurité régionale.
La Chine poursuit son expansion vers le Pacifique sud avec des succès divers. A Fidji (alors que le régime de Pékin a été reconnu au lieu de celui de Taïwan dès 1975), le nouveau gouvernement installé en décembre 2022 a opéré « un revirement stratégique radical » en se retirant d’un accord de coopération policière pour se « rapprocher de systèmes démocratiques et policiers proches des nôtres » (Nouvelle Zélande et Australie, rapprochement avec l’Inde). Le 22 janvier, Kiribati a réintégré le Forum des îles du Pacifique quitté en juillet 2022, enceinte multilatérale dont Pékin n’est pas membre. Or Pékin essaye plutôt de développer des relations bilatérales où elle dispose de plus de poids. C’est sans doute ce qui explique ses efforts en direction des îles Salomon dont nous avons vu l’intérêt stratégique de premier plan (cf. article sur « la pénétration chinoise dans le Pacifique : l’exemple des Salomon, 30 avril 2022). Ainsi, le 7 février, le Premier ministre Daniel Suidani de Malaita (principale île des Salomon) a été renversé par une motion de censure de son Parlement. Son successeur Martin Fini a aussitôt autorisé les investissements chinois refusés jusqu’alors. C’est une nouvelle étape qui est ainsi franchie par Pékin depuis la rupture des Salomon avec Taïwan en septembre 2019. Financements et soft power sont donc utilisés par Pékin pour« acheter » les îles du Pacifique sud….
Le 10 février, un ballon-sonde chinois plus petit que celui qui a été abattu au large des côtes est américaines le 4 février, a été abattu au-dessus de l’Alaska sur ordre du Président Biden. Les débris recueillis dans les eaux territoriales donneront de nombreux détails sur les origines des ballons, les instruments à bord et leurs finalités….Il semblerait que depuis 2018, la Chine a envoyé une « vingtaine » de missions de ce type à travers le monde, dont la moitié dans l’espace aérien des Etats-Unis (Floride, Guam, Mariannes, Hawaï notamment). D’autres auraient été repérés en Amérique latine, en inde, au japon, à Taïwan, au Vietnam…, parfois interprétés comme des OVNI ! Ces ballons seraient envoyés à partir de bases chinoises situées à Hainan ou en Mongolie.
Le 11 février, Justin Trudeau, Premier ministre canadien a fait abattre un objet non identifié au -dessus du territoire du Yukon (territoire du nord-ouest canadien, frontalier de l’Alaska américain).
Après sa première apparition en novembre 2022 pour une inspection de missiles Hwasong avec son père, Ju Ae est à nouveau à « la une » avec l’émission d’un timbre à son effigie sur le pas de tir d’un ICBM le 12 février 2023. Quelle interprétation donner ? Serait-elle l’héritière à venir ? ou seulement une manière de protéger le véritable héritier, l’un des deux fils de Kim Jong-Un ? Les observateurs font référence aux traditions et à la désignation (discrète) en 2009 de Kim Jong-un … pour éviter toute rivalité avec son demi-frère Kim Jong-nam ensuite assassiné en Malaisie. Et il semblerait que « la monarchie stalinienne bâtie par Kim Il-sung s’inscrit dans la lignée des monarchies royales ayant régné sur la Corée, et dominée par des héritiers masculins » selon le journaliste Sébastien Faletti.
Le 13 février débute à Hong Kong pour 90 jours le procès de 47 personnes accusées « d’avoir voulu renverser le gouvernement exécutif ».
Nouvelle atteinte à la liberté de la presse au Cambodge : le 13 février, le média en ligne Voice of Democracy (VOD) s’est vu retirer sa licence de diffusion sur ordre de Hun Sen après un article mettant en cause son fils Hun Manet. Cette radio créée en 2002 a été transformée en journal en ligne en 2017 s’efforçant d’effectuer des reportages, en anglais et en Khmer, de manière objective sur des sujets sensibles (corruption, problèmes d’environnement …). La liberté d’expression de la presse est de plus en plus limitée : selon Reporters sans frontières est passé du 128ème rang en 2016 au 144 ème en 2021 sur 180 dans le monde. Ceci est sans doute en lien avec les élections législatives qui se dérouleront dans 5 mois et pour lesquelles Hun Sen (au pouvoir depuis 1984) veut assurer son avenir et celui de son fils ….
Le 13 février, ont débuté au large du Kenya les manœuvres navales occidentales« Justified Accord » avec les Etats-Unis et une vingtaine d’Etats dont Djibouti et l’Ouganda.
L’Australie annonce le 13 février un tournant dans sa politique migratoire appliquée depuis septembre 2013 (cf. notre article sur ce site, dans les actualités mensuelles, en date du 7 février 2023). Les immigrés pourront désormais s’installer durablement, puis demander la nationalité australienne. Les 19 000 réfugiés actuellement dans des centres de rétention off-shore en Papouasie-Nouvelle-Guinée dans les îles Nauru et Manus, sont ainsi autorisés à envisager un avenir moins précaire.
Le Président iranien Ebrahim Raïssi est à Pékin du 14 au 16 février. C’est sa 2ème rencontre avec Xi Jinping après le sommet de l’OCS en Ouzbékistan en septembre 2022 afin de renforcer la coopération entre les 2 pays du point de vue des questions économiques et internationales, l’accord de coopération stratégique entre les deux Etats signé en mars 2021 n’ayant pour l’instant pas débouché sur des résultats visibles. Depuis le 1er voyage de Xi Jinping au Moyen-Orient en 2016, la Chine a accru son rôle d’acteur majeur dans la région. Les relations entre l’Iran et la Chine ne sont pas « idylliques » depuis la visite de Xi Jinping à Ryad en décembre 2022.
Du 17 au 27 février, la Russie va envoyer une frégate de la flotte du nord, (la frégate Admiral Gorschkov) actuellement basée à Tartous (Syrie) rejoindre des bâtiments chinois et sud-africains pour une semaine d’exercices navals conjoints, dans le cadre de l’exercice « Mosi » (= fumée en swahili !) au large de Durban. A noter que l’Afrique du sud, comme les autres BRICS (Brésil, Inde, Chine) se sont abstenus de condamner Moscou, mais ne l’ont pas non plus soutenue à l’ONU sur la question ukrainienne. A son retour de sa tournée en Afrique (la 2ème depuis janvier 2023, la 3ème en six mois), M. Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires étrangères, a seulement précisé que la Russie souhaitait seulement « renforcer ses relations de bon voisinage avec la majorité des pays de la communauté internationale ». Et selon la ministre des affaires étrangères sud-africaine, Mme Naledi Pandor, « tous les pays effectuent des exercices militaires avec leurs amis ». Cela permet à la Russie de compter ses amis, mais aussi d’inquiéter l’Occident.
Michael Chase, sous-secrétaire adjoint américain à la Défense pour la Chine, est le 17 février en Mongolie et pourrait se rendre dans la foulée à Taipei. Il serait dans ce cas le plus haut responsable du Pentagone à se rendre à Taiwan sur fond de tension avec la Chine. On se souvient des suites de la visite de Nancy Pelosi.
Le 17 février a été inauguré à Hong Kong ( !) le bureau de l’Organisation internationale de la Médiation », nouvelle » plateforme pour la résolution pacifique des différents internationaux », avec, semble-t-il, la participation (en présentiel ou en ligne, la participation de l’Indonésie, du Pakistan, du Laos, du Cambodge, de la Serbie, de la Biélorussie, du Soudan, de l’Algérie, et de Djibouti !!!!
Le 18 et 19 février une délégation de Shanghai a été reçue à Taipei par le maire de la capitale, Chiang Wan-an, membre du parti KMT alors qu’Andrew Hsia, Vice- président du KMT avait effectué un séjour de 9 jours (8-17 février) en Chine continentale. Le KMT, plutôt populaire dans les milieux d’affaires et chez les personnes âgées, est plus favorable au maintien de relations avec la « Grande Chine », contrairement au parti DPP actuellement au gouvernement avec Mme Tsai Ing-Wen, plus sensible aux principes libéraux, voire à l’indépendance de Taïwan. Mme Tsai Ing-Wen en fin de 2ème mandat, ne peut se représenter lors des prochaines élections présidentielles de janvier 2024.
Erkin Tuni Yaz, Gouverneur du Xinjiang, doit se rendre à Londres le 19 février pour une rencontre avec le Foreign Office, puis à Bruxelles le 21 février pour des RV auprès de la Commission européenne, à la demande des autorités diplomatiques chinoises. Après avoir eu des responsabilités croissantes dans la province depuis 15 ans, il est impliqué dans la mise en place des « centres de déradicalisation » et dans la répression des Ouighours ; d’où les sanctions pour violation des droits humains en décembre 2021 prises par les Etats-Unis et les demandes d’arrestation de la part d’ONG de défense des droits humains. Ce déplacement sera-t-il confirmé ? Les autorités politiques occidentales réagiront-elles ?
Les ministres des Affaires étrangères américain et chinois, Anthony Blinken et Wang Yi ont eu une entrevue le 19 février lors de la conférence sur la Sécurité en Europe à Munich. Les Etats-Unis ont mis en garde la Chine sur les « conséquences d’un éventuel soutien matériel » chinois par l’envoi d’armes à la Russie, alors qu’elle s’apprête à « renouveler son partenariat sans limites » avec la Russie conclu lors des JO de Pékin au début de février 2022. Certes la Chine ne veut pas prendre le risque de subir des sanctions occidentales comme la Russie, qui pourraient mettre à mal son commerce avec l’Occident et ses alliés. A contrario, ces sanctions n’ont-elles pas provoqué un rapprochement des industries de défense des deux Etats ?
Le 21 février était organisée la journée annuelle de discussions sur la sécurité entre Taïwan et les Etats-Unis à l’American Institute in Taïwan (AIT) avec le Ministre des Affaires étrangères Joseph Wu et le Secrétaire général du Conseil de sécurité nationale Wellington Koo côté Taiwanais et la Sous-secrétaire d’Etat Wendy Sherman et le Conseiller adjoint à la Sécurité nationale John Finer . Cette journée se tiendrait chaque année depuis 25 ans, mais a été annoncée officiellement cette année pour la 1ère fois. Le siège de l’AIT est à Washington, mais l’AIT a 2 bureaux à Taïwan et fait office d’ambassade, de la même manière que le Bureau français de Taipei puisqu’il n’y a pas de relations diplomatiques officielles entre ces Etats.
Le 21 février, a été publiée « l’Initiative pour la Sécurité Mondiale (GSI) » : ce texte de 10 pages vise à « éliminer les causes des conflits mondiaux à leur racine et à améliorer la gouvernance de la sécurité mondiale ».
Le sommet du G20 se tient à Bangalore du 23 au 25 février. Les pays en développement sont très affectés par les conséquences de la guerre en Ukraine. Mais le manque d’accord entre les pays industrialisés et la Chine qui sont leurs premiers créanciers, pose problème, notamment sur le rôle des banques multilatérales de développement dans le financement dans la lutte contre le changement climatique. La prochaine réunion est prévue à Paris en juin prochain.
La Résolution sur le retrait des troupes russes d’Ukraine présentée le 24 février à l’Assemblée générale des Nations-Unies montre qu’un an après le début du conflit, les positions ont peu varié (cf. notre article en date d2mars 2022) :
Le 24 février, soit un an jour pour après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Chine veut s’imposer comme médiateur incontournable en proposant un plan de paix en 12 points pour mettre fin à cette guerre, sans avoir néanmoins au préalable consulté la partie ukrainienne. Le premier point est le respect de l’intégrité territoriale et aussitôt Moscou insiste sur la reconnaissance des quatre régions annexées. Ce premier point est donc très flou, mais semble présager une posture vis-à-vis de Taiwan. Par ailleurs, Pékin récuse tout recours à l’arme nucléaire et insiste sur « la nécessité de ne pas bombarder les populations civiles, de ne pas faire usage de l’arme nucléaire et d’instaurer des pourparlers », mais le terme « plan de paix » n’était pas dans le texte … De son côté, en réponse à cette annonce, le Président Zelenski s’est dit prêt à « avoir une rencontre avec Xi Jinping ».. Dans le même temps, à l’ONU, Pékin tout à son désir de paix et de respect de la souveraineté territoriale, lors d’une résolution concernant le retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine, s’est abstenu tout comme l’Inde. Les visites diplomatiques à Pékin se multiplient avec le Président Loukachenko attendu le 28 février à Pékin et le Président Macron pour la 1ère semaine d’avril. La Chine chercherait-elle à jouer un rôle dans une issue au conflit, trouvant ainsi une place sur la scène internationale qui masquerait ses difficultés intérieures ?
Le 24 février, la Chine a publié une proposition de « règlement politique de la crise ukrainienne », qui a été diversement appréciée par la communauté internationale. Le Directeur adjoint de l’Institut des relations internationales de Shanghai a précisé que si « la Chine est en faveur de la paix, il y a une différence importante entre la Russie et la Chine : la Russie veut détruire le système international actuel pour en bâtir un nouveau, alors que la Chine veut transformer le système actuel en y occupant une place plus importante ».
Le sommet du G 20 de Delhi s’est terminé le 25 février à Delhi sans avoir débouché sur un communiqué commun en raison de l’opposition russe et chinoise. Aucun accord n’a pu être trouvé sur aucun sujet (réforme des banques multilatérales, réduction de la pauvreté, aide au développement pour les pays les plus endettés, réchauffement climatique, aide du FMI à l’Ukraine) malgré les 18 Etats qui avaient donné leur visa au projet de texte. Le motif invoqué par la Chine et la Russie est qu’il s’agissait d’une « réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales » et donc qu’ils devaient « traiter uniquement de questions économiques et financières et non de géopolitique »… Or le texte final élaboré par la présidence indienne mentionnait le mot « guerre » à propos de la situation en Ukraine. Pour le Premier ministre indien, le multilatéralisme est « en crise ». Par ailleurs, un bref échange a eu lieu entre Anthony Blinken et Sergueï Lavrov pour évoquer la suspension par Moscou du traité sur le désarmement nucléaire et sur l’accord des exportations de céréales ukrainiennes expirant le 18 mars prochain.
Le 25 février, Miao Boya, membre du Conseil municipal de Taipei, a rappelé, lors de la commémoration de l’attaque russe sur l’Ukraine que les Ukrainiens ne se battent « pas seulement pour leur liberté, pour leur démocratie, mais pour celle du monde entier ».
Selon des sources américaines rapportées par le Wall Street Journal du 26 février (Ministère de l’énergie américain, Direction nationale du renseignement), la pandémie a été « très probablement » causée par une fuite accidentelle d’un laboratoire de Wuhan, contrairement à un rapport de 2021 qui était « incertain » sur les origines du Covid, mais confortant ainsi le rapport du FBI en 2021. La Chine, par la voix du porte-parole du Ministère des affaires étrangères, Mao Nong, s’en tient au rapport des experts de Chine et de l’OMS (9 février 2021) qui concluait que « l’option d’une fuite de laboratoire était hautement improbable» en dépit de la déclaration du Directeur général de l’OMS assurant cependant que « toutes les hypothèses restaient sur la table ».
La 7ème réunion plénière du Comité central du Parti du travail de la Corée du nord au pouvoir qui a débuté le 26 février, est consacrée spécialement à l’urgence alimentaire. Des sources sud-coréennes mentionnaient la réduction des rations alimentaires des soldats. Les productions agricoles n’ont pas été bonnes, notamment du fait de la sécheresse du printemps. Or Kim Jong-Un ne peut poursuivre son programme nucléaire sans un soutien de son opinion publique, et donc avec une solution du problème alimentaire.
La 42e édition de Cobra Gold se déroule du 27 février au 10 mars en Thaïlande. Ces exercices terrestres, aériens et maritimes réunissent des militaires de Thaïlande, des Etats-Unis, de Singapour, d’Indonésie, de Malaisie, de Corée du Sud et du Japon.
Le 27 février s’est ouvert le procès en appel (après 5 reports et de multiples péripéties…) d’Oscar Temaru, leader indépendantiste de Polynésie française et maire de Faaa depuis 40 ans, accusé de « prise illégale d’intérêts ». Un déroulement serein de ce procès est-il assuré dans le contexte des élections territoriales qui vont se dérouler les 16 et 30 avril prochains ?
Le 28 février, commémoration du massacre du 28 février 1947 par le Kuomintang de ceux qui « réclamaient des droits et des libertés, et non l’indépendance ». C’est une commémoration à laquelle les Taïwanais sont très attachés, même si aujourd’hui la distinction entre Taïwanais de souche et continentaux est moins évidente. Pour mémoire, Taïwan fut régie par la loi martiale jusqu’en 1987, date du début de la démocratisation.
L’année 2023 commence sous les meilleurs auspices en Colombie où le gouvernement vient de conclure avec cinq groupes armés un cessez-le-feu, à savoir l’ELN, les dissidents des FARC et des gangs de trafiquants de drogue. Et en même temps, la Colombie et le Venezuela rouvrent le dernier poste frontière encore fermé entre les deux pays laissant entrevoir une forte reprise des échanges. Le Venezuela est l’un des garants des négociations entre le gouvernement colombien et l’ELN et annonce aussi vouloir normaliser ses relations avec les Etats-Unis (pétrole oblige ?).
Guillermo Lasso annonce le 3 janvier que l’Equateur et la Chine sont sur le point de signer un accord de libre échange après quatre cycles de négociations ayant débuté en février 2022. Cela donnera un accès préférentiel aux produits équatoriens au marché chinois, surtout pour des produits agricoles et agro-industriels dont les bananes, le cacao, le café et les crevettes dont l’Equateur est un des principaux exportateurs. Cet accord permettra aussi l’importation de machines et de produits technologiques à bon prix.
Le 10 janvier dernier, la Chambre des représentants américaine (à majorité Républicaine) a créé une Commission spéciale sur « le compétition stratégique entre les Etats-Unis et la Chine ». Puis quelques jours plus tard, Kevin Mc Carthy a annoncé son souhait d’aller prochainement à Taïwan.
Les 10 et 11 janvier, les USA, les îles Marshall et les îles Palaos ont signé un protocole d’accord dans le cadre du traité de libre-association (1986) afin d’approfondir leurs liens garantissant aux Etats-Unis des droits militaires et sécuritaires contre une compensation financière. Les îles Marshall vont ainsi recevoir 700 millions de dollars sur quatre ans. Les Américains y ont développé des installations militaires, de renseignement et aérospatiales dans une région où la Chine est particulièrement active.
Le 12 janvier le premier ministre australien Anthony Albanese rencontre à Port Moresby son homologue James Marape en vue de conclure avec la Papouasie Nouvelle Guinée d’ici le 30 avril prochain un accord de sécurité qui engloberait également le changement climatique, la cybersécurité, le financement d’un programme concernant le leadership des femmes et la lutte contre la violence sexiste. Le problème des visas et de la libre circulation entre les 2 pays devrait être traité pour permettre à la main-d’œuvre de la PNG de venir plus facilement en Australie. L’avenir de Bougainville, le renforcement du système judiciaire, la lutte contre la corruption et le fonds souverain papou sont autant de sujets abordés lors de cette entrevue.
La Chine, après avoir levé de manière abrupte la politique du zéro Covid, s’orienterait-elle vers plus de réalisme en laissant publier le 14 janvier le nombre de personnes décédées du Covid ente le 8 décembre 2022 et le 12 janvier 2023, à savoir 59 938 ? Et ce chiffre, selon les experts, est loin de refléter la situation réelle alors que le Nouvel An lunaire et les migrations qu’il entraîne risque de dégrader la situation sanitaire.
Après une visite les 30 et 31 janvier en Corée du sud, Jens Stoltenberg était à Tokyo pour renforcer la coopération entre l’OTAN et le Japon qui consolide actuellement sa défense avec une augmentation de son budget militaire pour les prochaines années…
Côté Est
C’est le côté chinois (donc l’ouest vu du Pacifique) qui a ouvert le bal avec le plénum du parti communiste (PCC) qui s’est déroulé en octobre, ce qui a donné à la Chine un temps d’avance sur les États-Unis qui ne voient se dérouler leurs élections midterms que le 8 novembre. On y a vérifié le renouvellement de Xi Jinping, ce qui n’était pas un scoop. On y a vu aussi, presque avec stupeur, le secrétaire général et président précédent, Hu Jintao, emmené hors de l’estrade malgré sa volonté, sans que l’on sache si le motif de l’éviction était purement politique ou s’il se fondait sur un problème médical. Dans les deux cas, il y a perte de face, et donc de prestige, non seulement pour l’individu lui-même, mais pour sa faction (la Ligue des Jeunesses communistes, qui comprenait le Premier ministre Li Keqiang qui n’est pas renouvelé au Comité central). Le plaindre serait toutefois exagéré, sachant qu’avant d’être secrétaire général du parti et président, Hu avait été secrétaire du parti pour le Tibet et y avait laissé un souvenir abominable.
Le renouvellement du secrétaire général du parti n’était manifestement pas à l’ordre du jour. L’épuration récente de l’armée avec la nomination de généraux aux ordres de Xi montrait que celui-ci serait intouchable car s’étant débarrassé des têtes possibles de l’opposition. Bien dirigée, la lutte contre la corruption (d’ailleurs réelle) est un outil très efficace. De toutes façons, il était inutile d’espérer avoir affaire à de petits saints : pour arriver au Politburo[1], il faut avoir soigneusement marché sur la tête de ceux qui, au Comité central[2], auraient pu devenir des concurrents, et c’est plus vrai encore pour accéder au bureau permanent[3].
Par contre la composition de ce bureau politique permanent[4] donne une certaine idée de l’équilibre des pouvoirs, même si on vérifie que c’est la faction du secrétaire général qui est la plus représentée :
– Li Qian, 63 ans, actuel secrétaire du PCC de Shanghai, poste que Xi avait occupé en 2007, pourtant contesté pour sa gestion de la crise du Covid, a été chef de cabinet de Xi, quand celui-ci dirigeait le Zhejiang. Sa nomination en second derrière Xi indique qu’il devrait être le prochain Premier ministre.
– Zhao Leji, 65 ans, diplômé de philosophie, dirigeait la Commission disciplinaire du Parti ces cinq dernières années, chargé des hautes œuvres grâce à la lutte anti-corruption. Il pourrait présider le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale.
– Wang Huning, 67 ans, considéré comme l’idéologue du parti (ancien professeur de sciences politiques) et francophile, est un natif de Shanghai qui a conseillé Xi.
– Cai Qi, 66 ans, dirige le parti à Beijing depuis 2014. Cette affectation était due à Xi avec qui il avait travaillé au Fujian. Il est diplômé d’économie politique.
– Ding Xuexiang, benjamin de 60 ans (le seul qui sera juste à la limite des 65 ans pour le XXI° congrès) est le secrétaire particulier de Xi.
– Li Xi, 66 ans, dirige le parti au Guangdong après avoir été adjoint à Shanghai. Il aurait été proche du père de Xi Jinping, l’ex-« immortel »[5] Xi Zhongxun. Il pourrait présider la commission disciplinaire du parti, organe d’élimination des mal-pensants puisqu’insuffisamment adeptes de la « pensée Xi Jinping ».
Aussi important que le choix des élus, est le rejet des déchus Li Keqiang avec son allié Wang Yang, pourtant parfois précédemment attendu comme son successeur au poste de Premier. Li Keqiang avait paru incarner le parti des partisans d’une autre politique, au point de prendre une stature « présidentiable »[6] : Xi Jinping n’a pu le supporter et l’a définitivement écarté même s’il reste Premier ministre jusqu’au plénum de l’Assemblée populaire. Après l’élimination du « gang de Shanghai » comme du « gang des Jeunesses communistes », ne reste de place que pour le « gang de Xi », parfois appelé « gang du Fujian », car c’est là que Xi forgea sa carrière dans le parti, comme vice-maire de Xiamen, puis comme gouverneur de cette province située face à Taiwan dont il sut attirer les investissements.
Ni le comité permanent, ni même le Politburo (bureau politique) tout entier ne comprend de femme. Quant aux élus, ils ont généralement plus de 60 ans sauf :
– Li Ganjie (57 ans),
– Chen Jining (58 ans), ministre de l’environnement,
– Li Shulei (58 ans), attendu comme chargé de la propagande,
– Zhang Guoshing (58 ans), peut-être futur vice-Premier ;
– Ding Xuexiang (60 ans), vice-Premier,
– Liu Guozhong (60 ans),
– Yin Li (60 ans, membre de l’Académie des Sciences de Russie), chargé des Sciences,
– Yuan Jiajun (60 ans) qui pourrait diriger Chongqing.
Huit membres seulement n’auraient que 65 ans et pourraient donc (selon les règles classiques qu’a chamboulées Xi) se retrouver au Comité permanent en 2027, dont seulement quatre pouvant être réélus en 2032 ! Sous la direction d’un leader de 69 ans, on est bien loin d’un renouvellement de génération.
Côté Ouest
Les élections américaines donnent un tout autre tableau. Une décrue catastrophique était attendue chez les Démocrates qui jusque-là étaient majoritaires à la Chambre des représentants, mais à égalité au Sénat où ils ne pouvaient imposer une loi qu’en faisant usage de la voix de la vice-présidente pouvant alors compter double. Or on constate :
– que les Démocrates ont effectivement perdu le contrôle de la Chambre, mais de très peu (213 contre 222, la majorité étant atteinte avec 218), ce qui devrait permettre d’obtenir le passage de lois bipartisanes. Sur la carte, le rouge, couleur des Républicains, domine[7], mais il s’agit des régions de moindre importance (sauf le Texas) qui s’estiment injustement délaissées, ce dont Donald Trump avait su tirer parti,
– qu’ils ont gagné un siège au Sénat (49 élus et deux indépendants favorables contre 49 Républicains. Là encore, la carte montre une tache rouge centrale entre la Nouvelle Angleterre et les Etats frontaliers du Pacifique (ainsi que le Nevada, l’Arizona et le Colorado).
Les « midterms » étant régulièrement mauvaises pour le président en poste, ce qu’une étude de l’American Presidency Project illustre[8] en remontant jusqu’à Roosevelt qui en 1938 perdit 81 représentants et 7 sénateurs (record absolu obtenu par un président pourtant considéré comme un des plus grands !). Le seul épargné au « jeu de massacre » est Georges W. Bush (junior) qui en 2002 gagna 8 représentants et 2 sénateurs dans la foulée des attentats du « 9/11 »[9] de 2001.
Le président Biden ne s’en tire donc pas trop mal, d’autant que les élections aux postes de gouverneur donnent des résultats similaires puisque les Démocrates dirigent :
– les Etats historiques de la Nouvelle-Angleterre, sauf le Vermont et le New-Hampshire,
– les Etats des grands lacs,
– la ceinture pacifique,
– deux Etats de la ceinture sud Arizona et New-Mexico[10],
– deux Etats du centre, Colorado et Kansas[11].
Sur l’âge des élus (ou réélus), une étude menée en 2021 montrait une moyenne de 59 ans (contre 38 ans pour la moyenne des Etats-Unis) et même 63 ans au Sénat où 70 % ont plus de 60 ans (environ 35 % pour les représentants)[12]. Mais les Etats-Unis ont déjà élu des présidents jeunes, souvent après une expérience de gouverneur de grand Etat. Or Gavin Newsom (Dem, Californie) a 55 ans, Kathleen Hobbs (Dem, Arizona) 53 ans, Brian Kemp (Rep Géorgie) 59 ans… Le Républicain Ron De Santis a été brillamment élu gouverneur de Floride (avec 60 % des voix) et ses 44 ans feront sûrement de l’ombrage aux 76 ans de Trump, qui vient pourtant de se porter candidat pour 2024. Il y a donc une relève côté américain.
Face à face, des deux côtés du Pacifique, les élections ont donc peu modifié le panorama politique précédent, même si Biden ne pourra faire accepter que des mesures modérées qui puissent recueillir le vote de Républicains conciliants. Or, si les Démocrates sont censés se ranger derrière leur président, le Grand Old Party se partage entre plusieurs courants[13] :
– les « Jacksoniens » attachés à la force de l’ordre pour l’intérieur, mais défiants de son usage hors des frontières. Steve Bannon conseillait Trump dans ce sens, et on voit le sénateur JD Vance (Ohio) et le représentant Wesley Hunt (Texas) pousser au refus de matériel pour l’Ukraine, afin de ne pas engager trop les Etats-Unis,
– les « focalisés sur la Chine », ne croyant plus à la capacité des USA à soutenir deux guerres simultanées et prônant donc le retrait du reste du monde pour se concentrer sur la menace chinoise, quitte à abandonner l’Europe et le Moyen-Orient pour sauver Taïwan, donc le ralentissement de dons à l’Ukraine afin de réserver les ressources à l’essentiel,
– les « convaincus de la primauté américaine » persuadés que l’hégémonie reste possible si les Etats-Unis se donnent les moyens de sortir d’une position de faiblesse, y compris en utilisant les alliés européens. Mike Pompeo ou John Bolton[14] en font partie, et critiquent en particulier le retrait d’Afghanistan.
A noter que les trois groupes se rejoignent sur le refus de gêner le développement industriel pour des nécessités écologiques qu’ils ne tolèrent que si elles leur sont favorables. A contrario, leur opposition laisse au président Biden des possibilités de manœuvre dans le domaine diplomatique et militaire, puisque deux factions adverses sur trois sont d’accord avec lui sur l’importance de conserver le statu quo de Taïwan et la liberté de navigation dans les eaux de la Mer de Chine méridionale. Ce sont en effet, en politique non-économique, les deux points majeurs de friction entre les deux superpuissances, rendus plus évidents depuis les déclarations très agressives de Xi Jinping et surtout de ses représentants diplomatiques « loups guerriers ».
Conclusion
L’année 2024 sera une année électorale pour les Etats Unis, donc une année de vulnérabilité en même temps qu’un risque de surenchères[15]. Ce sera aussi l’occasion de changer la présidence de Taiwan, car Mme Tsai Ing Wen ne peut dépasser son second mandat. Xi Jinping déteste Mme Tsai et le parti DPP qu’elle représente, mais le parti KMT, plus conciliant envers la Chine continentale car il ne voulait connaître qu’une seule Chine, doit se réinventer maintenant que la fiction d’« un pays, deux systèmes » a été dissipée par la répression de Hong-Kong. Quelle sera alors l’attitude d’un Xi Jinping délivré de toute échéance électorale proche ? Croisons les doigts.
Denis LAMBERT
[1] 25 membres initialement, mais Xi a éliminé un nom.
[2] 205 membres
[3] 7 membres, ce qui correspond à une équipe resserrée comme la précédente.
[4] Frédéric SCHAEFFER, « Chine : aux côtés de Xi Jinping, qui sont les hommes clés du pouvoir ? », les Echos, 23 octobre 2022, https://www.lesechos.fr/monde/chine/chine-les-hommes-cles-du-pouvoir-communiste-1872081
Asia Society, « Decoding the 20th Party Congress », https://asiasociety.org/policy-institute/decoding-chinas-20th-party-congress
[5] C’est à dire ancien participant à la lutte contre le Guomindang avant 1949.
[6] Alex PAYETTE, Asialyst, « Chine : le ‘’retour de Li Keqiang’’, un danger réel pour Xi Jinping », 4 juin 2022, https://asialyst.com/fr/2022/06/04/chine-retour-li-keqiang-danger-reel-pour-xi-jinping/
[7] https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=midterms+resultats
[8] https://www.lepoint.fr/monde/midterms-les-resultats-serres-en-4-cartes-09-11-2022-2497007_24.php
[9] Les Américains mettent le mois avant le jour dans une date.
[10]et la Louisiane dont le siège n’était pas mis en jeu.
[11] Ainsi que le Kentucky et la North Carolina dont les sièges n’étaient pas mis en jeu.
[12] Veronica MAGAN, « How old is the 117th Congress? », 2 février 2021, https://fiscalnote.com/blog/how-old-is-the-117th-congress
[13] Majda RUGE, Jeremy SHAPIRO, « Polarised power: The three Republican ‘tribes’ that could define America’s relationship with the world », European Council on Foreign Relations, 17 novembre 2022, https://ecfr.eu/article/polarised-power-the-three-republican-tribes-that-could-define-americas-relationship-with-the-world/
[14] Cf le compte rendu du livre de Mémoires de John Bolton « The Room Where It Happened » (Simon & Schuster, New York, 2020), publié sur le site de l’Institut du Pacifique par l’auteur de ces lignes.
[15] Il y aura aussi des élections européennes, mais l’UE compte tellement peu dans le champ stratégique…